Egalim 2: entre contraintes et opportunités [Tribune]
Dans cette tribune, Nicolas Genty et Adélaïde Robardey, avocats au cabinet Loi & Stratégies, analysent pour LSA la loi Egalim 2. Un décryptage complet après la publication des décrets. Et pour eux: "On ne peut que constater la complexité du système proposé qui bien évidemment recèle des opportunités pour les fournisseurs et leurs clients".
Après plusieurs mois de débats devant l’Assemblée nationale et le Sénat, la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs dite « Besson-Moreau » ou « EGAlim 2 » a été publiée le 19 octobre 2021 au Journal officiel.
Ce texte devrait avoir des conséquences aussi importantes sur la relation fournisseur-distributeur que la loi de Modernisation de l’Économie du 4 août 2008, dite « LME ». À noter toutefois qu’en 2008 la réforme visait tous les produits et qu’aujourd’hui elle ne concerne pour ses dispositions principales que certains produits de l’alimentation humaine et animale. Beaucoup se sont d’ailleurs exprimés pour mette en exergue le risque qui pourrait ainsi être supporté par le non-alimentaire et les produits alimentaires hors du champ d’application.
Par ailleurs, la LME pouvait être vue comme conférant plus de liberté à la négociation alors qu’EGAlim2 impose plus de contraintes que les textes précédents. À ce titre, sa mise en place peut s’avérer plus complexe.
De nombreuses questions sur l’application de ce texte restent actuellement en suspens, si bien que l’on espère que des lignes directrices seront publiées.
Cette loi a été élaborée à la suite de la Commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de certaines des propositions faites par Serge Papin dans son rapport sur le bilan d’application de la loi EGAlim remis en mars 2021 au Ministère de l’Agriculture et au Ministère de l’Économie.
Le texte va apporter au cadre des relations commerciales, les modifications suivantes :
- S’agissant des contrats dits « amont »
La relation entre un producteur et son premier acheteur fait désormais l’objet d’un formalisme plus poussé avec un recours plus systématique à l’écrit.
l’article 1 de la loi instaure une obligation de conclure des contrats écrits[1] d’une durée minimale de 3 ans[2].
Si la mise en place de contrats pluriannuels est rendue obligatoire dans la relation en amont, elle reste uniquement facultative et pourrait continuer à être très rarement utilisée dans le cadre de la relation aval entre un industriel et un distributeur alimentaire.
Afin de ne pas bloquer de façon contreproductive le prix pendant une durée de 3 ans, le législateur est venu instaurer un mécanisme de révision automatique des prix, qui peut être librement déterminé par les parties. Bien évidemment, comme par le passé, le contrat peut faire un simple renvoi à des critères et modalités de détermination du prix, parmi lesquels la pondération des indicateurs, qui seront repris, en aval de la chaine de négociation par les conditions générales de vente (« CGV ») de l’industriel et dans les contrats conclus avec les distributeurs[3].
Une organisation interprofessionnelle doit publier les indicateurs dans les quatre mois qui suivent la promulgation de la loi (soit au plus tard au 18 février 2022). À défaut, les instituts techniques agricoles les élaborent et les publient sur demande formulée par un membre de l’organisation interprofessionnelle dans les deux mois suivant la réception d'une telle demande. La critique face au manque d’indicateur devrait donc s’estomper.
Un décret définira dans ce cadre, les conditions d’une expérimentation de l’utilisation dans le contrat par les parties d’une clause dite de « tunnel de prix »,visant à fixer des bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles pourra varier le prix convenu[4]. L’utilisation de cette clause sera ainsi rendue obligatoire pour certains produits agricoles[5]. En cas d’effets positifs constatés, il pourrait être envisagé une extension de cette obligation à d’autres produits.
Ces différentes dispositions résultent notamment des préconisations émises par Serge Papin dont l’objectif était de « faire naitre des stratégies de coopération et non plus d’opposition et de conjuguer compétitivité et répartition de la valeur sur le long terme »[6] assurant ainsi une certaine prévisibilité au producteur et évitant les demandes intempestives de déflations.
Conscient des difficultés pouvant être rencontrées par les différents acteurs, le législateur a introduit l’interdiction d’imposer dans la relation amont, une pénalité en cas de non-respect des engagements de volume lors d’aléas sanitaires ou climatiques exceptionnels[7].
La loi consacre également l’interdiction des clauses dans les contrats amont ayant pour effet une renégociation ou une modification automatique du prix liée à l’environnement concurrentiel.
Enfin, est instauré un Comité de règlement des différends commerciaux agricoles chargé des litiges portant sur le premier contrat de vente de produits agricoles. Il est tenu au secret professionnel et peut enjoindre aux parties de se conformer à sa décision avec astreinte dans la limite de 5% du chiffre d’affaires journalier moyen.
Dans un délai d’un mois à compter du constat d’échec de la médiation devant le médiateur des relations commerciales agricoles, il est possible, sous réserve d’en avoir informé les parties, soit (i) de saisir le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles soit (ii) de saisir le président du tribunal compétent pour qu’il statue sur le litige selon la procédure accélérée au fond, sauf en cas de litiges portant sur l’application de l’article L441-8 du Code de commerce, pour lesquelles le juge compétent doit être saisis selon une procédure ordinaire.
