Abattoirs sur le fil du rasoir

La situation des abattoirs français est le reflet d'une filière malade. Ce marasme a conduit à plusieurs dérives : du redressement de Gad à des accords sur les prix passés entre abatteurs, analyse de la situation.

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En février, le 13 exactement, l'Autorité de la concurrence annonce une sanction dans la filière porcine. Bigard et sa filiale Socopa, Abera, Bernard, Gad, Cooperl, Kermené et AIM/HAIM sont les abattoirs condamnés (voir carte page suivante), avec l'ex-SNCP, devenu la French Meat Association (FMA), et la Fédération des acheteurs au cadran (FAC). Ils doivent verser la somme de 4,57 illions d'euros M €) à l'autorité administrative indépendante.

Natasha Tardif, avocate au cabinet SJ Berwin, revient sur les pratiques qui ont été sanctionnées, au nombre de quatre. « La première, qui représente 4,51 M €, condamne le fait que les abatteurs se soient concertés sur leur comportement d'achat. Il s'agissait ici d'acheter moins de porcs aux éleveurs pour faire baisser, in fine, le cours du produit », relate l'avocate.

Des amendes qui auraient pu être plus lourdes

La FMA a, pour sa part, été sanctionnée pour diffusion de consignes de prix. Deux fournisseurs de l'enseigne Auchan - Gad et Cooperl - se sont entendus pour harmoniser leur prix de vente face au distributeur.

Dernier fait relevé par l'Autorité, « les sept abatteurs et la FAC se sont concertés par deux fois, et durant un jour seulement à chaque fois, pour proposer un prix d'achat identique aux éleveurs », expose Natasha Tardif.

Le coût de cette amende reflète la position ambiguë adoptée par l'autorité administrative. « Elle prévoit un plafond qui n'excède pas 10% du chiffre d'affaires mondial du groupe. Pour Bigard, le plus gros opérateur en cause dans cette affaire, le risque était donc de 430 M €, étant donné son chiffre d'affaires de 4,3 Mrds », rappelle encore la spécialiste. Or, l'ensemble des acteurs a écopé de 4,57 M €, dont 1,34 M € pour Bigard, et 1,75 M € pour sa filiale Socopa. » Pourquoi alors une telle différence entre le plafond et les sommes finales exigées ? De nombreux paramètres entrent en considération : « Le fait d'être une entreprise monoproduit et dans un secteur fragile a entraîné des réductions d'amende de 50% à 60% », précise Natasha Tardif.

Les structures ont aussi coopéré en acceptant les griefs et en adoptant des programmes de conformité, imposés par l'entité reine qui observe les comportements des acteurs économiques.

Faire baisser le prix d'achat des abatteurs

On est ici en présence d'un accord bien particulier, « car les acteurs se sont entendus dans le but, non pas de faire augmenter les prix, mais au contraire de faire baisser le prix d'achat des abatteurs », souligne l'avocate. En outre, elle explique que ces pratiques concernaient le marché en amont de l'approvisionnement, ce qui n'a pas influencé le prix final pour les consommateurs. « On peut donc s'interroger sur le " mal " que l'Autorité sanctionne, elle qui a notamment pour objectif de favoriser l'accès des consommateurs aux prix les plus bas. »

Revenant sur l'entente de Cooperl et Gad face au distributeur Auchan, Jacques Poulet, directeur du pôle animal de Coop de France, s'insurge : « Quand on voit comment les enseignes de grande distribution peuvent saper leurs fournisseurs, on se rend compte que cette pratique est symptomatique d'une dérive. »

Les distributeurs sont-ils seuls responsables du marasme industriel qui règne au sein des abattoirs ? Non. Preuve en est, quelques groupes parviennent à dégager une situation rentable du fait de gros volumes. Cooperl, premier abatteur de porcs en France - avec 5 millions de têtes tuées chaque année pour un chiffre d'affaires de 1,9 Mrd € -, et Bigard, numéro deux, en sont de bons exemples.

Un manque de spécialisation

À l'autre bout de la chaîne, la société Gad. L'entreprise, en redressement judiciaire depuis le 27 février dernier, s'enlise dans ses dettes. « Des pertes d'exploitation évaluées à 300 000 € par semaine », rapporte ainsi le quotidien Ouest France. Entre les deux, une vingtaine d'abattoirs de porcs affrontent des problématiques communes. « Les outils d'abattage ne sont plus toujours adaptés au marché », constate ainsi un professionnel du secteur. Autre obstacle qui pénalise bon nombre de structures, le manque de spécialisation des abattoirs. Les coches, deux fois plus grosses en moyenne que les mâles, nécessitent des infrastructures adaptées pour être abattues. « Les abattoirs en France sont moins spécialisés. On doit envoyer des truies en Allemagne pour y être abattues », avance Robert Volut, président de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT). Mais l'urgence de l'innovation est freinée par le faible retour sur investissement. Un cercle vicieux difficile à enrayer.

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