Danone ouvre la voie à la « cosmetofood »
>Essensis, la petite révolution laitière de Danone, dévoilée en avant-première par LSA fin novembre, devait être présentée aujourd'hui à la presse, avant une mise en rayons en France et en Espagne dès le 1er février. Ce lancement d'envergure démontre que le groupe français, qui réalise déjà près de 60 % de son chiffre d'affaires avec ses gammes à positionnement santé, compte aller plus loin en investissant la « cosmetofood ». Logique, le marché mondial des soins de beauté représente 29 milliards d'euros et a connu en 2005 une croissance de 6,7 %, l'une des plus élevées de l'industrie. Un gâteau dans lequel Danone aimerait croquer.
L'innovation de l'année ?
Après quatre ans de recherches et d'études, le groupe a donc développé Essensis. « Une innovation de rupture, dans la lignée d'Actimel », indique Olivier Delaméa, directeur commercial de Danone France. De fait, pour certains professionnels de l'ultrafrais, il s'agit de la plus importante innovation depuis Actimel. Et pour tous, c'est au moins celle de l'année. « Le pari est audacieux, mais on ne peut pas savoir comment le client va réagir, tempère un distributeur. Avec Essensis, il va surpayer pour une promesse qu'il faudra tenir. Si ce n'est pas le cas, après le phénomène de curiosité, la chute pourrait être brutale. » Béatrice de Raynal, présidente du cabinet de conseil Nutrimarketing, se dit mitigée quant aux chances de succès d'Essensis. « Le consommateur français garde un lien fort entre alimentation et tradition. Or, ce produit est très technique. Et la cible me semble moins large que celle d'Actimel. »
Quoi qu'il en soit, Danone est bien décidé à mettre toutes les chances de son côté. Essensis a d'abord été présenté aux distributeurs, qui se seraient montrés enthousiastes devant un produit premium capable, espèrent-ils, de relancer un marché du yaourt à la peine. Quant aux consommateurs, « notre objectif est double : faire comprendre l'innovation, tout en installant la désirabilité », explique Véronique Penchienati, directrice générale du marketing de Danone France. Une campagne de communication à 360° a donc été concoctée. « Dès fin février, arriveront les spots télé, doublés d'une campagne presse et affichage d'envergure, relayés par un site internet. » Des opérations événementielles seront aussi organisées. Ainsi, du 22 janvier au 4 février, Danone installera un Beauty Bar au Printemps Haussmann, et prévoit un échantillonnage par des hôtesses formées pour expliquer les vertus d'Essensis. Sur les points de vente, cela ira du stop rayon à la mise en place d'un balisage spécifique avec des distributions de bons de réduction et d'échantillons. Plus étonnant, « il est très possible que l'on retrouve un meuble frais Essensis dans le rayon cosmétiques de certains points de vente », révèle Olivier Delaméa.
Nestlé en embuscade
En cas de succès, ce produit pourrait révolutionner le marché européen en ouvrant la voie à toute une série de produits laitiers aux allégations santé de haute tenue : réduction du stress, contrôle de l'appétit, protection des articulations... Et cela permettrait à Danone de prendre un avantage de taille sur son meilleur ennemi Nestlé, déjà distancé sur le marché de la santé active en ultrafrais. Un concurrent bien décidé à combler son retard, dans les produits laitiers comme en santé. Ainsi, après l'accord de la Commission européenne pour la création du joint-venture Lactalis Nestlé Produits Frais (LNPF) - avalisé en septembre 2006 -, le groupe suisse vient d'acquérir la filiale Medical Nutrition de Novartis, et devient numéro deux en nutrition santé (voir p. 30). Ce qui pourrait lui servir de caution pour ses gammes nutrition santé grand public. De plus, Nestlé a signé, en novembre 2006, un accord de coopération avec l'École polytechnique fédérale de Lausanne, portant sur l'étude des rapports entre la nutrition et le cerveau. Le groupe s'intéresserait ainsi à la maladie d'Alzheimer. Mais Danone n'est pas en reste. Il teste en Belgique, depuis quelque temps, « Zen », une boisson lactée fermentée enrichie en magnésium, pour la détente, à déguster avant de se coucher.
Les deux géants devront aussi compter avec des MDD bien décidées à profiter de la manne. Après Intermarché et ses yaourts aux oméga 3, Carrefour s'est associé fin 2006 à la firme pharmaceutique Forbes pour lancer des spécialités laitières au Reducol pour lutter contre le cholestérol. Chacun affûte ses armes et le futur pourrait réserver des surprises. Bonnes ou mauvaises... Chaque pays en Europe a sa propre réglementation en matière d'allégations santé. Mais, devant la montée en puissance des aliments fonctionnels, la Commission européenne a établi le programme Fufose (Fonctionnal food science in Europe), qui pose les bases d'une évaluation commune des aliments fonctionnels. Nécessaire pour éviter d'encombrer le marché avec des produits aux allégations douteuses.