Le Comité statue sur le litige sur la base des recommandations non contraignantes du médiateur des relations commerciales agricoles et peut également rendre publiques, des lignes directrices qui précisent les modalités d’application des articles L. 631-24 et L. 631-24-2 du Code rural et de la pêche maritime, relatives à la négociation des contrats amonts.
- Concernant les relations entre l’industriel et son client acheteur/distributeur[8]
- Le champ d’application de l’ensemble des dispositions
La majorité des dispositions de la loi relative aux contrats aval s’applique aux relations concernant la commercialisation par des industriels des produits dits protégés (ci-après « Produits protégés ») tels que définis à l’article L. 441-1-1 du Code de commerce dans leur relation avec leurs acheteurs (hors grossistes).
- La notion de Produits protégés
Est ainsi introduit dans le code de commerce, un nouvel article L. 441-1-1, imposant aux industriels fournissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, une forme de transparence sur la matière première agricole. Il est fait référence à cet article dans plusieurs autres dispositions importantes de la loi.
On pourrait se poser la question de la notion de « produits alimentaires » telle qu’entendue par le législateur, qui n’est à ce jour pas définie par le Code de de commerce et alors même qu’au fur et à mesure de l’élaboration du texte, il a été fait référence de façon alternative à la notion de denrées et de produits alimentaires.
De la même manière, il n’est pas fait état d’une définition des matières premières agricoles.
Pour définir la notion de matière première agricole, le Ministère de l’agriculture a indiqué qu’il convenait de faire référence, aux produits figurant à l’Annexe I du Règlement dit OCM unique (n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013), et dont il est également fait référence dans les travaux préparatoires et dans le corps même de l’article L. 411-1-1 du Code de commerce[9].
Cette définition a un impact pour tous les matières premières agricoles visés par d’autres OCM et notamment les produits de la pêche. Ainsi, Selon la lecture du gouvernement, les produits de la pêche ne sont pas considérés comme une matière première agricole au sens de ce texte.
Pourtant quand on examine l’article L. 441-1-1 III, il prévoit seulement : « Le prix de la matière première agricole est celui payé pour la livraison de produits agricoles, au sens des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil, par un premier acheteur, par une organisation de producteurs avec transfert de propriété ou par une coopérative agricole ».
De notre point de vue, le III ci-dessus traite uniquement la question du prix de la matière première et pas des matières premières qui doivent entrer dans le champ d’application.
On pourrait donc considérer que les produits de la pêche qui ne sont pas visés par l’OCM unique ne sont pas expressément exclus de la définition des matières premières agricoles au sens du texte.
Par ailleurs, l’article 38 du traité de fonctionnement de l’union européenne fait référence à la mise en œuvre par la communauté européenne de la « politique commune de l'agriculture et de la pêche » : « Le marché intérieur s'étend à l'agriculture, à la pêche et au commerce des produits agricoles. Par produits agricoles, on entend les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, ainsi que les produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits. Les références à la politique agricole commune ou à l'agriculture et l'utilisation du terme "agricole" s'entendent comme visant aussi la pêche, eu égard aux caractéristiques particulières de ce secteur ».
Les lignes directrices devraient nous éclairer sur ce point.
Par ailleurs, sont spécifiquement exclus de la notion de produits protégés (article L 441-1-1), les produits listés dans le décret n°2021-1426 du 29 octobre 2021.
Il s’agit notamment de certains miels, certains légumes, plantes, racines et tubercules, certains fruits, les céréales (au sens du chapitre 10 du Règlement d'exécution (UE) 2020/1577), de certains produits de la minoterie, des graines et fruits oléagineux, des graines semences et fruits divers, plantes industrielles ou médicinales, pailles et fourrages (au sens du chapitre 12 du Règlement d'exécution (UE) 2020/1577), de certaines huiles, certains sucres, certains extraits de malts, certains sirops, certaines boissons, liquides alcooliques et vinaigres ou encore certains sels.
Pour déterminer si les produits vendus sont exclus du dispositif, il convient de se reporter à la Nomenclature combinée (Règlement d'exécution (UE) 2020/1577 de la Commission du 21 septembre 2020 modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun).
Au-delà des produits visés dans la nomenclature douanière, sont visés par le décret, les produits suivants :
- Denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales au sens du règlement européen délégué n° 2016/128
- Compléments alimentaires commercialisés comme des denrées alimentaires et présentés comme tels au sens de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002.
Attention, l'exclusion d'un produit ne signifie pas que si ledit produit est utilisé dans la fabrication d'un autre produit, ce dernier sera exclu tant comme produit que comme matière première. Exemple : certaines huiles sont exclues mais si un industriel utilise l'une de ces huiles pour fabriquer un biscuit, non seulement le biscuit ne sera pas exclu, mais l'huile en question sera considérée comme une matière première agricole dans la cadre de l'obligation de transparence.
Il est envisagé dans la loi, la publication d’un autre décret venant exclure des obligations, les produits alimentaires et produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie dont la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50% de matières premières agricoles composant ces produits est inférieure ou égale à un seuil de 25 % au maximum.
