Entretien avec Didier Duhaupand, président de la société Les Mousquetaires (SLM) : «Notre modèle de commerce a encore de belles décennies devant lui»

2017 est sans aucun doute une année pleine de mouvements politiques et économiques. Dans ce contexte de changement, Didier Duhaupand a été interviewé par LSA pour donner son point de vue par rapport à cette situation et parler de l'emblématique groupe Les Mousquetaires.

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Entretien avec Didier Duhaupand, président de la société Les Mousquetaires (SLM) : «Notre modèle de commerce a encore de belles décennies devant lui»

A quelques pas des éléctions présidentielles, il est essentiel que les références économiques nous en disent plus sur leurs attentes et leur perception des enjeux.

LSA - À trois mois de l’élection présidentielle, qu’attendez-vous de l’année 2017 ?

Didier Duhaupand - Des élections elles-mêmes, un président ! Et d’un président, une vision claire et partagée. Ce qui est indispensable, c’est un retour à la confiance, voire à un certain optimisme. La France est l’un des pays les plus pessimistes au monde : elle arrive derrière l’Afghanistan et l’Irak, bien que nous soyons l’un des plus protégés au monde. Et évidemment, il faut remettre l’entreprise au cœur de la société et de ses réformes.

Une carrière au service des Mousquetaires

Chaque début de semaine et chaque fin de semaine, Didier Duhaupand arpente les allées de « ses » deux Intermarché dans le nord de la France, qu’il a ouverts en mai 1981, quelques jours après l’élection de François Mitterrand. « Le commerce, je suis né dedans », aime à dire le nouveau président de la Société Les Mousquetaires, désigné par ses pairs en juin 2016 pour diriger le Groupement. « J’ai un bon directeur, de futurs adhérents parmi le personnel, un chef boucher qui est là depuis trente-cinq ans », se félicite celui qui, après avoir arrêté ses études en prépa HEC, est retourné travailler avec ses parents, dans leur boucherie de Vincennes, à l’est de Paris. En pleine polémique sur les abattoirs et les conditions d’élevage des bêtes, Didier Duhaupand a un avis qui ménage les uns et les autres. « Nous avons tous une obligation : réserver le traitement le plus digne possible pour les animaux et le meilleur prix aux éleveurs. » À 60 ans tout juste, ce jeune grand-père nourrit une passion pour l’agroalimentaire, passion qu’il a pu exercer à plein-temps en tant que président d’Agromousquetaires depuis 2013. Auparavant, il avait gravi les échelons, de la direction stratégique d’Intermarché à Immo Mousquetaires, la branche immobilier du Groupement. Autant dire qu’il connaît bien tous les arcanes de la maison.

Didier Duhaupand en dates : 

  • Mai 1981 : Didier Duhaupand entre chez Intermarché
  • Avant 2002 : Diverses fonctions de direction en région, au sein du métier alimentaire
  • 2002-2005 : Administrateur d’ITM Entreprises
  • 2005-2008 : Administrateur d’ITM Alimentaire International
  • 2008-2013 : Président du conseil d’administration d’Immo Mousquetaires
  • 2013-2016 : Président du conseil d’administration Agromousquetaires
  • Juin 2016 : Président de la Société Les Mousquetaires (SLM)

 

LSA - Que souhaitez-vous dire aux candidats ?

D.D. - Qu’ils ne fassent pas des promesses qui ne seront pas tenues. Et pour l’entreprise, qu’il y ait un peu moins de normes et de contraintes, mais surtout de la stabilité et de la visibilité réglementaire, sociale et fiscale. Il faudrait qu’on arrête, à chaque fois qu’il y a un événement, de le résoudre par une nouvelle autorité ou une nouvelle règle. Pour le commerce, en particulier, il faudrait clarifier la LME (loi de modernisation économique, NDLR), facteur d’incompréhension ou de crainte. Cette loi nous enferme dans des délais impossibles, avec des marathons qui démarrent fin février, alors que le commerce vit toute l’année. En outre, elle n’est pas assez protectrice pour les PME et évidemment pas pour le monde agricole.

