Encore de belles perspectives pour les bières
Merci aux fruits et aux aromates. C’est à eux, aux « bières tendance », que le rayon doit sa très belle progression en 2014. Un dynamisme en grande partie soutenu par des innovations dirigées vers de « nouvelles cibles ».
YANNICK LEGOFF
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YANNICK LEGOFF
«Nous nous préparons d’ores et déjà à une année 2015 bien moins favorable », affirme un industriel, enchanté par les résultats obtenus par le rayon en 2014, mais sans illusion sur sa capacité à renouveler la performance… « La météo a été très favorable cette année. Il y a eu aussi la Coupe du monde de football ; il y a eu encore la conséquence logique de la forte augmentation des droits d’accise en 2013, laquelle a probablement détourné un peu plus les consommateurs des circuits hors foyer en faveur de la GMS. Et puis il y a eu la guerre des prix à laquelle se livrent les différentes enseignes sur les prix, le rayon ayant connu la plus forte déflation de toutes les grandes catégories des PGC. Baisse qui a bien sûr renforcé l’attractivité d’une catégorie de boissons alcoolisées déjà parmi les moins chères. Atout précieux en temps de crise… », énumère-t-il. Autant de raisons conjoncturelles qui l’amènent à considérer que cette très belle année de croissance, en volume et en valeur, sera difficile à rééditer.
« Merci aux facteurs conjoncturels qui, c’est vrai, ont pesé », confirme Annick Vincenty, directrice marketing pour Heineken, qui tient néanmoins à rééquilibrer le diagnostic : « N’oublions pas la tendance confirmée du rayon à la valorisation et, surtout, le bon accueil réservé à des innovations qui, pour nombre d’entre elles, ont correspondu à une volonté claire des acteurs du marché de proposer de vraies nouveautés, de nouvelles saveurs pour aller à la rencontre de nouveaux publics. Du travail a été fait et il paiera à nouveau en 2015, même si la météo n’est pas exceptionnellement favorable », affirme-t-elle, s’appuyant sur les résultats des lancements de Desperados Verde et de Pelforth Radler fin 2013 : pour le premier, 10% de nouveaux acheteurs pour la catégorie et un taux de rachat de 30%, et pour le second, un succès auprès d’une cible plus féminine.
De nouveaux consommateurs
Analyse similaire du côté des brasseries Kronenbourg (BK) où, après les lancements de Skoll (qui avance un taux de rachat de 40%), puis de Grimbergen Kriek et de K, l’on revendique une place de leader dans la promotion des nouveaux goûts et l’ouverture du rayon à d’autres publics. « K by Kronenbourg est la première innovation du rayon bières tant en valeur qu’en volume », annonçait récemment Olivier Dubost, vice-président en charge du marketing, dans LSA. Reste que la principale caractéristique de BK par rapport à ses deux grands concurrents, Heineken et AB Inbev, est sa présence sur à peu près tous les segments… et donc aussi sur ceux qui sont en panne de croissance. Au premier rang d’entre eux, les bières de luxe ont encore perdu du terrain cette année. Chez BK, un porte-parole de la marque promet, sinon le rebond, en tout cas l’arrêt du recul en 2015 tout en revendiquant une amélioration des positions de la marque sur ce segment. De même que sur celui des bières sans alcool, en grande partie grâce au lancement de 1664 sans alcool. « Une bière sans alcool qui a du goût, c’est une vraie nouveauté, une vraie solution pour les repas non alcoolisés et, au-delà, pour tous ceux sensibles à une argumentation axée sur le thème de la santé », affirme-t-il.
Une conjoncture favorable, quelques innovations sucrées et un peu de marketing… « Il serait très réducteur de limiter l’évolution du marché à ces trois ingrédients », estime Annick Castelain, directrice générale de la brasserie du même nom. « Une vraie prise de conscience est en train de se faire. La bière peut-être à la fois gustative, conviviale, culturelle, festive et, bien sûr, simplement bonne et désaltérante. Autant de qualités qui s’expriment de mieux en mieux, sans doute grâce à un travail de fond mené depuis plusieurs années par les leaders du rayon. Conséquence : un fort recrutement qui se concentre aujourd’hui sur les produits fruités ou aromatisés, mais qui ne demande qu’à s’étendre à toute la variété de la production. Un peu comme pour le vin, un travail d’évangélisation se propose à nous », explique la directrice générale dont la brasserie produisait 43 000 hl fin 2012 et qui a dépassé les 55 000 hl fin 2014…
« Revoir d’urgence la segmentation du rayon »
Bref, depuis la consommation féminine promise à un fort développement jusqu’aux bières « bonnes pour la santé », en passant par les couleurs, les goûts et toute la variété des moments de consommation, la bière dispose d’un nombre rarement atteint de leviers de croissance. Une bonne nouvelle qui va bien au-delà des excellents résultats du rayon pour 2014, mais aussi « un vrai défi pour le secteur qui doit prendre en compte ces évolutions et revoir d’urgence sa segmentation », affirme un brasseur régional, qui avoue avoir bien du mal à entrer dans le permanent dès qu’il s’éloigne de ses bases géographiques. « Le rayon éprouve incontestablement des difficultés pour mettre en avant la richesse de l’offre », déplore-t-il, appelant de ses vœux une petite révolution merchandising.
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Le rayon doit, certes, une part de sa belle croissance à des facteurs conjoncturels comme la météo, mais aussi à l’accélération du rythme des innovations, qui s’adressent à des cibles jusque-là peu consommatrices.
Sophie Nonet, directrice des liquides chez IRI
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