Toutefois, à notre connaissance, le ministère de l’Agriculture a indiqué que ce décret ne devrait finalement pas être publié (au moins dans un premier temps).
- L’exclusion des grossistes
Les grossistes sont exclus de l’obligation de transparence (article L.441-1-1 du Code commerce), et devraient être, par l’intermédiaire de plusieurs renvois, exclus d’autres dispositions, à savoir l’obligation de conclure une convention conforme à l’article L.443-8 du Code de commerce (convention avec tout acheteur et absence de négociabilité de la partie du tarif portant sur la matière première agricole), l’obligation d’insérer une clause d’indexation dans les contrats MDD conformément à l’article L.441-7 du Code de commerce et l’interdiction de la non-discrimination (article L.442-1 du Code de commerce).
Si, à notre sens l’intention du législateur est bel et bien d’exclure les grossistes tant dans leur acte de vente que dans leur acte d’achat de ces dispositions, la rédaction nous semble inappropriée puisqu’il est fait référence :
- dans ces différents articles au I de l’article L. 441-1-1 et non au V qui mentionne spécifiquement les grossistes,
- aux produits soumis aux dispositions du I de l’article L. 441-1-1 et non aux personnes soumises aux mêmes dispositions.
La définition de grossiste à laquelle il convient de se référer est celle de l’article L. 441-4 du Code de commerce. Selon cet article, le grossiste « s'entend de toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s'approvisionne pour les besoins de son activité. Sont assimilés à des grossistes les centrales d'achat ou de référencement de grossistes ».
L’article ajoute « sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d'achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail »
La doctrine considère majoritairement que le grossiste doit être entendu comme celui qui revend principalement à des professionnels ce qu'il achète, sans que ne soit exigé le caractère principal de l'activité d'achat pour revente.
Autrement dit, le caractère principal renvoie exclusivement à la qualité de professionnel des acheteurs, de sorte que la qualité de grossiste est reconnue si l'activité de revente, même accessoire, s'opère principalement auprès de professionnels.
Selon une interprétation littérale, il suffit que le grossiste ait un magasin de vente de détail pour que le texte soit inapplicable. En tout état de cause, l'entreprise qui développe une activité mixte n’est pas considérée comme un grossiste pour l'ensemble de son activité.
Cette exception grossiste est notamment liée à l’extrême complexité qu’aurait représenté l’obligation de transparence pour les grossistes qui « sera tout simplement impraticable dans un secteur dont l’activité s’inscrit le plus souvent dans le cadre de marchés publics ». [10]. On peut s’interroger sur les conséquences de la présence d’un grossiste intégré au groupe du fournisseur ou de l’acheteur. Dans ce cas, ne pourrait-on pas considérer qu’il n’y a pas réellement une interposition d’un grossiste qui justifie d’appliquer cette exception ?
- L’accroissement de la transparence dans CGV pour certains produits
La loi EGAlim 2 répond à la préconisation d’accroitre la « transparence sur le prix payé par le premier transformateur au producteur au moment de la signature du contrat commercial »[11].
Les CGV d’un industriel vendant des Produits protégés devront répondre à une obligation de transparence. Trois options sont possibles :
- Transparence forte consistant pour chaque référence de produits alimentaires ou de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, à faire figurer dans les CGV, pour chacune des matières premières agricoles et pour chacun des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit, leur part dans la composition dudit produit :
- - sous la forme d'un pourcentage en volume, et
- sous la forme d'un pourcentage du tarif du fournisseur ;
À ce titre, il peut à ses frais demander l’intervention d’un tiers indépendant mandaté par le fournisseur pour réceptionner les informations transmises par le fournisseur et les pièces justificatives et attester l’exactitude des informations transmises notamment la part de chaque matière première agricole et de chaque produit transformé dans le tarif du fournisseur.
Le fournisseur doit lui transmettre les pièces justificatives dans un délai de 10 jours, le tiers indépendant devant transmettre l’attestation dans un délai réciproque de 10 jours.
- Transparence moyenne, consistant pour chaque référence de produits à présenter dans les CGV uniquement la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matière première agricole qui entrent dans la composition dudit produit,
- sous la forme d'un pourcentage en volume et,
- sous la forme d'un pourcentage du tarif du fournisseur
Dans ce cas, le recours au tiers indépendant est également facultatif et pris en charge par le distributeur, sauf en cas d'inexactitude ou de tromperie volontaire de la part du fournisseur quant à la part agrégée des matières premières agricoles dans le volume du produit ou dans son tarif du fournisseur, constatée par le tiers indépendant et entraînant l'impossibilité de délivrer l'attestation.
- Contrôle du résultat de la négociation par un tiers indépendant , option uniquement possible lorsque les CGV font état d’une évolution du tarif fournisseur par rapport à l’année précédente.
Dans une telle hypothèse, le fournisseur prévoit dans ses CGV uniquement l’intervention d’un tiers indépendant, à sa charge, qui certifiera à l’issue de la négociation commerciale que ladite négociation n’a pas porté sur la part de l’évolution tarifaire qui résulte de l’évolution du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés.
Le dispositif mis en place ne laisse donc que peu de possibilités au fournisseur, qui devra nécessairement choisir l’option 1 ou 2 en l’absence d’évolution de son tarif.