LSA - Vous souhaitez une nouvelle loi ?

D.D. - Une nouvelle loi est toujours inquiétante. Il faudrait qu’elle soit peaufinée. Coca-Cola, Nestlé ou la PME bretonne sont traitées de la même manière… Ce n’est pas possible.

LSA - Les politiques ont pour habitude de taper sur la grande distribution. Pourquoi a-t-elle aussi mauvaise image ?

D.D. - C’est un vrai paradoxe. Les consommateurs, eux, plébiscitent les enseignes de distribution. Dans le dernier baromètre de l’Ifop sur les entreprises préférées des Français, elles sont quatre parmi les dix premières. Et pour notre plus grand bonheur, Intermarché apparaît en premier. Qu’on soit aimés, c’est logique aussi puisqu’on fait partie du quotidien des consommateurs et qu’on défend leur pouvoir d’achat. Néanmoins, il y a une grande différence entre le monde des indépendants, qui se distingue par son ancrage sur le terrain, et celui des succursalistes. Ces derniers sont très communicants, notamment par rapport aux politiques et la presse. Il va falloir y remédier. Et puis, c’est assez pratique de s’en prendre à la grande distribution, qui sert de bouc émissaire.

LSA - Comment comptez-vous y remédier ?

D.D. - Il va falloir que nous communiquions sur nos métiers, sur les filières agricoles aussi…

LSA - Le Groupement a changé de raison sociale, passant de la SCM (Société civile des Mousquetaires) à la SLM (Société Les Mousquetaires). Pour quelle raison ?

D.D. - Le changement de nom est purement juridique. Le vrai sujet est la nouvelle gouvernance que nous avons mise en place depuis le mois de juin. Nous voulions raccourcir les circuits et gagner du temps dans les décisions. Avec un organe de décision unique, c’est beaucoup plus simple. Il n’y a plus deux étages avec la SCM et ITM Entreprises comme auparavant. Une assemblée générale se tient tous les ans. Elle élit un président pour quatre ans. J’ai l’honneur d’avoir été celui-là. En même temps, cette assemblée valide un représentant par région française (il y en a huit) et par pays (il y en a trois). Elle désigne donc onze membres au total qui forment, avec moi, le conseil d’administration. Et je choisis de quatre à cinq membres qui constituent le bureau. Ce bureau, avec les six métiers – l’alimentaire, l’équipement de la maison, l’automobile, la restauration, l’immobilier, l’agroalimentaire – et l’UDM (Union des Mousquetaires), se réunit en comité exécutif tous les quinze jours. C’est lui qui dirige le Groupement.

LSA - Cette nouvelle organisation apporte-t-elle des gains sur le plan économique ?

D.D. - C’est un peu tôt pour juger puisqu’elle n’a que sept mois. Mais en termes d’efficacité, de rapidité de décision et de dynamique auprès des pôles, c’est sensationnel. On se connaît tous, cela donne un fonctionnement parfaitement huilé.

LSA - Beaucoup de nouvelles têtes sont-elles arrivées ?

D.D. - À nous tous, les douze administrateurs de la SLM, nous sommes dans le Groupement depuis deux cent cinquante ans ! C’est une équipe soudée, qui se connaît de longue date, qui va des plus anciens, comme moi qui viens d’avoir 60 ans et suis adhérent depuis trente-cinq ans, aux plus jeunes, qui ont moins de 40 ans.

LSA - La parité hommes-femmes est-elle aussi arrivée chez vous ?

D.D. - C’est très bien réparti (dit sur le ton de l’humour, NDLR) puisque nous comptons une femme à la SLM, Rose-Anne Rocheteau, la patronne de Poivre rouge. Parmi les collaborateurs, nous avons effectué quelques recrutements féminins de haut niveau avec, par exemple, Caroline Dassié, une ancienne de Danone, à la tête de l’alimentaire, pour épauler Thierry Cotillard.

LSA - Quel bilan faites-vous de 2016 ?

