Casino perd le dernier dirigeant de la famille Guichard
Antoine, le petit-fils de Geoffroy Guichard, fondateur du groupe Casino en 1898, et dernier dirigeant familial du groupe avant l'arrivée de Jean-Charles Naouri, est décédé le 18 mai, à 86 ans.
Jean-Noël Caussil
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Jean-Noël Caussil
Littéralement, on ne peut pas parler de « pionnier ». Pas au sens d'un Édouard Leclerc ou d'un Gérard Mulliez par exemple. Il n'empêche, Antoine Guichard, décédé à l'âge de 86 ans le 18 mai, a clairement sa place à côté d'eux dans la grande histoire de la distribution française. Petit-fils de Geoffroy Guichard, fondateur du groupe Casino, peut-être, donc « héritier » d'une certaine manière, mais surtout un « grand patron » comme on n'en compte qu'une poignée par génération.
Diplômé de HEC, Antoine Guichard a réalisé toute sa carrière dans le groupe familial, y faisant ses premières armes dès l'âge de 24 ans, en 1950. Plus d'un demi-siècle à s'évertuer à redresser Casino, longtemps endormi et ayant un peu de mal à passer à la vitesse supérieure. Les années 60 sont en effet celles de l'émergence de la grande distribution, au sens où on l'entend aujourd'hui, et Antoine Guichard, avec d'autres, sait faire prendre ce virage à Casino.
Les dates
- Né le 21 octobre 1926
- Décédé le 18 mai 2013
- 1950 Intègre le groupe Casino
- 1953 Fondé de pouvoir au sein du groupe Casino
- 1994 Président du directoire
- 1998 Président du conseil de surveillance
- 2003 Transmet la présidence du conseil d'administration à Jean-Charles Naouri
- 2005 Président d'honneur
L'homme de la mutation
Le groupe ouvre son premier supermarché en 1960, à Grenoble (38), et son premier hyper en 1970, à Marseille (13). À cette date, toutes enseignes confondues, Casino exploite déjà plus de 2 500 magasins... C'est bien, mais face à une concurrence se développant à vitesse grand V, Casino doit grossir, encore. Antoine Guichard, devenu gérant statutaire du groupe en 1990, enchaîne alors les rachats et les partenariats : La Ruche méridionale, en 1990 (15 hypers, plus de 100 supers et des centaines de supérettes), Spar, en 1997, ou Vival, en 1998.
Entre-temps, en 1992, il a engagé le rapprochement avec Rallye, présidé par un certain... Jean-Charles Naouri, appelé à lui succéder. C'est que la fin des années 90 est ballottée. Toujours cette course à la taille... En 1997, Casino repousse, après des mois de batailles, difficiles et usantes, une OPA lancée par Promodès qui se tournera ensuite vers... Carrefour. Antoine Guichard comprend que, dans les mutations qui s'engagent alors dans la grande distribution, seul, il ne pourra pas peser d'un poids suffisant.
Il laisse ainsi Jean-Charles Naouri devenir actionnaire majoritaire de Casino dès 1998, avant de progressivement lui passer la main jusqu'en 2003, où il s'efface de la présidence du conseil d'administration, conservant toutefois la présidence d'honneur. Un passage de relais en douceur. Jean-Charles Naouri a d'ailleurs tenu à saluer la mémoire d'un « ami » : « Dès notre première rencontre en 1992, s'est nouée entre nous une vraie complicité intellectuelle et professionnelle. Depuis lors, Antoine Guichard a toujours été proche des décisions que j'ai dû prendre pour le développement du groupe. [Sa] disparition est une immense perte pour Casino. »
Éloge unanime
Chose rarissime - le dernier en date à avoir eu cet honneur est Édouard Leclerc, lors de son décès en septembre 2012 -, la grande famille de la distribution française s'est montrée unanime pour honorer Antoine Guichard : « Il a transformé l'entreprise avec jubilation. Il était curieux de tout, et à l'écoute. Un seigneur de province, solide et massif », se souvient ainsi Georges Plassat, PDG de Carrefour, et ancien de Casino, dans les colonnes du JDD. Dans le même journal, Michel-Édouard Leclerc évoque quant à lui la participation active d'Antoine Guichard « aux grands débats sociaux », se remémorant un homme sachant « privilégier la défense du bien public ». Antoine Guichard fut, en effet, dès 1997, président de la Fondation agir contre l'exclusion (Face).