De façon plus globale, le choix d’un niveau de transparence fort pourrait avoir un effet néfaste sur la concurrence et sur la production agricole elle-même. La diffusion de prix particulièrement attractifs d’achat de matières premières, dont bénéficie un industriel en raison de volumes d’achat importants, pourrait ainsi provoquer un nivellement par le bas au détriment des plus petites entreprises présentes sur le marché.
- Le recours au tiers indépendant
La notion de tiers indépendant a soulevé de nombreuses interrogations.
Si le texte de loi mentionne qu’un décret pourra préciser la liste des professions pouvant répondre à la définition du tiers indépendant, il semblerait qu’aucun décret ne soit en cours d’élaboration par le gouvernement.
Espérons que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes parvienne à élaborer des préconisations pragmatiques pour ses membres, qui semblent être les interlocuteurs désignés comme étant les plus à même de répondre à cette notion de tiers indépendant. D’autres tiers pourront être choisi mais les fournisseurs auront intérêt à être sensible à leur capacité de manier les données réelles et prévisionnelles.
Il est précisé que le tiers indépendant est soumis au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont il a pu avoir connaissance à raison de ses fonctions.
Pour des raisons pratiques, on peut regretter que le texte ait limité l’intervention du tiers indépendant dans l’option 3 à l’issue de la négociation commerciale[12]. Il est évident que le fournisseur aura intérêt à anticiper le travail avec le tiers indépendant et à vérifier, au fur et à mesure de l’avancée de la négociation que celle-ci pourra bien faire l’objet d’une certification par le tiers.
Par ailleurs, le texte prévoit que les parties doivent modifier le contrat dans un délai de deux mois à compter de la signature, en l’absence de certification sans même indiquer si le tiers indépendant doit intervenir sur le nouveau contrat. Indépendamment de cette incertitude, certaines négociations pourraient ainsi perdurer jusqu’au 1er mai chaque année…
Il parait évident que même dans les options 1 & 2, il sera préférable d’échanger avec un potentiel tiers indépendant pour anticiper tout risque d’une absence de certification.
- Les autres dispositions relatives aux CGV
Enfin, les CGV devront indiquer si un contrat de vente portant sur les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit a déjà été conclu à l’amont pour la durée de la convention. Ceci permettra de comprendre si le prix mentionné dans CGV est un prix envisagé ou un prix réel.
Au passage, on notera que la durée de la convention à conclure avec l’acheteur n’est pas connue lors de l’établissement des CGV puisque les CGV précèdent la négociation. Les fournisseurs devront veiller à spécifier la durée prévisionnelle de convention qu’ils ont retenue.
N’oublions pas qu’il s’agit-là du minimum d’information à prévoir, chaque fournisseur pouvant ajouter dans ces CGV des informations complémentaires qu’il souhaiterait communiquer.
- L’absence de négociabilité de la partie du tarif portant sur la matière première agricole
Avec pour objectif de protéger la rémunération des agriculteurs, le législateur a souhaité « sacraliser » par principe le prix des matières premières, pour éviter qu’il ne devienne un objet de négociation commerciale et tenter de donner vie au fameux ruissèlement.
Est ainsi introduit un article L. 443-8 prévoyant expressément que « La négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés mentionnés au I de l’article L. 441-1-1 ».
Ceci nous semble particulièrement adaptée, notamment en cette période de flambée du prix des matières premières. Toutefois, on pourra remarquer que cette disposition aurait méritée d’être exprimée de manière plus précise pour être certain d’assurer de manière plus efficace cette tentative de ruissèlement.
Par ailleurs, si globalement on peut saluer cette avancée dans la protection du producteur et des matières premières, elle restera limitée à une partie des produits alimentaires[13].
Se pose en outre la question de l’efficacité de ce texte en pratique et des possibles contournements à envisager.
En effet, comme la protection absolue du tarif porte uniquement sur la partie liée au prix des matières premières, celle-ci n’empêche pas un report de la négociation sur la partie négociable du tarif.
On notera toutefois que l’interdiction de l’avantage sans contrepartie, du déséquilibre significatif et de l’interdiction de la discrimination[14] pourrait s’avérer constituer un argument pour éviter ce report. Par ailleurs, il est possible pour le fournisseur de choisir l’option 3[15] et ainsi d’avoir recours à un tiers indépendant chargé d’attester que la négociation commerciale n’a pas porté sur la part de l’évolution tarifaire qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés[16].
Par ailleurs, on rappellera que l’article L.442-7 du Code de commerce proscrit le fait de faire pratiquer par son fournisseur un prix de cession abusivement bas.
Enfin, le champ d’application de cette disposition ne nous semble pas clair, quant à l’exclusion ou non des grossistes (cf. supra).
- Les nouveaux régimes de convention écrite
La loi instaure un régime contractuel spécifique pour les Produits protégés inclus dans le scope de l’article L 441-1-1 du Code de commerce.
Il est important de noter que cette convention écrite s’impose non seulement aux relations entre fournisseurs et distributeurs (comme c’est déjà le cas actuellement pour la convention écrite de l’article L.441-3) mais également aux relations entre fournisseurs et acheteurs qui ne sont pas des distributeurs (hors grossistes pour leurs actes d’achat et de revente[17]).
