Bières : la révolution du plas tique
La même bataille va se livrer entre brasseurs. En cause, l'évolution des matières plastiques. La bière est très fragile, beaucoup plus que le vin ou les boissons gazeuses. Ses deux ennemis jurés sont la lumière et l'oxygène. Les géants de la chimie peinaient à trouver les « bonnes barrières »pour la protéger.
Un an d'avance
Continental PET Technologies, basée dans le Kentucky (Etats-Unis), affirme avoir réussi à mettre au point le matériau « révolutionnaire » adéquat : une sorte de Maxi-Big Mac, superposition de cinq couches de polyéthylène téphralate (PET) séparées chacune par une matière « barrière ». Le tout résiste à la pression du gaz contenu dans la bouteille et assure une qualité constante à la bière pendant six mois. « Nous avons pris un an d'avance sur nos concurrents », soutient Philippe Pasquet.Les avantages de la bouteille en PET sont considérables. Elle présente le même aspect que le verre tout en étant sept fois moins lourde : la ménagère appréciera Elle permet aussi des gains logistiques : 18 % d'économie de transport pour un camion qui peut charger 26 palettes au lieu de 22 avec du verre. Sans compter la casse évitée, puisque la bouteille est facile à manipuler lors du déchargement des camions et de la mise en rayon.
Heineken n'a pas choisi la France par hasard. « C'est le pays le plus mûr pour accepter cette innovation, explique Philippe Pasquet. Les Français ont accepté le PET dans les jus de fruits, l'huile, les soft-drinks, l'eau minérale. Il y a trente ans, l'eau était vendue uniquement en bouteille de verre ! Pour la bière, nous tablons sur 10 % du marché en cinq ans. L'équivalent du volume déjà pris sur le verre par les boîtes en métal. »
Qu'en pense la concurrence ? « Il n'y a pas d'attente du consommateur pour une bouteille en plastique qui coûterait plus cher qu'une bouteille en verre, affirme Maurice Rouquille, directeur de la communication de Kronenbourg. C'est le contraire, elle doit être moins chère. Or, le prix de revient du PET est plus élevé. De plus, on observe la même réticence au plastique dans la bière que dans le vin. Cela dit, nous en avons une, monocouche, pour les fêtes ou les pique-niques. Et, bien sûr, nous restons en veille technologique sur le sujet. »
Pour ce lancement, le brasseur hollandais a opté pour une contenance de plus en plus demandée par le consommateur : le 50 cl, que ce soit pour une utilisation partagée ou déambulatoire (voyages ).
La bouteille a été dessinée par l'agence Dragon rouge, l'une des meilleures, qui travaille aussi pour Perrier. Le prix, 15 F le pack de 4 bouteilles, vise le coeur du marché des bières de luxe en s'alignant sur celui de la bouteille en verre. Continent la proposera à partir de décembre, puis elle entrera dans toutes les enseignes à partir de février. Pour que le prix de revient soit équivalent entre verre et plastique, les volumes de 33 Export en plastique devront dépasser le seuil de 300 000 hectolitres, révèle Philippe Pasquet, qui a d'autres projets dans ses cartons (pour sa marque Panach' par exemple). Le coût de ce lancement ? « De l'ordre de quelques dizaines de millions de francs », lâche-t-il évasif.
Il est vrai que l'enjeu se situe à un autre niveau. Si le consommateur accepte la bouteille, il faudra transformer toutes les usines d'embouteillage dans le monde et, cette fois, des milliards seront en jeu