10 raisons de craindre le dispositif franchise de la loi travail par Serge Meresse [tribune]
En exclusivité pour LSA, le célébre avocat des franchisés, Serge Meresse, démontre en dix points pourquoi l’article 64 de la loi travail qui vise à instaurer une instance de dialogue dans les réseaux de franchise est très critiquable. Si le principe est louable, les modalités de fonctionnement retenues appellent de sérieuses critiques. Une analyse claire, simple et directe complétée par 3 conseils aux franchisés.
1/ Parce que la loi crée une « masse sociale commune » composée de l’ensemble des salariées des entreprises franchisées en oubliant que les entreprises franchisées sont juridiquement indépendantes les unes des autres et qu’elles doivent rester juridiquement indépendante du franchiseur.
2/ Parce qu’elle s’appliquera à la quasi totalité des réseaux de franchise opérant en France, le seuil de 300 salariés étant vite atteint, et ne s’appliquera qu’à eux mais pas aux autres réseaux organisés autrement (concession, distribution sélective, agence, commission affiliation…) ce qui risque de nuire à la formule, de créer des polémiques sur la qualification des contrats et de discriminer les réseaux de franchise qui seront soumis à une politique sociale plus contraignante que les autres réseaux de distribution.
3/ Parce qu’elle sera d’application systématique car tous les contrats de franchise contiennent des clauses qui ont un effet sur l’organisation et les conditions de travail dans les entreprises franchisées.
Des dangers multiples
4/ Parce que l’initiative de la création de l’instance de dialogue est donnée aux organisations syndicale représentatives de salariés, mais pas aux franchisés qui sont pourtant les premiers concernés.
5/ Parce la répartition des sièges salariés et franchisés et les critères de désignation ne sont pas précisés mais laissés à l’initiative du franchiseur qui présidera l’instance de dialogue ou à celle des organisations syndicales.
6/ Parce que les coûts de fonctionnement de cette instance seront répercutés directement ou indirectement sur les franchisés, puisque la FFF a obtenu du conseil constitutionnel que les franchiseurs n’aient pas à les supporter en dernier recours.
7/ Parce que les salariés auront accès aux mêmes informations que les franchisés, sans avoir les mêmes obligations, alors qu’elles toucheront à la politique commerciale du réseau, avec les risques de fuites d’informations vers la concurrence, de mise à mal du secret des affaires et du savoir-faire.
8/ Parce que les salariés des franchisés pourront directement formuler auprès du franchiseur toute proposition de nature à améliorer leurs conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle dans l’ensemble du réseau en court-circuitant leurs employeurs franchisés, alors que les situations de chaque entreprise franchisée sont différentes et que ces propositions auront nécessairement un impact sur elles, étant relevé aussi que les salariés ne sont pas membres du réseau ni ne portent mêmes les obligations juridiques et financières que les franchisés.
9/ Parce que l’on comprend mal l’intérêt pour les salariés des entreprises franchisées d’être informé sur les entreprises entrées ou ayant quitté le réseau, information jusqu’à présent réservées aux seuls candidats franchisés qui investissent (art R 330-1 du code de commerce), sauf à penser que cela est fait pour leur donner un pouvoir de contrôle sur les entrées et sorties du réseau, et indirectement, sur la liberté de leur employeur franchisé de rester ou sortir du réseau.
10/ Parce que la loi place les franchisés au même niveau que leurs salariés dans les relations sociales avec le franchiseur et qu’elle unifie les salariés de chaque entreprise franchisée en une seule masse sociale, ce qui risque d’entrainer des conséquences juridiques importantes en cas de cession d’entreprise, de dépôt de bilan ou de sortie du réseau.
Comment s’accommoder de la loi finalement promulguée ?
Trois conseils pour se préparer au mieux
Je conseillerai aux franchisés :
1/ De constituer sans tarder des associations de franchisés dans leur réseau pour organiser leur représentation dans l’instance de dialogue et réfléchir aux moyens à mettre en place pour être une force de proposition active.
2/ De prendre l’initiative de la demande de création de l’instance de dialogue, ce que la loi permet puisqu’elle ne l’interdit pas, et de travailler dès maintenant aux propositions qui seront faites pour organiser le fonctionnement de l’instance.
3/ De réfléchir aux périmètres des sujets qui pourront être traités par l’instance de dialogue, au sein de chaque réseau, compte tenu de leurs spécificités.
L'auteur