Cette extension du champ d’application de la contractualisation obligatoire est loin d’être anodine. En effet, le fournisseur de produits alimentaires et son acheteur non-distributeur (un industriel transformant les produits, une chaine de restauration, etc.) ne sont généralement pas tenus de conclure des contrats écrits (même si cela est fortement recommandé)[18]. Ce texte mettra à leur charge cette obligation de recours au contrat écrit mais surtout les obligerait à modifier leur rythme contractuel pour respecter la date butoir (1er mars pour les produits permanents) et une durée encadrée (1 an, 2 ans ou 3 ans).
On comprend alors que les contrats conclus directement par un fabricant avec un restaurateur seront soumis au nouveau texte alors que les contrats conclus entre un fournisseur et un grossiste puis un grossiste et un restaurateur pourraient échapper au texte[19] ; certains approuveront, d’autres moins ….
Bien évidemment, ce texte s’appliquera à l’amont entre fournisseur de produits alimentaires et transformateurs. Ces contrats qui étaient jusqu’alors de construction assez libre devraient alors rentrer dans le carcan du calendrier obligatoire (1 an, 2 ans ou 3 ans et signature au 1er mars) et de l’obligation de prévoir une clause de révision automatique.
À noter que si l’acheteur est un distributeur, le contrat devra respecter à la fois les dispositions du nouvel article L. 443-8 du Code de commerce et, en tant que produits de grande de consommation, les dispositions non contraires des articles L 441-3 et L441-4 du Code de commerce.
Bien que l’Assemblée nationale ait souhaité réduire la durée de négociation annuelle à deux mois, fixant la date butoir de transmission des CGV au 1er janvier, le texte finalement voté a conservé la date butoir du 1er décembre.
Toutefois, il n’est plus fait état du délai de transmission des CGV spécifique aux produits soumis à un cycle de commercialisation particulier. Il s’agit à l’évidence d’un oubli ...
A réception des CGV, le distributeur ne pourra plus se contenter d’émettre un courrier circulaire de refus mais devra motiver explicitement et de manière détaillée par écrit, son refus, son acceptation ou les dispositions CGV qu'il souhaite soumettre à la négociation, et ce dans un délai d’un mois (Produits protégés)[20] ou dans un délai raisonnable (produits de grande consommation, hors Produits protégés)[21]. On peut se demander pourquoi cette obligation n’est imposée qu’au distributeur et non atout acheteur.
Si le fournisseur a choisi d’être transparent (options 1 et 2), les contrats devront reprendre les termes relatifs à la part du prix des matières premières agricoles et des produits transformés figurant dans les CGV ainsi que les modalités de prise en compte du prix d’achat des matières premières dans l’élaboration du prix convenu.
Quelle que soit l’hypothèse choisie, la convention portant sur les Produits protégés devra comporter une clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole déterminé librement entre les parties. Cette clause doit obligatoirement inclure les indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture, dès lors que l’acquisition de la matière première agricole fait l’objet d’un contrat écrit en application de l’article L. 631-24-1 du Code rural et de la pêche maritime[22] .
Outre la mise en place de cette clause d’indexation automatique portant sur les matières premières agricoles, le législateur a étendu à tous les produits agricoles et alimentaires l’obligation de faire figurer une clause dite de revoyure visant à imposer une renégociation de l’accord en cas de dépassement des seuils de déclenchement définis par les parties, portant sur la fluctuation des prix des matières premières agricoles et alimentaire et des produits agricoles et alimentaires, de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages[23].
Par cet ajout, le législateur a notamment entendu répondre aux problématiques rencontrées particulièrement depuis la crise de COVID-19 sur la flambée du prix de l’énergie, de certaines matières premières entrant dans la composition des emballages et des transports.
Toutefois, il aurait été préférable d’exclure de la clause de renégociation toute fluctuation de matières premières agricoles et d’en limiter son application à l’énergie, le transport et les emballages, ainsi que cela avait été proposé par le Sénat dans le texte voté le 22 septembre 2021.
Il est important de noter que le champ d’application de l’obligation d’intégrer une clause de renégociation ne s’applique pas qu’aux produits protégés et s’applique au grossiste contrairement à l’obligation relative à la clause d’indexation[24]
Enfin, la convention écrite doit désormais faire figurer « chacune des obligations réciproques » des parties, imposant ainsi un principe de rémunération dit « ligne à ligne »[25].
Alors que l’Assemblée nationale a souhaité rendre ce principe applicable à tout contrat de distribution au sens de l’article L 441-3 du Code de commerce, le texte final en limite son champ d’application aux contrats portant sur les Produits protégés hors grossistes[26].
Chaque rémunération d’un service ou d’une obligation devra pouvoir être identifiée de manière unitaire, en pourcentage voire en valeur, et non globalement.
Ceci était déjà le cas pour les services de coopération commerciale mais pas forcément pour d’une part les réductions de prix liées aux conditions de l’opération de vente et d’autre part les réductions de prix ou les rémunérations liées aux autres obligations.
