"Dès le CM1, les enfants savent décrypter les stratégies marketing", Catherine Pinet-Fernandes [Interview]

Quels rapports entretiennent les enfants vis-à-vis des marques et comment réagissent-ils à leurs discours ? Un vaste sujet dont la sociologue Catherine Pinet-Fernandes a fait l’un de ses terrains d’étude. Interview.

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Sociologue spécialisée sur la famille et les enfants, Catherine Pinet-Fernandes revient sur le rapport qu'entretiennent les enfants avec les marques.

Difficile de s’adresser à la cible des enfants tant elle évolue en permanence, notamment en matière de perception des discours marketing. Sociologue spécialisée sur la famille et les enfants, Catherine Pinet-Fernandes revient pour LSA sur les rapports, très variés selon leur âge, qu’entretiennent les enfants avec les marques.

LSA – Comment les enfants perçoivent-ils les marques ?

Catherine Pinet-Fernandes – D’abord, cette perception évolue avec l’âge mais également en fonction de la manière dont les parents éduquent leur enfant sur cette question, par exemple s’ils prennent le temps d’expliquer les publicités. Avant 3 ans, concrètement, les enfants ne perçoivent pas grand-chose. Entre 3 et 6 ans, ils sont influencés par les images qu’ils voient et les publicités les familiarisent avec le produit, les couleurs de la marque ou son logo mais ils n’en ont pas conscience. Ils sont aussi sensibles au son et peuvent retenir des slogans bien rythmés. Lors de mes entretiens, certains enfants sont ainsi capables de me chanter le slogan de MMA, alors qu’ils n’ont aucune idée de ce que cette entreprise propose…

C’est différent pour d’autres slogans comme le célèbre « en avant les histoires » de Playmobil car ils visualisent les figurines, donc l’associent à un produit particulier. Mais il n’y a pas de notion d’envie de telle ou telle marque : l’enfant dit jouer ou vouloir ces figurines (Playmobil) ou cette poupée (Barbie). Les enfants de cet âge sont aussi dans le « marketing vécu » : par exemple, s’il va en famille acheter des vêtements chez Kiabi, c’est du magasin où il est allé dont il se souvient, pas de l’enseigne.

LSA – La première grosse rupture, c’est l’entrée en école primaire ?

C. – P-F. – Oui, car l’influence des copains prend de l’essor. Dès la grande section de maternelle, les enfants parlent entre eux de ce qu’ils mangent, de leurs jouets, de leurs vêtements… et veulent imiter les petits camarades. C’est encore plus flagrant à partir du CP où ils veulent faire comme les enfants de leur âge… et surtout, comme ceux qui ont un ou deux ans de plus qu’eux. « Faire bébé » est rédhibitoire !

Entre 6 et 11 ans, les enfants développent leurs capacités de logique. Mais la pensée conceptuelle n’arrive que vers 11 ans. Avant, ils peuvent voir Playmobil comme une marque, tels Panzani ou Adidas car ils l’associent à un logo. Mais ils n’ont pas de vision précise de ce qu’est une marque. A l’entrée au collège, ils accèdent à la capacité d’abstraction et peuvent davantage manipuler des concepts. Mais leur rapport aux marques dépend également de leur intérêt envers le produit. A cela s’ajoute un aspect identitaire : si une marque est appréciée du groupe, le jeune colle à cette tendance.

LSA – Quels discours doivent développer les marques ?

C. – P-F. – Avant 3 ans, les marques parlent aux parents, essentiellement aux mères. Entre 3 et 6 ans, elles parlent aux parents et aux enfants. Pour les adultes, elles rassurent les parents sur l’usage du produit et/ou valorisent des moments familiaux. Pour les petits, qui voient la publicité comme de nouveaux épisodes au milieu de leurs dessins animés, les marques jouent sur cet aspect en mettant en scène des héros et licences existants ou en créant leurs propres personnages comme Prince de Lu.

A partir de 6 ans, ils commencent à prendre conscience que la publicité est un discours commercial. Ils peuvent apprécier les publicités, vues comme un moyen d’information sur les dernières nouveautés produits. Ils savent aussi apprécier les spots bien faits ou avec humour. Cet humour doit rester au premier degré et gare aux faux-pas : dès le CM1, ils savent décrypter les stratégies marketing, comme les jeux-concours avec tirage au sort : contrairement aux 6-7 ans, ils ont compris qu’ils ne sont donc pas sûrs de gagner. Ce sont les premières vraies initiations au marketing et n’hésitent pas à partager leurs bons plans ou déceptions sur un jouet, une prime ou un jeu-concours, pendant la récréation.

Au collège, ils apprécient également les publicités plus aspirationnelles comme RedBull et le second degré prime comme l’humour absurde de Clash of Clan. Si certains deviennent fans de marques, ils sont également très attentifs à son image, allant même à se préoccuper sur tel ou tel rachat d’entreprise. Et, surtout, ils détestent les marques qui essaient de faire jeune. Là aussi, si ce n’est pas crédible, c’est rédhibitoire.

LSA – Les nouveaux modes de consommation des médias changent-ils la donne ?

C. – P-F. – En effet car si la publicité est acceptée sur la télévision – puisque l’on n'a pas le choix de la faire passer – ce n’est plus autant le cas sur d’autres écrans, notamment le replay et les sites de vidéos : si la publicité n’est pas adaptée à la cible, pas intéressante ou amusante, elle peut devenir irritante car l’enfant est venu spécifiquement sur ce média pour regarder un contenu particulier. Or aujourd’hui, dès 3 ans, les enfants savent sur quel bouton cliquer pour faire passer les publicités !

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