10 choses que vous ne savez pas forcément sur Michel-Edouard Leclerc
A l’occasion de la sortie d’un livre d’enquête sur Michel-Edouard Leclerc publié chez Plon, LSA vous dévoile quelques bonnes feuilles de l’ouvrage qui mettent en relief 10 points que vous ne connaissez pas forcément sur le patron du comité stratégique de l’enseigne qui porte son nom.
Magali Picard, journaliste à la rédaction de LSA depuis plus de 20 ans s’est attelée, au bout d’une enquête inédite auprès de nombreux témoins, de proches mais aussi d’adversaires résolus, à dresser un portrait tout en nuances de celui qui défend les centres E. Leclerc depuis plus de 45 ans. Son livre « Enquête sur Michel-Edouard Leclerc, nous fait-il vraiment faire des économies ? » publié chez Plon est en vente dans toutes les bonnes librairies depuis jeudi 9 février, y compris les Espaces Culturels E. Leclerc, l’un des jolis développements impulsés par celui qu’on appelle « MEL » ou Michel au sein du « Mouvement » créé par son père en 1949, à Landerneau.
Un portrait inédit et inattendu
Notre consœur et collègue dessine un portrait inédit, inattendu, surprenant et très documenté de celui qui guide un groupe de distribution de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 734 magasins et 140 000 salariés. Un portrait, où même ceux qui pensent bien connaitre MEL, comme moi qui le côtoie depuis longtemps comme journaliste spécialiste de la distribution, découvriront de nombreuses informations étonnantes. Le livre est aussi l’occasion d’une plongée dans le fonctionnement de l’enseigne E. Leclerc qui damne le pion aux plus grands groupes en France, distributeurs comme industriels.
Avec l’accord de l’auteur, LSA vous propose 10 extraits du livre qui sont autant d’informations que vous ne connaissez pas forcément sur Michel-Edouard Leclerc.
1/ Recordman
« Sa longévité reste exceptionnelle : quarante-cinq ans de vie politique, économique et médiatique, vingt-cinq ministres de l’Economie, six présidents de la République. Il dure de par la constance de son message, sur les prix bas et la défense du pouvoir d’achat, et grâce à une forme d’authenticité liée à son caractère. »
2/ Intérimaire
« Nous sommes le 7 mai 1978 et, à trois semaines de son vingt-sixième anniversaire, le fils Leclerc fait son entrée au Mouvement, d’abord dans un groupe de travail sur les achats de lubrifiants automobiles, puis en tant que « cadre supérieur chargé plus spécialement des rapports extérieurs, des problèmes juridiques du groupe et de la préparation du dossier pétrole ». « En intérim », précise André Jaud, figure du Mouvement et président d’honneur aujourd’hui. Au cas où… Le vieil homme s’esclaffe : « On ne sait jamais, c’était le fils du patron, on n’était pas sûrs qu’il soit compétent ». Ce serait plus facile de virer un intérimaire ! C’est que les « adhérents » ne sont pas de doux agneaux, loin s’en faut. Beaucoup voient d’un mauvais œil que cet étudiant de la Sorbonne, sans aucune expérience du terrain, déboule ainsi dans l’entreprise. « On s’est tapés un Leclerc, on lui doit tout, on ne va pas s’en taper deux », maugrée l’un d’entre eux. Il va lui falloir la gagner, sa légitimité, et le combat pour briser le monopole des pétroliers dans la vente de l’essence s’apparente à un premier round ».
3/ De Michel-Marie à « MEL »
« Hommage au père ou règlement de comptes digne de la série Succession ? Au milieu des années 1980, Michel Leclerc accole Édouard à son prénom. Désormais, ce sera Michel-Édouard Leclerc. Demandez la version officielle et vous aurez cette réponse : « j’ai voulu porter le prénom de mon père pour faire taire les mauvaises langues qui tentaient de nous diviser. » La réalité ressemble plus à un mauvais feuilleton familial. Dans la nombreuse famille des Leclerc, Édouard est le sixième, et le dernier de la fratrie se prénomme Michel. Jeunes, les deux frères s’entendent tellement bien qu’Édouard appelle son aîné Michel, et Michel, lui, son fils aîné… Édouard. La notoriété peut avoir des effets délétères. Le petit dernier de la famille se lance à son tour dans les affaires et ne manque pas d’idées pour le moins originales, comme s’attaquer au monopole des pompes funèbres, réimporter des automobiles françaises ou encore créer des « Leclerc Services ». Il entre aussi dans l’aventure Leclerc et exploite des supermarchés dans la région toulousaine. Mais il s’avère moins doué pour le business que son frère Édouard et l’histoire tourne à la faillite. Édouard supporte de moins en moins que son nom apparaisse lié à des mauvaises affaires ; Michel, son fils, n’apprécie guère de se retrouver convoqué au commissariat parce qu’on le confond avec son oncle. Bref, les deux hommes se portent en justice pour interdire au vilain petit canard de la famille d’utiliser le nom Leclerc. Et gagnent. La Cour d’Appel de Paris tranche. Dans un arrêt rendu le 28 mars 1985, Michel Leclerc, le frère d’Édouard, n’a plus le droit d’utiliser le patronyme Leclerc. Désormais, Michel-Marie Leclerc, le fils d’Édouard, se fera appeler Michel-Édouard Leclerc. Enfin sur la place publique. Parce que ceux qui le connaissent bien continuent de l’appeler Michel ou… MEL ».
