Deux ans de Covid-19 : ce qui a marqué la rédaction de LSA
Le 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron s'adressait aux Français pour leur annoncer le confinement du pays à cause du virus du Covid-19. Deux ans plus tard, les journalistes de LSA commentent cette période. Voici quelques faits marquants et billets d'humeur.
Le 16 mars 2020 devait être une date anodine. Mais ce lundi particulier a marqué l’entrée dans une nouvelle ère, avec un premier confinement lié au coronavirus, pour se terminer le 11 mai. Cette période a entraîné l’émergence de nouveaux comportements ou l’accélération de tendances déjà à l’œuvre. Deux ans plus tard, le paysage de la consommation en a été transformé, parfois lourdement. Les entreprises ont d’ailleurs pris l’habitude de présenter leurs résultats non plus en comparaison de 2020, année exceptionnelle sous tous rapports, mais de 2019, tant plus rien n’est vraiment comparable. Les Français sont retournés devant leurs fourneaux, et dans le même temps, une véritable explosion de la livraison à domicile a eu lieu. Les artisans et spécialistes des métiers de bouche ont, quant à eux, profité du contexte. Et les équilibres des territoires ont aussi été modifiés, avec des départs des centres très urbains pour rejoindre des zones moins denses ou plus vertes. Du jamais vu en si peu de temps ! Au cœur des métiers de la consommation, les bouleversements ont été de mise, pour gérer la disponibilité du personnel (mais aussi des masques dans un premier temps), l’approvisionnement, le fonctionnement des usines et de la chaîne logistique ou encore la bonne tenue des magasins, tout en se retrouvant parfois confronté à des incivilités de la part de certains clients. On l’aura compris, le 16 mars 2020 la France et le secteur de la grande consommation sautaient dans l’inconnu. C'est pourquoi, vingt quatre mois plus tard, ce 16 mars 2022, LSA donne la parole à l’ensemble des journalistes de la rédaction. Voici leurs remarques et billets d'humeur sur cette période inédite.
par Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA
Bravo. Tel est le mot qui s’impose après deux ans de pandémie. Il faut bien évidemment féliciter le personnel médical qui a sauvé tant de vies en 24 mois et soigné d’innombrables personnes (et avoir une sincère pensée pour toutes ces personnes disparues et s'associer à la douleur de leurs proches et de leurs familles). Ces médecins et infirmières méritaient leurs applaudissements tous les soirs à 20 heures. Mais il ne faut pas pour autant oublier tous ceux qui étaient « au front ». Ils faisaient rarement la Une des médias, mais dans les magasins, la supply chain et les usines, ils étaient là pour faire tourner la machine. Certes, il y a eu des ruptures en linéaires. Mais jamais, la chaîne d’approvisionnement n’a été prise durement et longuement à défaut. Jamais, industriels, distributeurs et pouvoirs publics n’ont travaillé autant ensemble d’une façon consensuelle et sans arrière-pensée. Une véritable mobilisation générale. Bravo à tout le monde. Car le défi était de taille.
par Morgan Leclerc, chef de rubrique distribution alimentaire
L’arrivée de la pandémie et du confinement ont ressemblé sur plusieurs points à Ia doctrine militaire américaine « Shock and awe » (choc et stupeur, qui vise à désorienter l’adversaire sous l’effet d’une très grande puissance de feu), tant cette vague déferlant sur la France a alors fait émerger des mots que l’ont croyait réservés à des contextes belliqueux. Le combat contre le virus a entraîné l’installation éclair de plexiglas, de barrières physiques. De leur côté, les usines, magasins, entrepôts et drives se sont mis à fonctionner en « mode dégradé » avec comme priorités de fournir et absorber le flux de clients ! Dès le 17 mars, un patron d’hypermarché me confiait avoir réalisé le jour précédent le chiffre d’affaires généralement constaté le jour de Noël, dans une ambiance apocalyptique. Absolument tout ce qui se mangeait avait été vendu, ponctué d’incivilités dans tous les sens. Pour un patron de supermarché, la crainte était que son drive ne craque sous la demande, avec l’obligation de s’adapter et de faire tourner ses équipes en 3x8, un rythme d’habitude réservé à l’industrie. Le plus marquant dans cette période troublée était de percevoir - lorsque l’on réussissait à arracher quelques précieuses minutes à nos interlocuteurs présents sur le pont - l’état d’extrême urgence de la situation et la fatigue de ces derniers. Qui auront su faire preuve d’un sens de l’adaptation hors du commun. Au final, le transfert des ventes de la restauration (close), des cantines (fermées) et le fait maison auront mécaniquement nourri le chiffre d’affaires des grandes surfaces alimentaires. Il fallait voir, en février/mars 2021, lorsque les résultats des enseignes pour 2020 ont été publiés, comment ces dernières ont rivalisé de pirouettes, et jonglé avec les périmètres pour minimiser autant que possible leur réussite, à laquelle ils ne pouvaient pas grand-chose. Le risque étant, en affichant de trop fortes hausses, d’apparaître comme des profiteurs… de guerre.