L’objectif du législateur est de faire partir la négociation du tarif et non d’un prix net habillé a posteriori par un catalogue de contreparties dont la valeur est adaptée en fonction du résultat de la négociation et de permettre un contrôle plus aisé de l’administration des différentes contreparties accordées.
En lien avec la réintroduction de la discrimination tarifaire, les industriels de produits protégés (article L 441-1-1 du Code de commerce) pourraient avoir un sérieux travail de refonte de leur politique commerciale à effectuer.
- La convention MDD portant sur des produits alimentaires
Le législateur a ajouté une disposition particulièrement importante pour les produits alimentaires MDD : l’appel d’offres et le contrat devront mentionner un engagement relatif au volume prévisionnel[27] . Le contrat doit en outre faire figurer une obligation de prévenance dans un délai raisonnable, afin de permettre au fabricant d’anticiper des éventuelles variations de volume.
Le prix convenu entre les parties devra, par ailleurs, prendre en compte les efforts d’innovation du fournisseur. Il est vrai que la traduction opérationnelle de cette affirmation peut laisser perplexe.
La loi Egalim2 a mis en place de nombreuses obligations, dont une grande partie résulte des préconisations de la CEPC émises dans sa Recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits MDD en prévoyant d’introduire dans le Code de commerce notamment :
- L’obligation de faire figurer dans le contrat (i) la durée minimale de préavis et d’écoulement des stocks en cas de rupture du contrat et (ii) une clause de répartition des coûts additionnels au cours du contrat,
- L’interdiction de mise à la charge du fabricant des dépenses liées aux opérations promotionnelles,
- La mise en place d’un système d’alerte et d’échanges périodiques entre fabricant et distributeur sur les conditions d’approvisionnement pour limiter les risques de rupture.
On peut regretter que l’obligation de conclure un contrat MDD pour une durée minimale de trois ans n’ait pas été adoptée.
Sur le modèle de la convention écrite portant sur les Produits protégés, il est précisé que le contrat MDD doit comporter une clause de révision automatique des prix. Cette clause ne s’applique qu’aux produits protégés, ce qui pourrait exclure les grossistes comme indiqué [28]. Le distributeur peut, en cas d’application, mandater un tiers indépendant pour attester de l’exactitude de la variation du coût de la matière première agricole supportée par le fabricant.
- L’interdiction de la discrimination
Notion supprimée du Code de la commerce par la LME, le législateur a réintroduit l’interdiction des pratiques discriminatoires mais avec un champ d’application plus limité.
Avec pour objectif de renforcer la transparence et l’équité de la relation commerciale par l’obligation de justifier de contreparties réelles, la loi prévoit l’interdiction d’obtenir des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour son partenaire commercial, un désavantage ou un avantage dans la concurrence[29].
Le champ d’application de cette disposition n’est pas clairement établi.
L’intention du législateur est de prendre en compte uniquement les industriels de Produits protégés et d’exclure les grossistes du principe de non-discrimination. Pourtant la rédaction du texte qui vise seulement les produits concernés et non les personnes concernées n’est pas conforme à cette intention[30].
On pourra par ailleurs s’interroger sur le champ des éléments sur lesquels peuvent porter la négociation. Ainsi, les services de coopération commerciale sont-ils inclus dans les éléments ne pouvant pas faire l’objet d’une discrimination que sont les « prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat » ? Le point devra être clarifié.
Indépendamment de cette question, on remarquera que la notion de service est nécessairement entendue de façon subjective en fonction de l’entité qui le réalise et permet une différentiation plus aisée entre les différents acteurs qui pourra difficilement être qualifiée de discrimination.
Les fournisseurs et distributeurs devront s’atteler à remettre à plat les conditions commerciales pour s’assurer qu’elles ne peuvent pas entrer dans cette qualification de discrimination sans contrepartie.
- L’encadrement des pénalités logistiques applicable à tous les produits
Le législateur a intégré dans le Code de commerce deux articles spécifiques aux pénalités [31], consacrant ainsi une partie des dispositions de la Recommandation 19-1 de la CEPC. Se pose la question de la limitation de ces dispositions aux pénalités logistiques, puisque, si le texte semble viser « les pénalités logistiques », le nouvel article L 441-17 fait référence de façon plus large aux « pénalités infligées au fournisseur en cas d’inexécution d’engagement contractuels ».
Est notamment requis par ce texte, l’existence d’un délai suffisant à respecter pour informer l'autre partie en cas d'aléa et la contractualisation d’une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat (généralement un taux de service).
Cette dernière disposition vient ainsi expressément remettre en cause certaines demandes de taux de services à 100%.
Pour éviter tout abus, il est précisé que les pénalités, qui doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution, ne doivent pas dépasser un certain montant du prix d’achat des produits concernés et ne doivent être imposées uniquement en cas de rupture de stock ou de démonstration par écrit d’un préjudice par le distributeur.
Concernant le plafonnement fixé en fonction du prix d’achat des produits concerné, il pourrait être utile que les industriels indiquent dans leurs CGV ce qu’ils estiment comme acceptable, eu égard à leurs produits. Si un pourcentage standard est retenu, un retard de camion de produits à forte valeur sera plus fortement pénalisé alors qu’il aura désorganisé de la même manière l’entrepôt qu’un retard de camion de produits d’une faible valeur.