4/ Une avalanche de procès
« Attaqué en justice tantôt par l’Etat, tantôt par les pétroliers, le Mouvement E.Leclerc enchaîne les procédures : 467 entre 1981 et 1985, tantôt gagnées, tantôt perdues. Dans ses combats contre les monopoles, cela fait partie de sa stratégie : identifier un secteur qui n’est pas soumis à la concurrence, sensibiliser les juges et l’opinion via les médias, plus tard la pub, à ses combats menés sur le terrain et transformer l’essai sur le plan commercial ».
5/ Un intello
« Michel Buchard, qui l’a fait venir dans l’entreprise paternelle, juge, lui aussi, que le choix de MEL (de ne pas prendre de magasin, NDLR) était le bon : « il n’a jamais voulu et c’est très bien ainsi. C’est un intellectuel, il n’était pas fait pour ça. C’est beaucoup plus habile de s’en être extrait pour donner les grands axes de la stratégie ». Pire que son père, à la réputation de piètre gestionnaire, qui n’a pas voulu garder ses deux magasins, Michel, lui, n’en a jamais dirigé un ».
6/ Super influenceur
« Pendant vingt ans, Michel-Édouard Leclerc et son père se partagent la présidence. « C’est un lieu où on les fédère pour les inciter à investir, à adopter des politiques commerciales… Nous ne serons jamais signataires des actes de dépenses ou des actes entraînant contre leur gré le groupe », complète Michel-Édouard Leclerc. Un organe politique, donc, qui ne brasse pas des milliards d’euros. L’idée a été soufflée au père et au fils par un certain… Marcel Dassault. Ami d’Édouard, il demande au tandem comment ils fonctionnent. Lui a déjà sa petite idée : il joue le rôle de conseiller auprès de son groupe. Le fils Leclerc s’en inspirera. Son rôle est avant tout politique, celui d’un super influenceur auprès des troupes ».
7/ Un as de la com’
« À notre demande, le cabinet d’études Cision a mesuré la visibilité de Michel-Édouard Leclerc dans les médias pendant sept mois, du 1er décembre 2021 au 31 mai 2022. Et le résultat ne laisse aucune place au doute. Sur cette période, en volume, la présence médiatique de MEL dans la presse écrite et la télévision atteint 56%, quand elle est de 37% pour Xavier Niel et seulement 7% pour Alexandre Bompard. En sept mois, il a été cité ou est intervenu 120 fois par mois, 4 fois par jour à la télé. Énorme ! »
8/ L’avion de MEL
« Michel-Édouard Leclerc n’a pas de chauffeur, contrairement à la plupart des grands patrons. Bon, il utilise un peu trop l’avion privé, qui n’est pas le sien, au départ du Bourget. Et sa réponse, quand on l’interroge sur le sujet, frise avec le cynisme. « J’ai planté 39 000 arbres autour de ma propriété en Bretagne, je peux voyager un bout de temps ». Un peu facile. »
9/ « Juju » et « Mimi »
« Chaque semaine, pendant des mois, Julien Denormandie a envoyé au patron des centres E.Leclerc les prospectus de son enseigne. Entourés en rouge, le prix du kilo de porc ou celui du kilo de tomates. « Pas assez cher », griffonne la main du ministre. Michel-Édouard Leclerc, qui ne manque jamais de vous montrer les textos de l’ancien ministre de l’Agriculture lorsqu’il vous croise, l’appelle « Juju ». Loin d’être affectueux, le surnom est plutôt railleur, les rapports entre les deux hommes ne sont pas bons. Très apprécié du monde agricole, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts de formation, « Juju » ne partage pas grand-chose avec « Mimi ». «
10/ « Vendeur de pommade magique »
« Ses rapports s’avèrent compliqués avec certains politiques. A l’instar de Stéphane Travers, et de tant d’autres, Renaud Dutreil, secrétaire d’État au commerce dans les années 2000, n’est pas tombé dans ses filets. Loin s’en faut. Aujourd’hui, son jugement est impitoyable : « Son sourire de commande, son tutoiement facile, sa gouaille, son absence totale de respect pour la République et ses institutions, ses grosses ficelles de camelot, son manque de maîtrise des sujets techniques, son assurance de fils à papa. Rien de cela n’était destiné à m’impressionner. J’ai vite compris que j’avais affaire à un vendeur de pommade magique ». À l’entendre, Renaud Dutreil a alors laissé son directeur de cabinet le rencontrer, histoire de lui faire croire qu’il était un personnage important, et a discuté, jure-t-il, avec « les vrais spécialistes du sujet ».
Extraits du livre « Enquête sur Michel-Edouard Leclerc, nous fait-il vraiment faire des économies ? » (Plon, 20,50 euros), publiés l’accord de son auteur Magali Picard, journaliste à LSA.