Comment Metro est sorti du tunnel
Après des années de recul, le géant allemand de la distribution (Metro Cash & Carry, Media-Saturn, Real…) a renoué avec la croissance au premier trimestre 2015 et voit l’avenir avec plus de sérénité. Le résultat d’une petite révolution culturelle. Explication.
FRÉDÉRIC BIANCHI
\ 23h16
FRÉDÉRIC BIANCHI
Des supermarchés Real à la dérive, le spécialiste de l’électronique Saturn incapable de contenir Amazon et contraint de quitter la France devant l’absence de résultat, un modèle cash & carry à réinventer… Telle était la situation de Metro Group il y a quelques années à peine. « Nous étions arrivés dans une phase de maturité avec moins de croissance, a expliqué Olaf Koch, le Pdg de Metro Group à l’occasion d’une conférence tenue ce 6 mai 2015 à Berlin. Il a fallu initier une nouvelle phase de croissance, réinventer notre modèle. » Et l’homme qui a pris la tête du groupe en 2012 a réussi à faire bouger les lignes. D’abord en se séparant des activités qui perdaient de l’argent. Comme les supermarchés Real en Europe centrale par exemple vendus à Auchan et ceux présents en Turquie. « En 2012 nous étions fiers d’être présents partout à l’international, se souvient-il. Mais quel est l’intérêt si on perd des parts de marché et qu’on recule de partout ? » Et la réalpolitique pour Metro a consisté à ne conserver que les Real d’Allemagne. Modernisés (développement du drive, du click and collect…) et rénovés (82 magasins refaits depuis mars 2014), les magasins Real veulent désormais se distinguer du hard-discount allemand en jouant la carte de la qualité (plus de sourcing local et 1200 références bio). Résultat : dans les nouveaux magasins la fréquentation en recul depuis des années a crû de 3% et les ventes de 2%.
La France bonne élève de Metro
Mais chez Metro, le gros du business c’est l’activité cash & carry. Avec un chiffre d’affaires 2013/2014 de 30,5 milliards d’euros, elle représente près de la moitié des ventes totales du groupe. Mais la locomotive du groupe avançait elle aussi au ralenti depuis quelques années. Détérioration des résultats, moins d’attractivité pour les clients… « En 2009, on s’est aperçu que quelque chose n’allait pas, explique Olaf Koch. Nous avons cherché la formule pour relancer le cash & carry et nous avons fini par la trouver : il fallait nous recentrer sur les professionnels, être les champions des indépendants (NDLR. Les fameux « Horeca » pour Hôtel, restaurant, café). Et pour cela nous avons pris exemple sur la France. » Car dans l’Hexagone, Metro ne sert que les professionnels à la différence d’autres pays comme la Belgique ou l’Allemagne où la clientèle grand public représente quelque 40% de l’activité du groupe. Or, Metro a compris qu’on ne pouvait pas tout faire et servir tout le monde. Mieux adresser les professionnels avec un assortiment moins large en non-alimentaire mais plus qualitatif dans l’alimentaire. C’est le cas de son magasin berlinois ouvert en 2006.
Visite du Metro de Berlin
Dans ce Metro de 14 000 m² (sur le toit duquel pour l’anecdote on trouve… un terrain de foot pour les employés du magasin), l’assortiment en produit de bricolage a par exemple été réduit mais les rayons alimentaires sont impressionnants : caves à vin très riche (on trouve notamment une large sélection de Champagnes Dom Pérignon), large rayon poisson (pas toujours évident dans un pays qui fait partie des plus petits consommateurs d’Europe) ou encore grand assortiment de produits locaux (5500 produits pour 45 fournisseurs). Le Metro nouvelle génération sacrifie le quantitatif pour le qualitatif. A la façon donc de la filiale française qui fournit nombre de restaurants étoilés et ce avec des services sur-mesure.
Le frigo Dom Pérignon chez Metro
La filiale française raconte ainsi qu’elle n’hésite pas à faire livrer un homard en scooter à un chef trois-étoiles en plein coup de feu (anecdote vraie). « La France est l’exemple à suivre, reconnait Olaf Koch. C’est un marché mature sur lequel nous avons une forte part de marché sur les « Horeca » et un niveau élevé de rentabilité. » Un modèle à suivre mais pas forcément à dupliquer dans tous les pays. Metro va ainsi donner plus d’indépendance à ses filiales qui devront adapter leur stratégie en fonction de leur marché. « La vieille idée selon laquelle « le centre décide, les filiales exécutent » est dépassée », estime Olaf Koch.
le renouveau de Saturn
Dernier grand pilier de Metro Group, le distributeur d’électrodomestique Media-Saturn va mieux lui aussi. Cinq ans après son départ de France et après avoir souffert de la montée en puissance des pure-players de l’internet (Amazon en tête), l’enseigne a su comme Darty en France surfer habilement sur le multicanal. Le groupe, qui est encore présent dans 15 pays et a réalisé sur l’exercice 2013/2014 un chiffre d’affaires de près de 21 milliards d’euros, a fortement développé son site internet (quasiment inexistant il y a quelques années, il représente désormais 8% des ventes du groupe) et propose des services de click and collect dans ses différents points de vente. Surtout il a modernisé ses magasins. A l’image de son tout récent magasin du centre commercial Mall of Berlin, Saturn propose désormais une expérience client plus riche avec des tablettes tactiles dans les différents rayons qui donnent des informations sur les produits, une application de réalité augmentée qui fait apparaitre un conseiller sur l’écran de son smartphone ou encore des espaces dédiés aux sons (Sonos) et une large sélection de produits connectés dès l’entrée du magasin (smartphones, montres, drones, alarmes, détecteur de fumée…).
Les wearables très présents chez Saturn
Le "everyday best price" dépassé
Bref on est loin du vieux modèle Saturn qui s’enorgueillissait de sa présentation spartiate (des produits posés sur des palettes…) et n’avait qu’un seul crédo : « ici c’est moins cher qu’ailleurs. » « Nous avons fait évoluer notre stratégie du « everydayday best price » car avec internet c’était intenable, reconnait Wolfgang Kirsch, le directeur d’exploitation de Media-Saturn. Par contre nous proposons aujourd’hui le meilleur prix avec le service associé. » Les magasins Saturn proposent ainsi des « smartbars » qui réparent les écrans de smartphone, transfèrent les données d’un ancien vers un nouveau modèle ou encore proposent de personnaliser divers accessoires grâce à une imprimante sur objet. Le groupe qui exploite deux enseignes (Saturn et Media-Markt) a d’ailleurs enfin clarifié le positionnement des deux : Saturn a désormais un positionnement plus technologique et Media-Markt plus « fun et plaisir ».
Fort de toutes ces transformations, Metro Group voit désormais l’avenir avec plus de sérénité. Si tout n’est parfait, notamment en Russie où il pourrait pâtir de la crise actuelle que traverse le pays, le groupe a ainsi vu son chiffre d’affaires au premier trimestre 2015 croitre de 0,3% à 14,366 milliards d'euros mais de 2,3% à périmètre constant (les magasins Real d’Europe centrale étaient encore dans le groupe au premier trimestre 2014). Chez Media-Saturn, le redressement est encore plus spectaculaire puisqu’à magasins constants, les ventes de l'enseigne ont augmenté de 5,2% contre +3,8% au trimestre précédent. Du jamais vu pour un premier trimestre d’ordinaire faible sur ces marchés de l’électrodomestique.