D.D. - C’est une bonne année, malgré une déflation importante dans les PGC, autour de - 1,6 %, - 1,7 %. Dans ce contexte déprimé, notre chiffre d’affaires a progressé de 1,9 %, hors carburant. Nous avons maintenu notre part de marché, et même gagné un peu, notamment en décembre. Nous avons réalisé une jolie performance sur Netto, un modèle de hard discount que tout le monde annonçait condamné, à + 4,5 % à parc constant. Nous avons de bonnes nouvelles dans l’équipement de la maison : nous sommes repassés au-dessus de 10 % de part de marché dans le bricolage et sommes numéro un en Pologne. C’est une belle année 2016.

LSA - Ces progressions se sont-elles faites au détriment de la marge ?

D.D. - Au niveau de la marge, il a fallu s’adapter au marché. La bonne santé économique de notre Groupement nous avait permis, jusqu’à présent, d’amortir ce phénomène. Nous avons donné un petit coup sur les marges pour être encore plus dynamiques en 2016.

LSA - Dans l’alimentaire, de nombreux magasins seraient dans le rouge. Quelle est la réalité ?

D.D. - Chez les Mousquetaires, peu de magasins sont dans le rouge. La guerre des prix a poussé tout le monde à faire des efforts sur la marge, qu’il faut différencier du résultat. Les résultats des magasins sont toujours bons et la profitabilité de nos points de vente n’a pas diminué.

LSA - Et comment voyez-vous 2017 ?

D.D. - Nous attendons une vraie croissance pour l’ensemble des activités. Nous avons le souci de ne laisser aucune enseigne, aucun pays, au bord du chemin. J’espère une performance du Groupement au service des adhérents. Et la bonne gouvernance que nous avons mise en place, la situation financière saine dont nous disposons vont nous permettre d’être à l’écoute de nombre d’opportunités. Nous sommes ouverts aux ralliements qui pourraient se présenter. Parallèlement, nous avons un programme d’investissements très fort. Entre l’industrie, l’immobilier et les adhérents, nous allons investir 1 milliard d’euros en 2017, autant qu’en 2016, mais beaucoup plus que les années précédentes.

LSA - Plus précisément, combien de magasins avez-vous créés en 2016 et combien comptez-vous en ouvrir en 2017 ?

D.D. - En 2016, nous avons créé près de 200 000 m² de surface de vente. Notre parc est resté stable. Dans le bricolage par exemple, un mètre carré sur deux créés en France vient de notre Groupement. Sur l’alimentaire, c’est toujours le cas depuis des années, nous sommes le premier ou le deuxième créateur de mètres carrés. Et nous allons accélérer car c’est ce qu’il faut faire en cas de croissance molle. Dans le bricolage, nous misons sur Brico Cash : nous en aurons une centaine à terme, contre une vingtaine aujourd’hui. Nous voulons ouvrir aussi 200 Netto à moyen terme.

LSA - Pourriez-vous racheter une enseigne dans les années qui viennent ?

D.D. - Nous avons montré que nous savions le faire par le passé. Nous avions racheté Altis à Carrefour et à notre partenaire espagnol Eroski, et nous avons intégré ce groupe régional d’une vingtaine de magasins dont six hypers. Nous avons les moyens d’investir, pas sans limites. Il reste peu d’opportunités dans l’alimentaire, mais d’infinies possibilités dans le non-alimentaire. Dans la restauration ou l’automobile, il y a une myriade de petits groupes et un mouvement de concentration en cours. Au-delà des acquisitions, il y a plein de formes de coopérations possibles. Nous aurons bientôt une trentaine de Fnac sur nos sites et chacun des partenaires est très content. Notre choix, c’est de ne pas aller vers l’hypermarché ou le gigantisme, mais de réunir plusieurs spécialistes sur un même site. Ce choix est toujours pertinent.

LSA - Pourtant, vous avez vendu vêtimarché. Pourriez-vous vous désengager sur d’autres activités ou le parc va-t-il rester en l’état ?

D.D. - Les quatre activités sont stabilisées et nous allons toutes les développer. Il n’y aura aucun retour en arrière. Quant à Vêtimarché, nous avions vu venir l’évolution du marché avec la concurrence de groupes étrangers et d’internet. Nous avons donné la possibilité à nos adhérents de rejoindre un groupe qui avait la taille critique (Kiabi, NDLR). En revanche, nous ne nous interdisons pas d’essayer des choses. Nous regardons plein d’autres marchés.

