David Vidal, directeur au cabinet Simon-Kucher & Partners : « La taxe soda est un vrai risque pour les volumes »

Selon David Vidal, du cabinet Simon-Kucher et Partners, spécialisé dans les stratégies de prix, la taxe soda annoncée par François Fillon, le 24 août, va soulever trois enjeux : son niveau de répercussion sur les prix de vente, son calendrier serré et par l'opportunité ou non de communiquer auprès du public.
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David Vidal, directeur au cabinet Simon-Kucher & Partners : « La taxe soda est un vrai risque pour les volumes »
Pour David Vidal, cette nouvelle fiscalité pourrait
faire des boissons sucrées de véritables
produits de luxe.

LSA - Les mesures Fillon concernant les boissons sont-elles directement inspirées des taxes américaines ?

David Vidal - Tout à fait ! En 2009, l'administration Obama avait envisagé, pour les sodas, une taxe similaire à celle mise en place pour les alcools dans le cadre du financement de la réforme de la Sécurité sociale américaine. Au final, si une grande majorité des 51 États ont appliqué la taxe sur les alcools, seulement une trentaine l'ont mise en place pour les sodas. La seconde est peu populaire, car, outre-Atlantique, la consommation de sodas est très élevée, avec environ 200 litres par habitant, contre moins de 50 litres chez nous. La taxe était tellement peu populaire que les Américains l'ont baptisée la sin tax, la « taxe du péché ».

LSA - Quelles en ont été les conséquences économiques ?

D. V. - Les producteurs ont, à juste titre, pointé les risques de cette mesure, en insistant sur le danger que faisait courir une augmentation des tarifs sur leurs volumes. Le soda est, en effet, un produit sur lequel la sensibilité au prix est forte, en comparaison, notamment, d'autres catégories de boissons. Cela dit, le marché américain est particulier, car il est l'un des plus importants en volume au monde, avec des prix presque deux fois inférieurs qu'en France en fonction des canaux de distribution. Par conséquent, une hausse de 10 centimes a un impact mécaniquement plus fort sur les volumes là-bas. Les études internationales démontrent qu'une hausse du prix de vente conseillé de 10% ferait perdre entre 7 et 10% des volumes. En réalité, l'impact des hausses de prix consécutives à la sin tax varie en fonction des marques et des catégories de boissons sucrées, mais il est tout de même fort. C'est pourquoi ces augmentations doivent être extrêmement bien préparées, et ne peuvent presque jamais être mises en oeuvre en une seule fois dans de tels ordres de grandeur.

LSA - Cet impact peut-il être aussi fort en France ?

D. V. - À la différence du marché aux États-Unis, Coca-Cola domine largement dans l'Hexagone. Ne pas répercuter dans les prix de vente la taxe soda en France peut devenir un levier de communication, notamment pour les challengers. Souvenez-vous quand, au moment du passage de la TVA de 5,5% à 19,6% sur les forfaits Triple Play, Bouygues Telecom a communiqué qu'il n'allait pas augmenter ses prix. Les autres acteurs ont dû faire machine arrière sur leurs hausses de prix, car ils perdaient des clients. Et puis, au-delà du marché français, les réactions des producteurs et des distributeurs seront très regardées d'autres pays, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, où les autorités discutent de la possibilité d'augmenter ces mêmes taxes, et où les mêmes producteurs se préparent à des scénarios similaires. La mesure Fillon créera clairement un précédent pour ces acteurs, la plupart étant présents à l'international.

LSA - Dans le contexte actuel, est-il envisageable de ne pas répercuter ces hausses ?

D. V. - Il est vrai que, en 2011, le prix des matières premières contribue à une hausse des coûts de l'ordre de 3 à 5% dans ce secteur. Si la taxe Fillon devait être entièrement reflétée dans les prix de vente, l'augmentation globale sur un an pourrait atteindre jusqu'à 7 ou 8%. Ce qui constitue un vrai risque sur les volumes. D'où l'intérêt de mesurer finement la sensibilité des différentes marques au prix, et d'appliquer les hausses de façon différenciée. Si Coca-Cola ou Pepsi sont des signatures avec un taux de fidélité élevé, il n'en est pas de même pour d'autres marques au sein du portefeuille de ces groupes, ou pour certaines catégories, comme les boissons énergétiques, par exemple. Pour toutes les boissons en phase de pénétration, l'enjeu d'une hausse de quelques centimes est grand.

Pour les MDD aussi, où l'impact de la hausse de la taxe sera plus important en relatif, le prix de référence étant plus faible. Il faut aussi regarder la sensibilité au prix pour chaque emballage, car la répercussion de la taxe ne sera pas perçue de la même manière pour un pack de 6 x 33 cl et une bouteille de 1,5 litre. Sans oublier les zones géographiques : les seuils psychologiques de prix ne sont pas les mêmes à Rodez, à Lyon ou à Paris. Le risque étant que ces boissons finissent par être perçues comme des produits chers que les clients pourraient écarter de leur panier d'achat.

Contrainte supplémentaire, les acteurs devront faire vite, car ils n'ont que quatre mois pour déterminer leur stratégie, si toutefois ces mesures passent au Parlement.

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