Dans la lignée de la CEPC, est introduite l’obligation de mettre en place une procédure de discussion des pénalités.
Les dispositions introduites par la loi ASAP dans le Code de commerce sur les pénalités ont été décomposées puisqu’il est prévu l’interdiction du refus ou retour de marchandise, sauf cas de non-conformité ou non-respect de la date de livraison , tandis que la déduction d’office des pénalités sur les factures de vente est purement et simplement interdite.
Dans le contexte de l’après Covid-19 et de la pénurie des matières premières, il a été reprécisé l’interdiction de pénalisation en cas de force majeure.
On peut regretter que les circonstances indépendantes de la volonté des parties soient uniquement considérées comme des éléments dont il convient de tenir compte dans l’application de pénalités et non comme des causes exonératoires[32].
Grande nouveauté intégrée dans le texte voté par le Sénat : la possibilité pour le fournisseur d’imposer à son distributeur des pénalités selon des modalités réciproques[33].
Dans cette idée de réciprocité, il est par ailleurs prévu que le distributeur ne peut exiger du fournisseur un délai de paiement des pénalités inférieur au délai de paiement qu'il applique à compter de la réception des marchandises.
Le Code de commerce sanctionne uniquement le non-respect des dispositions de l’article L. 441-17 relatives aux pénalités émises par le distributeur et non pas le non-respect de L. 441-18 relatif aux pénalités émises par le fournisseur[34].
- Le seuil de revente à perte
Le mode de calcul du seuil de revente à perte applicable depuis loi EGAlim[35] a été revu pour certains produits spiritueux[36] .
Ainsi, le seuil de revente à perte sera calculé par rapport au prix d’achat réel des produits, en excluant les taxes dues par les consommateurs et qui sont uniquement collectées par les fournisseurs et distributeurs.
Cette révision vise à supprimer l’incohérence d’application du seuil de revente à perte aux produits spiritueux, pénalisés du fait de l’intégration des droits d’accises, particulièrement importants mis à leur charge, dans la base de calcul du seuil de revente à perte.
Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture peut fixer une liste de certains produits[37] qui ne sont pas soumis au seuil de revente à perte tel que défini à l’article 125 de la loi ASAP, notamment lorsque son application se traduit par une baisse du revenu du producteur agricole en raison de la saisonnalité des productions concernées et de leurs ventes ou de modalités particulières de commercialisation de ces produits[38].
Enfin d’autres dispositions relatives notamment à la protection des consommateurs ont été introduites et notamment :
- Un dispositif prévoyant un affichage sous forme de score destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs français de produits agricoles (disposition introduite à titre expérimental pour une durée maximale de 5 ans pour certains produits agricoles qui seront définis par décret) ;
- L’introduction d’une nouvelle pratique commerciale réputée trompeuse : est ainsi interdit le fait de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires tels que définis par le Règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires ne sont pas d’origine française[39] ;
- L’obligation d’afficher clairement l’origine des viandes utilisées a été étendue aux établissements sans salle de consommation sur place et proposant seulement des repas à emporter ou à livrer ;
- Toute opération promotionnelle dite de « dégagement » visant à écouler une surproduction de produits alimentaires associant plusieurs magasins doit être autorisée par l’autorité administrative compétente après avis de l’organisation interprofessionnelle concernée. Pour éviter tout blocage, l’avis de l’organisation interprofessionnelle sera réputé favorable en l’absence de réponse dans un délai qui sera fixé par décret. Sont exclus de ce dispositif les fruits et légumes frais.
Le législateur a mis à la charge du gouvernement une obligation d’élaboration d’un rapport annuel sur sa politique de contrôle en matière de pratiques commerciales trompeuses portant sur l’affichage de l’origine des denrées alimentaires.
Compte tenu de l’avancée des négociations commerciales, une question majeure est posée par fournisseurs et distributeurs : dans quel délai ces dispositions vont-elles s’appliquer ?
Les dispositions relatives aux contrats amont sont applicables aux accords-cadres et contrats conclus à compter d’une date fixée par décret, pour chaque filière, et au plus tard le 1er janvier 2023.
Concernant les relations aval (entre fournisseur et client), l’objectif du gouvernement est de faire entrer en vigueur les dispositions aux négociations 2022.
Il est ainsi précisé qu’en cas de CGV communiquées à partir du 1er novembre, seront applicables les dispositions relatives à la transparence tarifaire sur les MPA dans les CGV[40], la convention spécifique aux produits alimentaires[41] et à l’interdiction de la discrimination[42].
Quelle que soit la date de communication des CGV, les conventions conclues à partir du 1er janvier 2022 doivent être conclues à la suite de négociations commerciales fondées sur des CGV conformes aux 3 dispositions ci-dessus.
En pratique, cela signifie qu’en cas de transmission des CGV avant le 1er novembre 2021 et de signature de la convention avant le 1er janvier, le nouveau texte ne sera pas applicable. Toutefois, si les CGV ont déjà été transmises avant le 1er novembre 2021 mais que la signature de la convention est intervenue à partir du 1er janvier, le nouveau texte sera applicable et nécessitera une nouvelle négociation sur la base de CGV conformes.
