"Êtes-vous obsédé par la satisfaction client?" Interview exclusive du patron d'Amazon France

La parole d'Amazon est rare. