Combien vont (vraiment) coûter les nouvelles taxes sur le diesel en 2016?
La mesure annoncée hier d’une hausse de 1 centime du prix du diesel par le Premier ministre Manuel Valls s’ajoute à la hausse de la taxe carbone, qui s'applique également le 1er janvier. Les deux mesures devraient coûter 1,5 milliard d’euros au consommateurs ou transporteurs. On est loin de la politique de fiscalité non punitive prônée par Ségolène Royal, et de la stabilité fiscale.
Sylvain AUBRIL
\ 15h26
Sylvain AUBRIL
L’an dernier, dans la loi de finances 2015, avait été votée l’augmentation de la taxe carbone de deux centimes sur tous les carburants, et une augmentation de la taxe sur le diesel, également de deux centimes. Ces deux centimes pour l’essence et 4 centimes pour le gazole, passés à la pompe à essence le 1er janvier, n’ont pas trop marqué les esprits. Le prix du pétrole baissant de manière drastique, la hausse est devenue parfaitement invisible.
Il en a pourtant coûté au consommateur - ou aux chauffeurs routiers - à consommation égale, la bagatelle d’environ 1,9 milliards d’euros, presque l’équivalent de la ristourne fiscale que le président de la République a décidé d’octroyer aux ménages dans le projet de loi de finances pour 2016, que le gouvernement vante abondamment. Peut-être un peu moins en réalité, en raison de la baisse du prix du pétrole.
Déjà, la taxe carbone, en hausse de 33 %
Mais un nouvelle augmentation de la taxe carbone a été votée dans la loi transition énergétique en juillet 2015, de 33 % (passant de 14 à 22 euros la tonne). Cette augmentation correspond à environ 2 centimes de plus sur chaque litre diesel et 1,7 centimes par litre essence (mais la taxe s’applique aussi au fioul pour le chauffage). Montant rapporté à la consommation de carburant : environ 820 millions d’euros pour le diesel, et plus de 200 millions d’euros sur l’essence (sans le fioul de chauffage, qui est concerné). A noter que la taxe doit passer 56 € la tonne d’ici 2020 et 100 euros d’ici 2030...soit des hausses de 20 à 25 centimes par litre de carburant !
L’annonce d’hier par le premier ministre, Manuel Valls, va s’ajouter à cette augmentation de la taxe carbone. “Le gouvernement a décidé de proposer au Parlement de réduire cet écart entre les fiscalités de l'essence et du gazole en posant le principe d'un rapprochement en 5 ans entre le prix du gazole et celui de l'essence", a précisé Matignon à l'issue d'une réunion d'arbitrage qui a réuni Manuel Valls, Ségolène Royal (Ecologie), Emmanuel Macron (Economie) et Michel Sapin (Finances). L’affaire Volswagen et la baisse des prix du pétrole a ouvert une fenêtre de communication inespérée.
L'an dernier, c'etait la taxe "parking" en ile de france
Et on a vu peu d’articles sur le montant réel global que va coûter la nouvelle mesure Valls, qui prévoit 1 centime de hausse sur le diesel, mais 1 centime de moins sur l’essence. Elle devrait rapporter à l’Etat (ou coûter au consommateur), sur le diesel, tva comprise, environ 410 millions d’euros, tandis qu’elle serait réduite de 94 millions d’euros pour l’essence (source Ufip). Au final, la facture cumulée des deux taxes sur les carburants s'élèverait, pour l’ensemble de l’année 2016, à près d’1,5 milliard d’euros pour les consommateurs ou les transporteurs. Le même scénario est d’ores et déjà prévu pour 2017 : hausse de la taxe carbone, baisse de la taxe sur l’essence, hausse de celle du gazole...
La fédération des transporteurs routiers est très vite montée au créneau sur la mesure Valls ajoutée à la taxe carbone. “Ca fait trois centimes d’augmentation, après 4 centimes l’an dernier, expose Nicolas Paulissen, délégué général de la FNTR. Chaque centime représente 80 millions d’euros de taxe, soit 240 millions d’euros au total pour l'an prochain, après 320 millions d'euros cette année. Nous refusons cette nouvelle hausse, elle correspond à 400 euros par an pour chaque poids lourd, qui est notre outil de production”. Les transporteurs d’Ile de France, ont déjà subi une hausse de 30 millions d’euros apparue dans le budget pour 2015 avec la “taxe parking”, pour financer les infrastructures.
Les transporteurs contraints de répercuter la hausse sur les donneurs d’ordre
Mais si les transporteurs ne sont pas entendus par Matignon et Bercy, ce sont les donneurs d’ordre qui devront payer, notamment les grandes surfaces et les industriels, gros utilisateurs de poids lourds pour approvisionner les magasins. Car depuis une loi de 2006, ceux-ci sont contraints d’accepter tout mouvement de volatilité du prix des carburants. Et ces derniers pourront ou non - selon l’intensité concurrentielle - la répercuter au consommateurs, dans le prix à la pompe, ou sur le prix des produits de consommation... C’est sans doute ce qui s’appelle la “fiscalité circulaire”. La nouvelle taxe aurait pu être vertueuse si elle s’était vraiment réalisée à enveloppe fiscale égale, et non punitive, comme l’avait promis Ségolène Royal à plusieurs reprises. Ce n'est pas vraiment le cas... puisque le gouvernement veut s'en servir pour réduire la fiscalité locale des retraités...