LSA - Dans la logistique, où l’on a assisté à quelques conflits sociaux ces dernières années, où en êtes-vous ?

D.D. - L’âge moyen de nos entrepôts varie entre 30 et 40 ans. Évidemment, on les fait évoluer, au gré des flux et des volumes. Quand nous avons construit les premiers entrepôts, nous avions 2 400 références ! Nous avons dû nous adapter à l’évolution du parc de magasins. Bref, beaucoup de choses ont changé. C’était indispensable aussi d’améliorer les conditions de travail et de renforcer la sécurité. Lorsque nous devons fermer un entrepôt, nous prévenons nos salariés trois ans avant, et nous les accompagnons avec des plans de formation. Il est évident qu’il y a une automatisation des tâches et que nos métiers évoluent eux aussi. Nous avons 146 000 collaborateurs au total, 25 000 emplois en amont, dans les services du Groupement, et 300 métiers avec un management de proximité. Il existe des opportunités pour les jeunes cadres de devenir patrons, chefs d’entreprise, et nos salariés ont la possibilité de changer de métier et de qualification. Au sein de la branche agro, nous avons une université qui permet à des collaborateurs de devenir ingénieurs qualité ou produits. Nos salariés sont très engagés, c’est important pour nous.

LSA - En amont, dans l’industrie, un secteur que vous connaissez bien, des investissements sont-ils prévus ?

D.D. - Il y a des investissements réguliers, tous les ans, pour maintenir à niveau nos 62 usines, de l’ordre de 100 millions d’euros par an. La flotte de pêche continue sa mutation. C’est l’un de nos chevaux de bataille : rester à la pointe en termes d’usine agroalimentaire.

LSA - La grande distribution fait partie des secteurs créateurs d’emplois en france. Pouvez-vous nous dire si les effectifs sont stables d’une année sur l’autre ?

D.D. - Ils sont en légère croissance pour accompagner le chiffre d’affaires.

Les données clés des mousquetaires

  • 40,2 Milliards d’euros : Le CA 2016 (avec carburant ) au total (France + Europe)
  • 146 000 : Le nombre de collaborateurs
  • 3 592 : Magasins au total dont 2 839 en France
  • 6 : enseignes (Intermarché, Netto, Bricomarché, Brico Cash, Poivre rouge, Roady)
  • 3,9 Mrds € : Le CA à l’étranger
  • 753 : Magasins à l’étranger (Portugal, Pologne, Belgique)
  • 5,7 millions m² : A + 1,20 %
  • 62 : unités de production

Source : SLM

 

LSA - tous les groupes de distribution se sont lancés dans des plans d’économies. Vous aussi ? On a parlé de licenciements au siège, à bondoufle…

D.D. - Il n’est pas question de plan de réduction des effectifs. Au contraire, c’est le moment de foncer et d’investir. En revanche, nous travaillons à la mutualisation des coûts sur l’ensemble des achats non marchands. Nous étions organisés en centrale de référencement, sans négocier les prix. Résultat, nous n’étions pas assez sélectifs sur le choix des matériels, des prestataires de services, des contrats d’entretien… Deux exemples parlants : nous avions 5 000 formats d’étiquettes pour nos produits agroalimentaires. Le fait de standardiser le nombre d’étiquettes, de descendre à 2 000, nous fait faire des économies considérables. Idem pour les cartons d’expédition. Il y a des enjeux très importants. Nous pouvons économiser jusqu’à 250 millions d’euros sur ces achats non marchands. Et le fait de travailler dans le comité exécutif avec l’ensemble des métiers nous fait gagner un temps considérable. Il n’y a plus de querelles de chapelles…

LSA- Votre groupe est également présent à l’étranger, notamment en pologne et au portugal. Est-ce une priorité pour vous ?

