Carrefour chahuté par les on-dit
Jean-Noël Caussil
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Jean-Noël Caussil
Qui pour remplacer Lars Olofsson, le PDG de Carrefour ? Depuis des semaines, les rumeurs bruissent. Le groupe a beau démentir, rien n'y fait. Les spéculations vont bon train et se font même plus précises, lâchant, cette fois, un nom pour « sauver Carrefour» : Georges Plassat, PDG de Vivarte. « C'est le propre des marchés financiers que de chercher à anticiper le coup d'après », explique Jean-Noël Kapferer, professeur à HEC et auteur de référence sur les rumeurs.
Et c'est là le drame de Carrefour : cette aliénation aux diktats du marché. « Ce n'est plus le Carrefour que l'on a connu, à savoir le grand modèle initiateur de la distribution à la française, avec des hommes et des familles qui impriment à leur entreprise une vision à long terme », analyse Jean-Noël Kapferer. En clair, Carrefour est passé à un autre modèle d'entreprise : celui du capitalisme boursier et de l'économie spéculative. Et doit donc logiquement faire face aux conséquences d'un tel glissement.
L'action fait grise mine
Une situation d'autant plus dangereuse que le cours en Bourse fait grise mine. Tout juste si, ce lundi 28 novembre, le titre repasse au-dessus des 18 €. Quand on sait que Colony Capital et Groupe Arnault, les deux principaux actionnaires, sont entrés au capital alors que l'action pointait à 53 €, on peut comprendre que le marché s'interroge sur la suite que ces fonds souhaitent donner à leur aventure Carrefour. « L'inquiétude et l'incertitude sont des terrains favorables aux rumeurs », pointe Jean-Noël Kapferer.
Lars Olofsson est la victime privilégiée des attaques. Ce qui est, somme toute, assez logique puisque c'est lui le « big boss », par définition sur une siège éjectable. Enfin pas si big que ça, puisqu'avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : celle tenue par les actionnaires. Et donc d'autant plus menacé, a fortiori quand les résultats ne sont pas bons : cinq avertissements sur résultats en un an, un résultat opérationnel courant en chute de 22%, au premier semestre, et une part de marché en retrait de 0,5 point sur un an. Pas de quoi sauter de joie.
Carrefour fait le dos rond
Et même la solution avancée pour rebondir ne fait guère recette. Carrefour Planet, lancé en grande pompe à l'été 2010 - peut-être en trop grande pompe d'ailleurs, est à son tour critiqué. Trop cher pour peu de retombées, avancent nombre d'analystes. Même les premiers résultats publiés par Carrefour, une progression des ventes sur les quatre meilleurs magasins pilotes de 14,3% au premier semestre 2011, peinent à convaincre. « Échantillon trop limité pour être représentatif », évacue l'un ; « n'importe quel nouveau concept est suivi d'une progression à deux chiffres », balaie l'autre.
Chez Carrefour, en réponse, l'heure est à faire le dos rond. Tout juste si l'on se promet de lever un coin du voile sur le bilan à plus grande échelle de Planet, en début d'année 2012. Reste qu'en attendant les ambitions ont déjà été revues à la baisse : le concept Planet, loin de la révolution initiale, est rentré dans le rang et s'apparente désormais davantage à une vaste opération de mise à niveau. Pour preuve, les équipes dédiées au déploiement du concept dans les points de vente viennent d'être réduite.
LES SIX RAISONS DE LA RUMEUR
Pas de fumée sans feu. Si les bruits foisonnent à propos de Carrefour, ce n'est pas sans raison : le groupe est empêtré dans la crise (conjoncturelle et structurelle), et peine à donner des signes de sérénité et de reprise.
- 5 Le nombre d'avertissements sur résultats lancés en un an.
- 11 Le nombre de Carrefour Planet en moins déployés en France, fin 2011. Soit, 29 contre 40 prévus.
- 39 Le nombre de magasins en moins concernés par le déploiement des nouveaux concepts en Europe, d'ici la fin 2013. Soit 221 Carrefour Planet (contre 241) et 243 remodelages (contre 262).
- 4 sur 5 Le nombre de départs ou de changements de poste chez les membres de la direction exécutive, en 2011. Seul Jose Carlos Gonzalez Hurtado est en place (directeur exécutif en charge du développement commercial et marketing), avec le PDG, Lars Olofsson.
- 0,5 La part de marché, en point, perdue par les hypermarchés Carrefour sur un an. Soit 12,1 % à fin octobre, contre 12,6 % un an plus tôt.
- 40% La chute du résultat opérationnel courant du groupe en France, au premier semestre 2011, à 302 M E. Pour le groupe, le recul est de 22 %, à 772 M E.