Comment les start-up de la Food Tech secouent distributeurs et industriels
Les start-up se multiplient dans le secteur alimentaire. Et séduisent les investisseurs qui voient en elles de vrais potentiels. Livraison à domicile, circuits courts, nouvelles méthodes de production… Ces jeunes pousses de la "Food Tech" bousculent les modèles traditionnels. Distributeurs et industriels commencent à réagir. Focus.
Stéphanie Mundubeltz-Gendron
\ 09h09
Stéphanie Mundubeltz-Gendron
La Food Tech suscite les convoitises. Plus de 10 milliards de dollars ont été investis dans les start-up de l’agro-alimentaire en 18 mois, sur toute la chaîne de valeur. Dans de jeunes pousses révolutionnant les méthodes de production traditionnelles, mais surtout dans la livraison de courses alimentaires et de repas à domicile (27 % des investissements), dans les moteurs de recherche (23%) et les fournisseurs de technologies (19%)*.
Food Tech : les investissements se multiplient
Plus de 5000 start-up dans l’univers de l’alimentation se sont ainsi créées au niveau mondial. Si le phénomène a débuté aux Etats-Unis, la France ne s’en laisse pas compter. Les levées de fonds s’accélèrent. Créée en juin 2015 par Julia Bijaoui, la société de livraison de repas faits maison Frichti a levé 12 millions d’euros en avril 2016. La Belle Assiette, spécialiste de la réservation de chef à domicile, a finalisé une levée de fonds d'1,3 million d'euros en février. Le même mois, Optimiam levait 500 000 euros…
Les start-up françaises exposent leur savoir-faire. 42Tea, Wynd, Optimiam, Swaf, Jiminis… Une dizaine d'entre elles, emmenées par Shake Up Factory, un accélérateur de start-up Food, et Vitagora, pôle de compétitivité agroalimentaire basé en Bourgogne, étaient présentes au premier salon européen de la Food, Seeds & Chips, organisé à Milan du 11 au 14 mai 2016. Objectif : "valoriser nos compétences au travers d’un espace d’exposition où les start-up peuvent se mettre en scène, et effectuer des rendez-vous d’affaires soit avec leur futur mentor, soit avec des metteurs en marché ou des investisseurs", explique Christophe Breuillet, directeur de Viragora. Le concours organisé sur le salon par Shake up Factory qui leur permet aussi d’être plus visibles et de rentrer dans cette première étape de sélection dans le cadre d’une accélération."
Une menace pour les modèles traditionnels ?
Distributeurs et industriels de l’agroalimentaire surveillent de près ces jeunes pousses dynamiques. Car si Amazon et la multiplication de ses initiatives dans l’univers de l’alimentaire interpellent, c’est "l’arbre qui cache la forêt", indiquait fin 2015 Pierre Maertens, directeur e-commerce et omnicanal chez Intermarché, à LSA. Et de citer en exemple Instacart, la start-up américaine : "Ils relaient les distributeurs à un rôle d’entrepôt. Ils lèvent de l’argent, ils s’associent avec Whole Foods, Target… Cela interpelle."
Christophe Breuillet le confirme : "Les distributeurs nous demandent d’œuvrer sur le sujet. La distribution est en train de se rendre compte que certains modèles économiques sont en train de se faire ‘disrupter’. On le voit avec l’apparition d’autres formes de magasins, d’autres formes de distribution, de court-circuitage aussi de certains intermédiaires". Et d’ajouter : "Il faut qu’à un moment donné tous ces grands donneurs d’ordres réfléchissent à ce que va être leur modèle économique de demain."
Distributeurs et industriels se réveillent... et prennent les devants !
Consciente de cette tendance de fond, l’Ania (Association Nationale des Industries Alimentaires) a initié un groupe de travail fin 2015 avec des professionnels du secteur sur cette thématique, à la demande d’Emmanuel Macron lui-même. Objectif : réagir et faire réagir les professionnels du secteur ! "Le groupe de travail s’intéresse à l’apport du numérique aux IAA de la fourche à la fourchette. Parmi les axes à traiter, on peut citer : l’optimisation du process, du transport, de la distribution mais aussi les aspects qualité et sécurité sans oublier la durabilité, le consommateur et le service au consommateur…", indique l’Ania.
Des initiatives "win-win"
Pour ne pas se laisser dépasser, quelques indistriels et distributeurs commencent à prendre les devants. Certains ont ainsi choisi de se regrouper au sein de plateformes d’innovation. Avec le soutien de Seb, Vitagora a ainsi lancé "Open Food System", un projet structurant de pôle de compétitivité (PSPC), "l'un des rares projets avoir bénéificié des investissements d'avenir et reconnu au niveau ministériel", précise Christophe Breuillet. "Ce projet réunit 25 partenaires et vise à faire le lien entre la cuisine, le monde du culinaire, le monde de l’agroalimentaire et toutes les nouvelles technologies", poursuit-il.
Groupe Elior, Carrefour, Groupe Up et Danone se sont quant à eux réunis autour de Smart Food Paris, l’incubateur mis en place par la Ville de Paris qui "vise à développer de nouveaux usages de production et de consommation de notre alimentation". Un bon moyen de détecter en amont les start-up innovantes… Car faire bouger les choses au sein d'un grand groupe peut prendre du temps. "S'ils attendent de développer cette démarche-là, le train sera passé. Ils ont besoin d’identifier des start-ups qui sont capables en externe de leur entreprise de développer ces innovations", déclare Christophe Breuillet. Avant de renchérir : "Ils ont tout intérêt à accompagner et à prendre des participations dans des start-up pour capter l’innovation. Cela devient un jeu gagnant-gagnant : la start-up se développe, l’innovation se développe, et en même temps le grand groupe profite de cette innovation, et change petit à petit son business model."
"French Food tech", bientôt un nouveau label ?
On l'aura compris. Les start-up françaises de la Food Tech bougent ! Vitagora, avec le soutien de la Ville de Dijon, vient même de déposer un dossier pour la labellisation "thématique French Tech" dans le domaine "Food Tech". "Il faut bouger plus rapidement que la concurrence sur les autres secteurs d’activité. Il ne faut pas regarder uniquement ce qui se passe sur le secteur. Si vous bougez moins vite que les autres, vous perdez de la place", indiquait Philippe Le Magueresse, directeur général associé d’OpinionWay lors de la conférence "Food is social 2015", organisée fin 2015 au Ministère de l’Economie et de Finances. Le cadre est posé. La révolution alimentaire est en marche.
*Source : 33entrepreneurs et Shake Up Factory
La Food Tech, mais de quoi s’agit-il vraiment ? Le terme regroupe toutes les initiatives et technologies numériques permettant d’améliorer la chaîne de valeur de l’alimentation. Autrement dit un mix entre alimentation et digital, de la production à la consommation ou - plus imagé - de la fourche à la fourchette. Pourquoi c’est tendance ? Car "les attentes des consommateurs ont beaucoup changé sur l’impulsion d’Internet et des nouvelles technologies", déclarait Philippe Magueresse, directeur général associé d’OpinionWay lors de la conférence "Food is social 2015", organisée fin 2015 au Ministère de l’Economie et de Finances. "Les systèmes de consommation et de production qui ont reposé sur le Taylorisme sont remis en cause. On observe un rejet des produits standards". Avec un enjeu : "Ne pas vendre un produit une fois mais construire un lien pour toujours avec ses consommateurs".
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RDV le 5 juillet 2016