D.D. - On dit toujours que nous ne sommes pas un groupe international. C’est une erreur. Nous n’avons pas besoin de faire une course aux implantations à l’étranger pour plaire aux investisseurs ou aux actionnaires. Notre priorité, c’est d’avoir des adhérents heureux là où ils sont. C’est la philosophie d’un groupe indépendant. Aujourd’hui, nous sommes présents dans trois pays : la Pologne, le Portugal et la partie wallonne de la Belgique. Ce qui fait 750 magasins. Nous sommes dans les trois premiers de la distribution alimentaire au Portugal avec 240 magasins. Au total, nous réalisons 10% de notre chiffre d’affaires hors des frontières. Et il y aura des développements dans ces trois pays.

LSA - Qui dit international dit alliances. À quoi servent vos centrales d’achat européennes ?

D.D. - Nous en avons deux, Arena et AgeCore, avec six enseignes européennes qui marchent très bien. Pour parler aux mastodontes en face de nous, nous avons besoin de cette dimension européenne. Nous avons des résultats conformes à nos attentes, grâce à des équipes restreintes et courtes. Nous regardons aussi avec grande attention l’initiative prise par E. Leclerc et Rewe d’acheter en direct en Belgique.

LSA - Quel bilan tirez-vous de votre alliance surprenante nouée avec casino en 2014 ?

D.D. - Nous sommes tellement différents que nous nous respectons beaucoup et que nous avons su travailler sur l’essentiel : acheter mieux auprès des grands fournisseurs internationaux. Et cela fonctionne très bien. Là aussi, cela a donné des résultats en ligne avec nos attentes. Dans le bricolage, nous sommes, avec Arena, dans une alliance européenne qui a fait ses preuves. Elle aurait besoin d’une petite impulsion pour être encore plus performante.

LSA - L’intérêt de l’alliance avec casino réside aussi dans la fabrication de ses marques propres…

D.D. - Casino était déjà un client historique, comme d’autres. L’alliance a favorisé le courant d’affaires qui existait entre nous. Nos usines réalisent un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros d’exportations et de reventes à d’autres, distributeurs ou restaurateurs, soit un quart de notre activité. Au total, c’est quand même assez important. Nous faisons autour de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec nos usines. Et, fait nouveau, nous vendons aussi à des partenaires, notamment à l’étranger, en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti, à l’île Maurice demain. C’est une forme de développement à l’international très intéressante.

LSA - Certains distributeurs préfèrent être propriétaires de leurs murs, d’autres non. En matière d’immobilier, quelle est la bonne stratégie ?

D.D. - Il n’y a pas d’indépendance possible dans nos métiers si on n’est pas propriétaire de son immobilier. Cela peut prendre deux formes possibles. L’adhérent est propriétaire de son magasin ou bien ils sont plusieurs et se regroupent sous des foncières. À titre personnel et patrimonial, je préfère avoir 1% de 100 magasins plutôt que 100% d’un magasin. C’est plus rassurant pour nos adhérents. C’est indispensable d’être propriétaire pour pouvoir investir, agrandir, transférer… Nous avons un peu plus de 4 milliards d’euros d’actifs immobiliers.

LSA - Le fait d’être producteur-commerçant, c’est l’un des grands chantiers de 2017. Au-delà de l’alimentaire, pourriez-vous étendre cette logique à d’autres secteurs ?

D.D. - C’est l’originalité de notre Groupement, le truc génial, l’arme de différenciation massive que nous possédons et que personne n’a. Évidemment, c’est essentiellement alimentaire, en France, mais cela peut se développer sur d’autres métiers. C’est déjà le cas avec Les Celluloses de Brocéliande pour les couches Pommette, mais aussi avec Les Serres d’Anjou et Les Ateliers de Saint-Valentin pour la production florale, Les Manufactures du Château pour la production d’articles de quincaillerie ou encore l’usine Estener au Havre, première unité de biocarburant en France. Notre concept Poivre rouge s’appuyait sur les niveaux de savoir-faire qui sont les nôtres en matière de surgelés, de charcuterie, de produits traiteur… Et ils vont y travailler encore plus.

LSA - Que pensez-vous des attaques de certains qui vous ont accusé de ne pas être producteur ?