par Brigitte Vivier, journaliste secrétaire de rédaction
L’image a fait le tour des télévisions et ressort régulièrement sur les réseaux sociaux. Mars 2020, une femme remplit son coffre de marchandises sur le parking d’un supermarché. Un journaliste l’interroge : « Vous avez fait plus de courses que d’habitude ou pas ? ». « J‘en sais rien, j’ai pris n’importe quoi », répond la cliente. L’échange prête à sourire, bien sûr, et a suscité les commentaires goguenards, ou consternés, de la plupart des observateurs. Bien prompts à juger les réactions irrationnelles de leurs congénères. Irrationnelles ? Oui, certainement, comme cette frénésie d’achat qui s’est portée sur le papier toilette, symbole dérisoire et inattendu de nos peurs, comme si nos prédécesseurs n’avaient pas su vivre avant son invention, au milieu du XIXe siècle. L’angoisse de l’estomac, elle, surgit dans toutes les crises. Impérieuse. Inévitable. Pâtes, riz, huile, farine, sucre, tous les produits de « fond de placard », sont donc redevenus les stars des rayons. Même si nous sommes devenus des écureuils de grandes surfaces, notre instinct primaire nous pousse toujours à faire des réserves. Mais méfions nous du ricanement. En période de danger, les plus stoïques d’entre nous deviennent, plus ou moins rapidement, des chasseurs-cueilleurs anxieux. Et le vernis de civilisation s’écaille alors très vite.
par Marie Cadoux, chef de rubrique alimentaire
Il n’y a aucun doute sur la question. La crise du Covid-19 a démontré à quel point la chaîne alimentaire a tenu bon. Certes, il y a bien eu des ruptures d’approvisionnement liées à des difficultés logistiques ou à une surconsommation de pâtes et de riz, mais la capacité de nourrir l’ensemble de la population n’a jamais été remise en cause depuis ces deux dernières années. Saluons le courage de ces salariés qui, pour certains, ont continué de travailler dans le froid, l’humidité et souvent dans des conditions de promiscuité inévitables. Saluons également le courage des maraîchers, des éleveurs, des pêcheurs qui n’ont jamais cessé de se mobiliser pour assurer les approvisionnements, malgré les difficultés de main d’œuvre. Les virus ont beau se succéder et se répandre comme une traînée de poudre, le fait est là : les acteurs de la chaîne agricole et alimentaire ont la capacité de nourrir la population française. La crise a assurément démontré la force du modèle alimentaire tricolore, la nécessité de préserver une production sur toutes les gammes et accessible à tous, et de privilégier des approvisionnements plus locaux. Bref, elle a remis les pendules à l’heure et fait taire (pour un moment) les détracteurs de l’industrie alimentaire et de l’agriculture française. Nul doute que la guerre en Ukraine avec ses conséquences sur le cours des matières premières industrielles et agricoles ne devrait pas les faire changer d’avis…
par Magali Picard, chef d'enquête non alimentaire
par Florence Bray, rédactrice en chef adjointe non alimentaire
Des rayons pâtes totalement dévalisés, voici l’une des images marquantes du premier confinement. Conséquence d’un mouvement de panique aussi irrationnel que compréhensif des Français, ce linéaire n’a pas été le seul à être pris d’assaut. Très vite, la farine, le sucre ou encore les œufs ont fait eux aussi l’objet d’une razzia. Les ventes de ces ingrédients de base ont enregistré des croissances jamais vues. La raison ? Enfermés entre 4 murs, privés de sorties et de restaurants, avec toute la famille à nourrir matin, midi et soir et parfois des enfants à occuper, les Français se sont remis en masse aux fourneaux. Tendance préexistante au Covid – elle s’était révélée avec la crise de 2008 -, le fait maison a fait un véritable carton durant la pandémie, dynamisant non seulement de nombreux marchés de l’alimentaire, mais pas que... Le non-alimentaire a au moins autant bénéficié de ce qu’on appelle le DIY (do it yourself) ou le faire soi-même en bon français. On pense au petit électroménager, qui a connu une année 2020 record (+11%), emmené