Ces six ministres ont marqué l’année 2014
Deux démissionnaires, deux étoiles montantes, une étoile filante et une étoile numérique qui taille sa route : voilà les six ministres qui ont marqué l’année 2014, selon LSA ! Trois sont encore en poste et les trois autres sont partis.
Sylvain AUBRIL
\ 10h57
Sylvain AUBRIL
Arnaud Montebourg, le chantre du made in France qui claque la porte
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait probablement choisi lui-même l’intitulé de son ministère, le préférant à celui de ministre de l’Industrie, lorsqu’il a été nommé dans la foulée de l’élection présidentielle de 2012. Relancer la production, empêcher les usines de fermer, "créer des Commissaires au Redressement productif" en régions, favoriser la made in France, jusqu’à poser en marinière Armor Lux sur la couverture du Parisien Magazine, il veut relancer la machine. C’est tout le contraire qui se passe, la crise s’installe, le chômage explose, les usines ferment, et ses talents d’orateur n’y changent rien.
Début 2014, lors de l’installation du gouvernement Valls, il devient ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique, toujours à Bercy. Mais il n’est pas convaincu par le virage pris par François Hollande imposant sa politique de l’offre en réduisant les impôts pour les entreprises et en augmentant ceux des ménages. De plus, le vrai patron de Bercy reste le ministre des Finances, Michel Sapin, qui tient les cordons de la bourse. Il ne restera en poste que 4 mois et demi dans le gouvernement Valls. Puis dénonce l’austérité, la politique de réduction des déficits, la déflation et fait chuter le gouvernement, le 25 août 2014. Le Redressement productif, c’est fini. C’est Emmanuel Macron qui lui succède et qui ne reprendra pas l’intitulé…
Benoît Hamon, entre viande de cheval et économie sociale
Quand l’ancien porte-parole du Parti socialiste, réputé proche de Martine Aubry, est nommé à Bercy, c’est surtout pour y défendre une vision de gauche, l’économie sociale et solidaire, et principalement ces entreprises qui appartiennent à leurs salariés ou à des associations, antithèse de l’économie capitaliste. Mais il faut aussi un ministre de la Consommation. Il est donc nommé ministre de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire.
En réalité, la consommation, au sens macro-économique du terme, c’est-à-dire l’un des trois moteurs de l’économie avec l’investissement et l’exportation, ne l’intéresse pas vraiment. Tout son agenda est concentré sur l’ESS. Sauf que l’administration a déjà un texte tout prêt, un catalogue de mesures en faveur de la protection du consommateur qu’il faut défendre, celui de l’ancien ministre du Commerce, un certain Frédéric Lefebvre. On y ajoute l’action de groupe, on change le titre - la loi pour la consommation - et hop, c’est Benoît Hamon qui le défend ! Arrive alors le fameux horsegate, cette substitution de viande de bœuf par de la viande de cheval dans les surgelés. Benoît Hamon s’empare de l’affaire, dénonce les filières impliquées. L’usine Spanghero et ses salariés en font les frais, les clients stoppent les commandes. Les ouvriers restent sur le carreau. Il fait voter la loi conso –avec de fortes amendes en cas de tromperie sur les marchandises– puis la loi ESS, très élargie, aux banques, mutuelles et coopératives agricoles. Dans le nouveau gouvernement Valls, la place de l’éducation est libre : il est nommé à ce ministère. Et y restera 4 mois et demi, comme Arnaud Montebourg. Il part sans même avoir effectué la traditionnelle rentrée scolaire. C’est Najat Vallaud Belkacem qui le remplace.
Fleur Pellerin, l’étoile montante du gouvernement
S’il y a une secrétaire d’Etat qui aura su s’emparer avec brio de son poste, c’est bien elle. Nul ne connaît Fleur Pellerin quand François Hollande la nomme secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, sous la tutelle –officiellement– d’Arnaud Monteboug. Mais ce dernier courant les tribunes et les usines pour son action de "redressement productif", Fleur Pellerin est très autonome sur l’économie numérique. A elle le futur, la jeune économie, les réussites spectaculaires en bourse (aux Etats Unis !), à lui les hauts fourneaux ! Tout semble lui réussir. Sa jeunesse, son origine asiatique, son intégration totale. Née à Séoul, adoptée à l’âge de six mois par un entrepreneur, infatigable, elle enchaîne l’Essec (à 17 ans), l’Ena et entre au Conseil d’Etat. Au parti socialiste, pendant la campagne électorale, elle est chargée du pôle société et économie numérique par François Hollande.
En 2012, à 38 ans, elle devient ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’économie numérique. Elle y effectue un parcours sans faute, débloque les milliards pour le plan fibre. Quand le gouvernement Ayrault démissionne, toute la blogosphère appelle à ce qu’elle conserve son poste, le phénomène #keepfleur se répand sur le Net. Mais dans le nouveau gouvernement Valls, Laurent Fabius, nommé au Quai d’Orsay la veut à ses côtés pour le commerce extérieur et le tourisme, qu’il a subtilisé à Bercy. Elle n’y restera que quatre mois et demi. Dans le gouvernement Valls 2, François Hollande la nomme à la Culture pour remplacer la frondeuse Aurélie Filipetti. Rien de plus dur que la Culture pour un ministre. Le verbe y est cinglant. Fleur Pellerin déclare "qu’elle n’a pas le temps de lire", on le lui reproche. Elle doit regretter l’économie numérique où le public y est moins grincheux. Mais le destin d’une étoile montante, c’est de monter…
Emmanuel Macron, le ministre le plus populaire du moment…
Le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, qui a remplacé Arnaud Montebourg dans le gouvernement Valls 2, se sera fait un nom à la vitesse de la lumière. Enarque, banquier brillant, jeune, bousculant les codes de la gauche, favorable à la suppression des 35 heures, à l’ouverture des magasins le dimanche, mondialiste plus que made in France, ce conseiller de François Hollande à l’Elysée est d’une certaine manière le Laurent Fabius ou le Jacques Attali de François Mitterrand. Avec ce dernier, justement, les liens sont étroits. A peine élu en 2007, Nicolas Sarkozy installe cette fameuse "Commission pour la libération de la croissance française", présidée par Jacques Attali qui va élaborer le fameux rapport qui porte son nom, en 2008. Dans cette commission, des noms inhabituels : Peter Brabeck, PDG du géant mondial Nestlé, le psychiatre Boris Cyrulnik, Mario Monti – commissaire européen au marché intérieur qui sera quelque mois à la tête de l’Etat italien – Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, des économistes. Et le rapporteur de la Commission est un certain Emmanuel Macron. Il est évidemment remarqué. Nestlé lui confiera la cession d’une division pharmaceutique lorsqu’il devient banquier chez Rothschild, ou il croise du beau linge. A l’Elysée, il suit tous les dossiers éco et industriels, en miroir avec Arnaud Montebourg à Bercy. Malgré la différence de caractère, ce dernier éprouve beaucoup de sympathie pour Emmanuel Macron. Il ne le cachera pas lors de la passation de pouvoirs au ministère de l’Economie. Ses premiers pas n’évitent pas les faux pas… Tout le monde a en mémoire le propos sur les "illettrés de Gad". Mais Emmanuel Macron n’a rien d’un personnage condescendant vis-à-vis des démunis. Il s’excuse. Puis passe à la phase "Loi Macron", pour l’activité. On y retrouve l’influence de Jacques Attali et du président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, l’homme qui fait trembler la grande distribution. La gauche se déchire sur ce texte, l’ouverture du dimanche est contestée - comme ce fut le cas pour la droite d’ailleurs - la vente de médicaments en grande surface abandonnée. Mais Emmanuel Macron est devenu le ministre le plus populaire du gouvernement, selon l’application "Govs" (sondage en ligne sur mobile), lancée par l’ancien conseiller de Christine Lagarde pour les affaires industrielles, Pierre-Alexandre Teulié, un ex de Bercy, donc. Emmanuel Macron recueille 54 % d’opinions favorables sur Gov’s, largement en tête du gouvernement.
Valérie Fourneyron, l’étoile filante
Valérie Fourneyron succède en avril 2014 "aux transferts" de Sylvia Pinel, ancienne ministre du Commerce du gouvernement Ayrault, nommée dans le gouvernement Valls comme ministre du Logement à la place de Cécile Duflot, et de Benoît Hamon, part à l’Education nationale. Elle reprend donc un portefeuille plus classique de secrétaire d’Etat au commerce, et à la Consommation. Le commerce, elle connaît. Ex maire de Rouen, ville qui a su se moderniser et s’animer, notamment grâce à l’Armada, elle peut en citer le chiffre d’affaires, les enjeux. Et elle est bien plus intéressée par la Consommation, son importance pour la croissance que son prédécesseur.
Elle accorde une interview à LSA dès son installation. Elle précise que "redonner du pouvoir d’achat est la priorité", nous déclare-t-elle, en plein débat sur l’offre et la demande. Sur son bureau, figure le projet de loi Economie sociale et solidaire, que Benoît Hamon n’a pas eu le temps de mener de boucler devant le Parlement. Elle s’y colle, défend le projet de loi devant les parlementaires, de nuit. Las, elle n’y résiste pas, fait un malaise. Syndrome méningé, expliquera le ministère, pour expliquer l’obligation de la ministre de se soumettre à un repos. Trois semaines plus tard, elle revient. Pour trois jours, puis est de contrainte à nouveau à l’arrêt de travail. Finalement, elle démissionne. Elle ne sera restée qu’un mois et demi à la tête du ministère, pour une présence d’une vingtaine de jours. C’est l’étoile filante du commerce et de la consommation. Elle est remplacée par Carole Delga. Rétablie, elle a repris son siège de député à l’Assemblée nationale.
Axelle Lemaire, la nouvelle étoile numérique
Axelle Lemaire a remplacé Fleur Pellerin à l’Economie numérique. Comme Fleur Pellerin et Emmanuel Macron, c’est la nouvelle génération aux commandes, profils surdiplômés, jeunes, ouverts sur le monde. Quand Manuel Valls appelle cette députée des Français de l’Europe du Nord pour entrer au gouvernement, elle vit à Londres. Elle est née au Canada, elle a travaillé pour le Labour Party britannique. Certes, elle est moins populaire à son poste que ne l’était Fleur Pellerin, mais la nouvelle étoile numérique marche strictement dans ses pas, soutenant les start-ups de l’économie numérique, comme en témoigne l’offensive "French Tech", qui consiste à "marketer" l’écosystème high-tech français afin qu’il soit plus visible à l’étranger. Elle a même mis en place une labellisation des villes françaises, qui disposent d’un écosystème numérique local dynamique. Car 40 % des start-ups numériques se trouvent en régions. Mais elle est aussi au front au sujet des Gafa – les fameux Google, Amazon, Facebook, Apple - pour la remise en cause de l’optimisation fiscale. Le numérique est une déferlante qui bouscule tous les écosystèmes économiques. Axelle Lemaire doit naviguer entre l’obligation d’aller vite –pour que la France ne soit pas exclue de la bataille mondiale qui se déroule– et les dégâts que va provoquer le big data sur l’économie, la vie privée, la santé, l’éducation, la formation…des sujets majeurs qu’elle devrait traiter plus souvent dans les médias dont elle est trop absente.