D.D. - Oui… j’en ai entendu parler. Nous avons 62 usines, 11 000 personnes qui y travaillent. Certaines unités, comme Filet bleu, fêtent leur centenaire avec des marques connues qui sont celles de leurs créateurs (Monique Ranou, par exemple). Imaginer qu’on puisse ne pas être producteur est un non-sens. Nous ne prétendons pas être éleveurs. Mais le fait d’être producteur est un atout considérable. On va pouvoir faire dans nos usines ce que certains déclarent qu’ils font faire chez leurs fournisseurs. Nous savons produire français avec des ingrédients traçables, d’origine française. Nous sommes ­capables de prendre des engagements sur les pesticides, sur le bien-être animal, sur les conditions d’élevage. Tout ce déclaratif que j’entends partout. Certains parlent. Nous, on fait, dès maintenant.

LSA - On dit souvent que les distributeurs français ont du retard sur internet. Et vous, où en êtes-vous ?

D.D. - Ce n’est pas faux. Nous regardons cela, bien sûr, avec un certain intérêt et beaucoup de recul. On nous promet la mort du carrelage, je n’y crois pas une seconde. Le digital va permettre aux meilleurs de se développer. Cela a permis l’émergence de nouveaux entrants dans un monde relativement figé, il faut l’avouer. Il élève le niveau d’exigence des clients vis-à-vis des magasins et des collaborateurs. C’est aussi une belle opportunité de développement sur de nouveaux marchés.

LSA - La création d’une marketplace se précise…

D.D. - C’est pour février. Cela nous aidera à pénétrer le marché urbain. Notre solidité financière nous permet de mener à bien ce genre de projet, qui représente plusieurs millions d’investissement. Mais cela va aussi générer un certain chiffre d’affaires. Le fait d’avoir une marketplace et un maillage extraordinaire va nous donner un avantage concurrentiel évident. Regardez les études chez Tesco : parmi les gens qui viennent chercher un colis, 15 % n’avaient jamais mis les pieds dans le magasin et 50 % en profitent pour faire des achats supplémentaires. Cette marketplace va générer du trafic supplémentaire, du chiffre d’affaires et de la marge, qui sera redistribuée aux adhérents. C’est aussi une illustration des changements de gouvernance. On a l’habitude de dire que chez les indépendants, les processus sont plus longs… Eh bien, là, la marketplace a été décidée au mois de juin et nous avons sorti la version bêta, testée auprès des collaborateurs, en décembre.

LSA - Comment allez-vous redistribuer le chiffre d’affaires aux adhérents ? Il y a certainement eu des discussions…

D.D. - Pour le moment, il n’y a pas eu ce débat. La marketplace est travaillée en complément de gamme et une partie de la marge, hors les frais de fonctionnement, sera redistribuée aux adhérents. Cela améliorera le résultat de nos entreprises.

LSA - Intermarché peut se targuer d’avoir le plus grand parc de drives en france. Mais se pose toujours la question de la rentabilité pour ces formats…

D.D. - Nous avons en effet le plus gros parc de drives en France et nous avons aussi la progression du chiffre d’affaires la plus soutenue…devant Carrefour. Concernant la rentabilité, ce n’est pas un débat. Vous dire que préparer les produits et payer des gens pour le faire ne génère pas de frais supplémentaires, évidemment, ce n’est pas vrai. Le drive est une forme de distribution incontournable. Et le drive accolé trouve tout à fait sa rentabilité.

LSA - Pensez-vous que des géants comme amazon redistribuent les cartes ?

D.D. - On parle d’« amazonation » du commerce, d’ubérisation des transports… Sur l’alimentaire, on est plus dans l’effet d’annonce que dans la réalité du chiffre d’affaires. Et savoir si on va livrer en deux heures, une demi-heure ou un quart d’heure dans quelques arrondissements parisiens ne m’intéresse pas beaucoup.

LSA - et comment voyez-vous le revirement stratégique d’un lidl ?