par les robots ménagers, les tondeuses à cheveux, les machines à pain, les machines à café à broyeur. Dans des proportions tout aussi impressionnantes, les machines à coudre, les outils de bricolage ou de jardinage… se sont également vendus comme des petits pains. Et cet élan des Français autour des activités manuelles n’a rien d’éphémère. Le phénomène est plus que jamais d’actualité. Entre l’institutionnalisation du télétravail pour de nombreux salariés, la volonté de mieux contrôler son alimentation et d’éviter le gaspillage, l’envie de se recentrer sur sa maison (le fameux homing) ou encore la nécessité de maîtriser son budget dans un contexte très compliqué sur le plan du pouvoir d’achat, tous les ingrédients sont là pour prédire au fait maison un avenir durable…
par Jérôme Parigi, rédacteur en chef adjoint en charge de l’alimentaire
On les croyait condamnés à une mort lente, les bouchers, fromagers, charcutiers, boulangers, poissonniers et autres marchands de primeurs de nos cœurs de villes, constatant les difficultés qu’ils avaient à lutter contre les hypermarchés, les supermarchés et les enseignes spécialisées du frais, comme l’ogre Grand Frais. Force est de constater que la crise du Covid leur a donné un nouvel élan, une nouvelle jeunesse même. Selon Iri et son baromètre exclusif établi pour LSA, le secteur des artisans du frais est celui qui a le plus progressé dans l’alimentaire après le e-commerce. Ces spécialistes de quartier ont indéniablement tiré profit de la crise sanitaire pour attirer des clients qui étaient, un temps, limités dans leurs déplacements. Des clients qui, faute d’alternatives (marchés forains fermés, hypermarchés difficiles d’accès), ont singulièrement augmenté leurs fréquences de visites et leurs dépenses dans ces boutiques de proximité. Y trouvant aussi du lien, des attentions, de la vie, des sourires (derrière les masques)... Ces petits riens qui font souvent tout et qui ont beaucoup manqué aux Français, cloîtrés entre quatre murs pendant une bonne partie de la première année de la crise. Mais la surprise a été encore plus grande de voir ces circuits faire encore mieux en 2021, doublant presque leurs performances avec des ventes qui ont bondi de 22,7 %, alors qu’elles avaient déjà progressé de 13,3 % en 2020. Cela alors que les contraintes de déplacements étaient levées et que les marchés réouvraient partout. C’est simple, en 2 ans, les artisans de bouche ont vu leurs ventes progresser de plus de 4 milliards d’euros pour atteindre près de 20 milliards par an, deux fois plus que le chiffre d’affaires généré par les ventes alimentaires en ligne. Cela durera-t-il ? La question est ouverte : l’inflation qui monte pourrait réorienter les clients vers les discounters, les chaînes, la périphérie, mais la flambée des carburants, les inquiétudes liées à la guerre qui est presque à nos portes pourraient avoir l’effet inverse, de repli sur soi, de retour aux valeurs sûres. Le phénomène pourrait continuer.
par Julie Delvallée, chef de rubrique commerce connecté
Après la sidération, l’action. Ils ont été nombreux, pendant la pandémie liée au Covid-19, à créer leur vitrine digitale en ligne. Ils, ce sont les petits commerçants ; ces librairies, bijoutiers, fleuristes et autres magasins de jouets qui sont autant d’institutions locales de leur quartier. En l’espace de quelques semaines, et souvent à partir de rien, beaucoup ont dupliqué leur activité en ligne pour pallier la fermeture de leur établissement ou repenser leur stratégie e-commerce pour la muscler. Service de click & collect ou de livraison adossé à une plateforme numérique, page Facebook pour communiquer auprès de sa clientèle, fiche Google My Business pour indiquer les modalités de vente en ligne… Si les commerçants ont été pris de vitesse par cette crise mondiale, leur temps de réaction force au respect ! Résultat, beaucoup ont aujourd’hui diversifié leurs canaux de vente et mis en place des dispositifs numériques qui perdurent depuis. L’adversité se pare aussi de vertus.
par Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA
En mars 2020, un décret impose la première fermeture du commerce dit non-essentiel. Si cette mesure est non critiquable, le vocabulaire utilisé est quant à lui, plus tendancieux puisqu’il désigne comme « non-essentiels » des millions de salariés. Mais la situation est carrément devenue ubuesque le 1er novembre 2020 lorsque le Premier ministre, Jean Castex, a déclaré : « La vente des produits qui sont d'ores et déjà interdits dans les commerces de proximité sera également prohibée dans les grandes surfaces ». Le lendemain, on apprend que les produits d'hygiène seront gardés, le maquillage non… Il s’en est suivi des discussions de "marchands de tapis » pour ajuster cette fameuse liste avec des pyjamas pour enfants de 2 ans autorisés, mais interdits pour des bambins de… 3 ans ! Bâches, rubans de signalisation, barrières de chantier, palettes ont ainsi "joliment » décoré des magasins de plus de 400 m²... Cette fermeture des produits culturels, des objets de décoration, du textile ou encore du gros électroménager aura duré trois semaines ! Trois semaines de trop qui auront démontré l’absurdité d’une administration tatillonne tellement éloignée de la réalité et des contraintes du terrain. Tous les magasins concernés auraient pu afficher à l’entrée "bienvenue en absurdie".
par Sylvie Lavabre, chef de rubrique alimentaire
Le vrac s’inscrit parmi les victimes collatérales du Covid. Chantre d’une consommation responsable zéro-déchet, anti-gaspi, bonne pour la planète, symbole de la transition écologique, le modèle cochait pourtant toutes les cases au point de progresser de 40% en 2019. Synonymes de convivialité sur fond de conviction « green », les commerces de vrac (en-dehors des supermarchés) ont prospéré pendant la période pré-covid. Une éclosion réjouissante saluée par de multiples reportages sur Fanny, Anne-Gwenolé ou Jérôme, redonnant vie à l’épicerie de quartier et combattant pour réduire le contenu de nos poubelles. Oui mais voilà, le Covid est arrivé et a fait voler en éclat cette ère « peace and green ». La convivialité a fait place aux crêpages de chignon pour des rouleaux de papier toilette dans les rayons et aux e-courses par crainte d’être contaminé. Dans les hypermarchés, les rayons vrac se sont transformés en scènes de crime barrées de rubans adhésifs. Le retour à l’hygiénisme à outrance a profité à la bonne vieille boite métal et nombreuses sont les épiceries vrac qui ont baissé leur rideau. Aujourd’hui le vrac doit se refaire une santé avec un mois de mars qui lui est dédié et une ministre de l’Écologie qui monte au créneau sur les réseaux sociaux pour encourager ce mode de consommation. Sur fond de crise du pouvoir d’achat annoncé et dans le vacarme anxiogène de prémices de troisième guerre mondiale, on peut douter que son appel soit le premier entendu.
par Camille Harel, chef de rubrique alimentaire
par Véronique Yvernault, chef de rubrique Kids
Comment avoir un coup de cœur pour une peluche si on ne peut pas la toucher ? Ou sur un jeu de société si on ne peut pas y jouer, sur une voiture radiocommandée si on ne peut pas la tester, et même sur des sets Lego ou Playmobil si on ne peut pas y coller l’œil pour admirer la précision des détails et l’ingéniosité des dispositifs de jeu ? Du jour au lendemain, tous les salons, événements et conférences « en vrai » se sont arrêtés… Et la bascule sur le digital n’a pas été si facile. On se souvient de ces premières visioconférences avec leurs présentations aussi arides qu’ennuyeuses des produits en PowerPoint. Certes, très vite, les fabricants ont mis en place de nouvelles méthodes, à l’image de Vulli, le fabricant de Sophie la girafe, qui a carrément installé un studio de télévision dans son usine. Mais, de l’aveu d’un acheteur, "cela ne remplace pas une visite sur le showroom d’une marque ou sur son stand dans un salon où, dès le premier coup d’œil, on repère les produits phares ». Du côté des fabricants, l’absence des salons a aussi flouté leur vision : "En digital, nous ne voyons pas les réactions de nos interlocuteurs alors que de visu, rien qu’à leur tête, nous savons si le produit leur plaît ou pas », confiait ainsi un directeur marketing. Pire, l’arrêt des grands salons internationaux nous a rendus myopes sur les tendances d’innovation. Interrogés sur les nouveautés à surveiller, plusieurs responsables des achats de différentes enseignes m’ont ainsi répondu qu’ils ne savaient pas, n’ayant pu aller à Deauville, Nuremberg, Hong Kong, New York ou Francfort… En dix ans de suivi des marchés du jouet, de la papeterie et autres produits pour enfants, je n’avais jamais entendu cela !