Une telle disposition revient à risquer d’imposer aux acteurs la mise en place de deux négociations au cours de l’année 2022 !
Cela posera en outre de nombreuses difficultés lorsqu’un même industriel parviendra à signer uniquement certains accords avant le 31 décembre, alors que les autres accords seront conclus à partir le 1er janvier 2022….
Certaines dispositions sont d’application immédiate depuis le 20 octobre : les règles relatives aux pénalités[43], l’extension de la clause de renégociation[44], la modification du seuil de revente à perte[45]. Concernant les pénalités, il existe un débat sur la possibilité d’imposer le respect du nouveau texte au contrats en cours.
On ne peut que constater la complexité du système proposé qui bien évidemment recèle des opportunités pour les fournisseurs et leurs clients. Reste à connaitre, son efficacité. Permettra-t-il d’atteindre l’objectif fixé, à savoir améliorer le revenu des agriculteurs ?
[1] Au vu des spécificités de certaines filières, des accord interprofessionnels ou des décrets peuvent exclure l’obligation de conclure un contrat écrit ou prévoir une durée plus longue augmentée jusqu’à 5 ans
[2] Ont été exclus de la durée triennale les raisins, moûts et vins, ainsi que certains produits pouvant faire l’objet d’une durée plus longue fixée par accord interprofessionnel ou par décret au vu des spécificités de certaines filières
[3] Article L443-4 du Code de commerce
[4] L’expérimentation sera d’une durée maximale de 5 ans et a pour objectif d’évaluer les effets de l’utilisation de cette clause sur l’évolution du prix de vente des produits concernés et sur la concurrence. Un rapport sera remis par le Parlement au gouvernement à ce titre
[5] La sanction est une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos ou, dans le cas des organisations de producteurs ou associations d'organisations de producteurs assurant la commercialisation des produits sans transfert de propriété, à 2 % du chiffre d'affaires agrégé de l'ensemble des producteurs
[6] Rapport de la mission de médiation et de conciliation de M. Serge Papin concernant le bilan de la loi EGalim et la
nécessité de mieux rémunérer la chaîne de valeur agricole
[7] Article L 631-24 III 7° du Code rural et de la pêche maritime
[8] Certaines dispositions s’appliquent également aux relations avec un acheteur qui n’est pas distributeur
[9] Rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs par M. Grégory Besson-Moreau le 16 juin 2021
[10] Débats de la commission des affaires économiques en première lecture devant l’Assemblée nationale sur le sous-
amendement CE516
[11] Rapport de la mission de médiation et de conciliation de M. Serge Papin concernant le bilan de la loi EGAlim et la nécessité de mieux rémunérer la chaîne de valeur agricole
[12] Dans les textes élaborés par l’Assemblée nationale et le Sénat, le tiers intervenait tout au long de la négociation commerciale et dès l’élaboration des CGV
[13] C’est-à-dire les Produits protégés
[14] Article L.441-2 du Code de commerce
[15] Article L. 441-1-1 I 3° du Code de commerce
[16] Article L. 441-1-1 du Code de commerce
[17] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[18] Cf. notamment article L. 441-5 du Code de commerce
[19] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[20] Article L. 443-8 du Code de commerce
[21] Article L. 441-4 du Code de commerce
[22] Le texte vise également les autres indicateurs sans que l’obligation soit clairement définie
[23] Article L 441-8 du Code de commerce qui était jusqu’alors applicable à un nombre très limité de produits
[24] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[25] Article L. 441-3 du Code de commerce
[26] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[27] Article L. 441-7 du Code de commerce
[28] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[29] Article L. 442-1 I 4° du Code de commerce
[30] Comme indiqué supra l’exclusion des grossistes n’est pas claire dans le texte final mais ressort des travaux parlementaires
[31] Article L 441-17 et L441-18 du Code de commerce
[32] Dans sa Recommandation 10-1, la CEPC avait ainsi indiqué que « Peuvent également constituer des causes d’exonération des pénalités certaines circonstances externes au fournisseur et au distributeur ne remplissant pas les conditions de la force majeure et perturbant les livraison »
[33] Article L 441-18 du Code de commerce
[34] Article L442-1 du Code de commerce
[35] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, disposition ayant été reconduite par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique dite ASAP
[36] Il s’agit des spiritueux assujettis aux droits de consommation mentionnés au I de l’article 403 du Code général des impôts, qui ne bénéficient pas de l'allocation en franchise ou de la réduction d'impôt mentionnées à l'article 317 du Code général des impôts.
[37] Au sein des produits mentionnés aux parties IX et XI de l'annexe 1 au règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement
européen et du Conseil du 17 décembre 2013 0
[38] Pour ce faire, l'interprofession représentative doit effectuer une demande, motivée et accompagnée de toutes
données utiles pour l'appréciation de ce critère
[39] Le Sénat a ajouté une exception pour les ingrédients primaires dont l’origine française et difficile voire impossible à garantir
[40] Article L441-1-1 du Code de commerce
[41] Article L 443-8 du Code de commerce
[42] Article L 442-1, 4° du Code de commerce
[43] Articles L 441-17 et L 441-18 du Code de commerce
[44] Article L 441-8 du Code de commerce
[45] Modification des dispositions de la loi ASAP