D.D. - C’est un concurrent intéressant, capable de se mobiliser et de se transformer avec une vitesse d’exécution impressionnante. Mais, chez nous aussi, Netto a trouvé sa voie grâce à un nouveau concept. Avec Netto, nous avons le prix du hard discount et le commerce en plus. Et nous sommes plutôt en avance par rapport à Lidl, avec un chiffre d’affaires qui progresse de 4,5 % par an à parc constant.

LSA - Que reste-t-il de l’esprit des fondateurs du Groupement ?

D.D. - Les valeurs de Jean-Pierre Le Roch restent d’actualité. Nous revendiquons l’indépendance dans l’interdépendance comme principe fondateur : avoir sa propre logistique, avoir son agro­alimentaire pour être indépendants vis-à-vis des grands groupes industriels, avoir sa banque, avoir son immobilier pour être indépendant vis-à-vis des foncières… Nous le travaillons encore plus.

LSA - Les groupes de distribution arrivent à maturité. Comment se font les passages de témoins entre générations ? Les jeunes ont-ils toujours la vocation ou préfèrent-ils créer des start-up ?

D.D. - L’âge de nos adhérents n’est pas si canonique. Ils ont entre 40 et 45 ans. La transmission se passe bien. Je suis l’heureux papa de trois enfants et aucun, pour le moment, n’envisage de reprendre mes affaires. Mais les entreprises se transmettent. Certains préfèrent parfois créer leur propre entreprise. On recrute 300 nouveaux chefs d’entreprise par an dans l’ensemble de nos métiers avec des niveaux d’apports différents.

LSA - Comment voyez-vous le commerce de demain ?

D.D. - Une boule de cristal n’y suffirait pas ! On a annoncé la montée inexorable du hard discount, la disparition des rayons traditionnels, celle des caissières… Rien de tout cela, bien heureusement, n’est arrivé. La grande distribution a toujours suivi l’évolution de la société depuis cinquante ans et cela continuera dans les cinquante prochaines années. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir supprimer toutes les contraintes pour le client afin qu’il ne reste que le plaisir d’achat. Cela passe par le drive, le bio, les services, sans jamais oublier le prix… Je suis bien placé pour l’observer, étant le seul patron de la grande distribution à être chaque semaine dans mes magasins avec mes équipes et mes clients. Le phénomène du prix et des promotions va rester majeur. Et quand je vois que les pure players ouvrent des magasins physiques, je me dis que notre modèle de commerce a encore de belles décennies devant lui.

2 Questions à  Alexandre Falck, directeur général de SLM

LSA - Ces derniers mois, les équipes dirigeantes ont beaucoup changé. Pourquoi de tels bouleversements ?

Alexandre Falck - Il n’y a pas eu de bouleversements ! Quelques changements, visibles certes, mais peu signifiants compte tenu du nombre de salariés. Sur près de 150 000 collaborateurs, l’immense majorité est au service de nos clients, sur le terrain. Dans les points de vente, je constate un engagement et une fidélité à nos enseignes hors du commun, que j’attribue au management de proximité des adhérents. Nous avons également réussi à attirer, développer et retenir un haut niveau de savoir-faire sur certains métiers clés, notamment aux produits frais traditionnels. Nous sommes, par ailleurs, un employeur de référence dans nos usines et nos plates-formes, où le développement des compétences est prioritaire. Quant aux dirigeants « permanents », nous cherchons à recruter les compétences qui correspondent le mieux à nos défis. C’est le cas pour Sébastien Essioux, qui vient de nous rejoindre au poste de directeur financier, pour Marc Boulange à celui de directeur du digital ou pour Cathy Collart-Geiger sur les hypers.

LSA - En quoi êtes-vous à part ?

A. F. - Chez nous, le savoir-être est primordial. Quelles que soient leurs responsabilités, les collaborateurs doivent s’adapter à notre mode de fonctionnement spécifique. Le principe du tiers-temps est exigeant et vertueux. Notre particularité réside aussi dans le rythme de nos conseils d’administration. Nous nous retrouvons toutes les semaines. C’est un des gages d’indépendance imaginé par notre fondateur, garantissant notamment que les décisions sont prises au service des points de vente et donc de nos clients. 

 

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