par Lélia de Matharel, journaliste e-commerce
par Emilie Nguyen, éditrice et journaliste web
Bien implanté en Asie avant la pandémie, le live shopping, une sorte de téléachat 2.0 où des produits sont présentés en direct, était quasi-inconnu par les Français avant 2020. Mais il a su se faire une place durable dans l’Hexagone... Et ce, à cause - ou grâce - à la pandémie de Covid-19. Avec la fermeture des commerces non-essentiels, les enseignes ont dû accélérer sur le digital pour limiter les pertes. Certaines se sont donc décidées à s’essayer au live shopping. Les Galeries Lafayette, Nocibé, Fnac Darty, Carrefour... Ils sont nombreux à avoir activé ce nouveau levier pour faire face à la fermeture des boutiques, jugées non-essentielles. L’enjeu était de garder le lien avec les clients tout en limitant les pertes. Et le succès fut au rendez-vous ! Boosteur de ventes, le live shopping bénéficie de taux de conversion record, « en moyenne de 15 à 35 %» selon Gartner, et semble avoir trouvé une place durable en France, à l’heure où les enseignes diversifient leurs canaux de vente.
par Daniel Bicard, grand reporter
Quel besoin plus naturel, après des semaines de déplacements très réduits pour raisons sanitaires, que de vouloir à nouveau respirer l’air et voir le soleil ! C’est l’un des grands effets de la crise Covid-19 que d’avoir converti les Français à cet « hygiénisme », qui leur a fait, au moment des grandes réouvertures de centres commerciaux, préférer les typologies de commerces de plein air, tels que retail parks et centres de marques, aux boutiques dispersées comme les maisons d’un village. Des espaces de déambulation ouverts aux quatre vents, psychologiquement moins claustrophobes que les centres… confinés sous plafonds. Autre forme "d’éloge de l’extérieur", faute d’accès à l’intérieur de centres fermés, des espaces de mise à disposition des commandes en click & collect ont parfois été improvisés sur les parkings. Expériences qui ont été ensuite formalisées en solutions permanentes, comme la station Colis@Westfield au centre Vélizy 2. Autre avantage aux boutiques ouvertes sur rue : elles échappaient à la fermeture imposée à tous les autres magasins des centres de plus de 20 000 m² ! Comme c’était notamment le cas avec les boutiques du centre Beaugrenelle, à Paris, débouchant sur la rue Linois. Au point que certains reconcepteurs d’espaces commerciaux songent à "retourner" – telles des facettes de Rubik’s Cube – des boutiques jusqu’alors tournées sur la galerie intérieure de centres commerciaux pour les "faire regarder" au-dehors. Comme une redécouverte des bons vieux commerces de pied d’immeuble ! Et si l’on remonte plus loin, des marchés "ouverts" ou des agoras antiques.
par Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA
On nous promettait un monde d’avant et un monde d’après. Que la pandémie allait durablement changer fortement les comportements des consommateurs et les stratégies des acteurs économiques. Que le temps de la responsabilité collective était enfin venu. On aurait tant aimé le croire. Mais 24 mois après, qu’en est-il ? Le bio, le vrac et les circuits courts ne rencontrent pas le succès prédis. Les enseignes de discount ne cessent de grappiller des parts de marché. Et les salariés qui sont montés au front (caissières…) n’ont pas franchement l’impression que leur travail a été valorisé et récompensé à sa juste valeur. Autant dire que la réalité a pris le pas sur le rêve. Certes, des choses ont changé. L’e-commerce ainsi gagné deux ou trois ans de croissance. Mais le monde d’après n’est pas forcément mieux que celui d’avant. Et si on veut être optimiste, on peut simplement dire que si le covid-19 n’a pas franchement généré de ruptures brutales, il a été un accélérateur de tendances.