De la saine austérité à… l'abus d'austérité [Edito]
par Yves Puget, directeur de la rédaction
\ 13h14
par Yves Puget, directeur de la rédaction
Plus que jamais, les experts parlent de récession ou de retournement de marché. Autrement dit, il est grand temps de tout mettre en place pour sauvegarder ses marges. D'autant plus que le robinet à investissement s'est tari. Même pour les acteurs du digital, l'argent ne coule plus à flots… Dans de telles conditions, on ne cherche plus des développeurs mais des chasseurs de coûts. On réduit les dépenses à tous les étages et on pilote les charges au plus juste. On taille dans les coûts d'exploitation des sièges et des magasins. L'heure de gloire des cost killers est venue. Ceux qui ont les frais généraux en terrain de chasse favori et qui dissèquent et renégocient les contrats. Factures d'énergie, informatique, logistique, gardiennage, nettoyage, etc. : tous les postes sont passés au crible. Les dépenses publicitaires et marketing sont rabotées. Sans oublier l'ensemble des processus logistiques qui sont examinés (coûts de stockage et facture de transport). On nettoie aussi son assortiment pour sortir les références qui ne tournent pas et coûtent plus qu'elles ne rapportent. On veut améliorer la productivité du linéaire et donc se concentrer sur le chiffre d'affaires rentable. Ensuite, on gèle les embauches, voire on supprime des postes. On allège les structures pour miser sur un management opérationnel plus rationnel.
Et si cela ne suffit pas, la restructuration est à l'ordre du jour. Avec à la clé, des magasins et des services fermés, des lignes de production supprimées et des filiales revendues. In fine, on touche aussi au cœur du métier. En centrale, on demande aux acheteurs de retravailler leur sourcing, de négocier au plus juste et on dope l'assortiment de MDD. Tout simplement parce que leurs marges sont meilleures que celles générées parles grandes marques. Et, nec plus ultra, on monte les prix pour doper la marge.
Si cette stratégie est vitale pour des entreprises, le remède ne doit pas être pire que le mal. En théorie, celui qui réduit des coûts ne doit pas empiéter sur la qualité du service. Ou du moins ne pas dépasser un seuil critique… Par exemple, si une enseigne adopte quelques codes du hard-discount (prêt-à-vendre, bacs… ), il est à craindre que des clients ne comprennent pas ce nouveau positionnement et finissent par aller chez ceux qui, historiquement, font ce métier. L'enjeu est de retrouver ses basiques et non, sous prétexte de s'adapter à une demande des consommateurs, de trop s'éloigner de sa culture d'entreprise.
Il reste ensuite à savoir où placer ce potentiel d'économies. Il est risqué de tout mettre dans la sauvegarde de ses marges. Il est impératif de réinvestir dans sa croissance. Se contenter de dégrader de la valeur est une vision courttermiste. Attention de ne pas aller trop vite en besogne car, ici aussi, la panique est mauvaise conseillère. Et, à l'inverse, l'attentisme n'est pas la bonne solution. Il s'agit donc avant tout de faire le bon diagnostic pour avoir le bon traitement puis le bon dosage. Car si le temps de l'austérité est bel et bienvenu pour des marchés, des entreprises ou des services, l'abus d'austérité n'est pas sans risques et peut, lui aussi, provoquer une forme d'asphyxie.
« Il s'agit avant tout de faire le bon diagnostic pour avoir le bon traitement puis le bon dosage. »