
Beaucoup de dirigeants le répètent : il faut « insuffler l’esprit start-up » aux entreprises. Si l’on oublie que ces jeunes entreprises innovantes à fort potentiel ont aussi leurs problèmes de management, de croissance et de rentabilité, il faut bien reconnaître qu’elles apportent un vent de fraîcheur salutaire. Elles redonnent l’envie de bouger, de casser les codes, de travailleur autrement.
Ce constat, pas nouveau, est néanmoins tempéré par ce numéro de LSA qui démontre que ces « jeunes pousses » n’ont pas l’apanage de l’enthousiasme. Le palmarès des Grés d’or de la Feef démontre ainsi que l’on peut avoir la même « gnaque » que ceux qui inventent des objets connectés en étant maraîchers (Les Coteaux nantais) ou dans la gastronomie (Truffières de Rabasse). Qu’on peut être tout aussi « inventif » que ceux qui conçoivent ces applications mobiles en étant fabricant de sèche-linge (Herby) ou fournisseur de charbon de bois (Flamino).
Dédié au secteur de l’épicerie, notre dossier confirme cela. Qu’il s’agisse de se lancer sur des marchés improbables (les insectes, avec Jimini’s), de développer une marque régionale (La BelleIloise), de relancer une marque historique (St Mamet) ou de lutter contre le gaspillage (Les Gueules cassées), on note systématiquement un dynamisme salutaire et communicatif.
Même constat avec l’étude commandée par la FCA sur le profil des coopérateurs. Vincent Chizo (2 Sport 2000), Thierry Calderon (5 Krys), Christelle Massines (6 bijouteries de la coopérative Synalia) ou Miguel Jonchère (adhérent E. Leclerc), à l’image de bien de leurs collègues coopérateurs, bougent, innovent, sont à l’écoute du client, et ont compris que la réactivité est une clé de la réussite.
Et toujours dans cette stérile opposition entre la vieille et la nouvelle économie, le directeur général d’InVivo montre peut-être le chemin à suivre. Car si lui aussi veut inculquer un esprit start-up à son groupe, il a confié le plan de transformation digitale non pas à un « chief digital officier », mais à la direction des ressources humaines. Preuve que l’enjeu est avant tout humain.
Certes, il n’est pas question de nier les problèmes économiques et de négliger les atouts technologiques, mais il est fort probable que les entreprises qui demain gagneront des marchés seront celles qui auront su acquérir des compétences… et les garder. Même si les inquiétudes économiques sont fortes, le management de crise n’est pas une bonne option. Même si la visibilité est trouble, naviguer à vue ne sert à rien : il convient de donner un cap à ses équipages. Même si les clivages générationnels sont réels, il est nécessaire de créer une osmose sociale et générationnelle. Au-delà de ces grandes déclarations d’amour aux start-up, il est urgent de redonner du sens au travail, de comprendre que plus un salarié dispose d’autonomie, plus il se sent reconnu, plus il développe des émotions positives, plus il est impliqué et fait preuve de créativité. Pour les entreprises, la question n’est donc pas de savoir si « ça va mieux », ou si c’est « pas de bol », mais de générer et de conserver de l’enthousiasme.
Cet état d’esprit doit guider aussi bien les très petites entreprises que les multinationales, aussi bien le secteur des technologies que l’alimentaire. Aujourd’hui, on appelle cela un « esprit start-up ». Hier, on évoquait un esprit « entrepreneurial » ou « intrapreneurial ». Cela revient au même. Alors posez-vous la question au sein de chacune de vos sociétés et même dans chacun de vos services : « Esprit, es-tu là ? »