C'est maintenant que tout commence [Edito]
Que retenir des négociations commerciales 2023 ? Certainement qu'elles n'ont jamais été aussi compliquées. D'abord parce qu'elles sont arrivées après huit ans de déflation et dans un contexte réglementaire instable avec le débat parlementaire sur la proposition de loi Descrozaille. Ensuite, parce qu'elles ont débarqué après une année 2022 qui a connu de multiples épisodes de renégociations. Enfin parce que les coûts des matières premières agricoles et industrielles explosent. Avec, pour résultat, une inflation inédite par son ampleur et sa généralisation.
Sans oublier une inquiétante baisse des volumes de ventes. Voilà pourquoi des tensions étaient palpables dans les box. Il convient pourtant de comprendre que la négo, aussi utile et obligatoire soit-elle, n'est qu'une étape. C'est maintenant que tout commence, pour faire vivre les plans d'affaires, réagir aux à-coups de la consommation, contrer les actions des concurrents ou s'ajuster aux multiples impondérables météorologiques, économiques, géopolitiques ou sociaux. Plus que jamais, il ne faut pas avoir les yeux uniquement rivés sur les ventes quotidiennes. Comme il est vain de croire que le « Trimestre anti-inflation » fera des miracles tant il ne s'agit que d'une vaste communication gouvernementale. Et il ne sert à rien de se lancer des chiffres pour savoir qui a la plus forte marge, le meilleur excédent brut d'exploitation ou une excellente rentabilité des capitaux engagés. Des querelles souvent stériles tant les indicateurs clés dépendent bien souvent des métiers et ne sont guère comparables.
«La conjoncture actuelle ne doit pas faire oublier que les attentes d’hier, avant la crise ukrainienne, sont nos besoins de demain.»
Surtout, ces joutes annuelles, qui mettent en avant la cruciale question des marges, ne doivent pas faire oublier que tout commence maintenant pour trouver l'équilibre précaire entre attente de prix bas et nécessité de valorisation. Bien évidemment en améliorant la productivité (robotisation, etc.) mais aussi en intégrant la nécessité de passer d'une politique basée sur la transformation (faire moins cher qu'avant) à une politique de la comparaison (faire mieux que ses concurrents).
Ce virage intellectuel, avec de nouveaux calculs de péréquation des marges, trop peu l'abordent et, pourtant, la conjoncture actuelle ne doit pas faire oublier que les attentes d'hier, avant la crise ukrainienne, sont nos besoins de demain. C'est-à-dire des produits sains, une souveraineté alimentaire garantie, un monde agricole qui vit de son travail, des entreprises qui investissent, des salaires qui augmentent et une société décarbonée. De telles ambitions nécessiteront de lourds investissements et la facture se verra inévitablement dans le prix de chaque produit. C'est pourquoi les négociations commerciales ne peuvent se résumer aux seuls box d'achats des hypers et doivent porter sur tous les maillons de la chaîne, par exemple la logistique amont avec les conteneurs… Et n'oublions pas que ces box sont aussi des lieux d'échange qui déclenchent des ventes, des partenariats et des espoirs partagés. C'est là que tout commence, certes pour assurer les achats d'aujourd'hui mais aussi et surtout pour bâtir la consommation de demain. Et avec l'inflation galopante, certains ont tendance à quelque peu l'oublier…