« Continuer notre positionnement Castoche » : Véronique Laury, directrice générale de Castorama France

LSA - Vous êtes la première femme à la tête d'une enseigne de bricolage en France. Comment vivez-vous cela ?

Véronique Laury - Je vis ce moment avec un sentiment d'accomplissement. Cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans cet univers, et tenir aujourd'hui les rênes de Castorama est le fruit du travail et de la persévérance. Castorama a une culture de mixité depuis dix ans, ma nomination est une suite logique. La profession se féminise et il est utile de rappeler que les femmes décident de 80% des achats, et représentent plus de 50% des clients. Le comité de direction de Castorama France compte deux autres femmes (la directrice de la responsabilité sociale et environnementale, et la directrice du marketing et de l'image) ; 43% de nos salariés sont des femmes. Mais au niveau de l'encadrement, il y a encore un travail à mener, car on dénombre 17 directrices de magasin seulement, sur les 102 points de vente que nous avons en France.

LSA - Avec quelles ambitions prenez-vous la succession de Guy Colleau ?

V. L. - Ma mission, c'est de continuer le travail accompli. Je pense vraiment que Castorama a retrouvé sa place dans le paysage du « do it yourself » français grâce à la continuité que l'entreprise a connu ces dix dernières années.

C'est aussi d'asseoir notre volonté de démocratisation en rendant facile l'amélioration de l'habitat au plus grand nombre, ce que traduit notre signature « C'est Castoche ». Nous avons un devoir de leadership avant Leroy Merlin pour développer le marché, pour faire en sorte que de plus en plus de gens fassent de plus en plus de projets et puissent les réaliser. Nous faisons un métier noble parce que nous améliorons la vie des gens. Mon ambition, c'est d'apporter dans les cinquante prochaines années autant d'innovation que l'on a apportée ces cinquante dernières années. Cela passe par un ancrage produit fort ; ça tombe bien, c'est de là que je viens !

2,8 Mrds €

Le chiffre d'affaires sur l'exercice 2012-2013 clos fin janvier (+ 2% sur un an)

102

Le nombre de magasins

13 257

Le nombre de salariés

Source : Castorama

LSA - Qu'est-ce qui vous a le plus frappé en revenant en France, par rapport à l'Angleterre ou vous travailliez précédemment ?

V. L. - Le marché n'est pas différent, au bémol près que le savoir-faire en bricolage des Britanniques a probablement baissé plus rapidement qu'en France, mais nous devons nous y préparer. En revanche, la façon de faire le métier entre Casto et B et Q est différente. La plus grosse différence étant probablement la faible autonomie des magasins là-bas.

LSA - Vous avez inauguré le magasin de Marseille Saint Loup il y a quelques jours, avec une offre 100% disponible. A-t-il vocation à servir de modèle ?

V. L. - Oui et non. Oui en ce sens qu'il y a de nombreux fondamentaux que nous conserverons pour l'avenir. D'abord, la grande taille de magasin - 12 500 m² -, même si d'aucuns disent qu'à l'ère d'internet les magasins seront plus petits, je n'y crois pas... au contraire ; ensuite, le 100% disponible, car c'est un avantage concurrentiel que le web n'apportera jamais. Enfin, un magasin où tout est plus facile pour choisir, comprendre et acheter. Pour le reste, notre concept continuera d'évoluer, comme nous l'avons toujours fait.

LSA - Justement, la concurrence et les pure players comme Amazon se développent fortement sur le web...

V. L. - Le projet de magasin de Marseille Saint Loup a mis dix ans pour être mené à son terme. C'est le même laps de temps qu'il aura fallu à Amazon pour devenir premier distributeur mondial sur internet. Donc, il est temps qu'on se bouge ! Nous allons fortement développer notre activité sur internet et nous avons les armes pour le faire. Mais nous pouvons aussi agir en complémentarité d'internet, les magasins devant être un vecteur d'expérience client, comme dans le Castorama de Villabé. Cela, le Net ne peut pas le faire.

LSA - Quelles sont les armes du magasin ?

V. L. - Il y a un attrait pour la nouveauté et la facilité qu'apporte internet, mais en tant que client, quand vous avez visité 12 pages et 120 produits, vous êtes vite fatigué et perdu. Je crois donc à la complémentarité des deux. Ce que le magasin apporte, c'est la disponibilité immédiate, la relation avec le vendeur, et surtout la vie, les autres. N'enterrons pas trop vite les magasins, l'homme est un animal social, il a besoin des autres, pas juste d'un écran !

LSA - Quels vont être les changements visibles ?

V. L. - Nous avons beaucoup travaillé sur l'aspect « je vois, je comprends, je prends ». À la différence d'autres magasins, les produits en tête de gondole sont ici bien visibles, ils sont présentés, déballés, on peut les toucher. On voit ainsi tout ce qu'il y a dans la boîte, on fait sauter un frein. Nous allons aussi continuer à développer nos MDD qui représentent 36% de l'offre. Depuis un mois, je dis à nos équipes d'être fières de ce qu'elles font. Dans les cinquante prochaines années, l'habitat va encore changer. Il faut apporter des nouveautés, et j'inclus les fournisseurs dans ce discours. Nous avons mis en place les rendez-vous de l'innovation Castoche avec eux, pour accélérer le référencement de produits différenciants.

LSA - Vous n'arrivez pas au meilleur moment, avec des ventes qui fléchissent depuis le début de l'année...

V. L. - Les ventes de février et de mars ne resteront pas dans les annales, avec un secteur du jardin qui souffre beaucoup. Mais je suis naturellement optimiste et, même dans un contexte difficile, si on fait bien les choses, les clients ne vont pas s'arrêter d'améliorer leur habitat !

Marseille Saint Loup introduit un « parcours client »

Le 102e Castorama de France a ouvert ses portes le 10 avril à Marseille, dans le quartier de Saint Loup (Xe arrondissement). Ce magasin, qui dispose d'un véritable parcours client, se singularise grâce à son approche « 100% disponible » qui porte sur ses 45 000 références et se traduit par des rayons abondamment remplis, en réponse à la richesse d'offre d'internet. Un parcours « rapide » permet d'accéder dès l'entrée aux articles les plus demandés, complété par un parcours dit « lent » pour le reste de l'offre. Entièrement éclairé grâce à des leds, ce Castorama répond aux critères des bâtiments classés BBC, et dispose d'une toiture végétalisée.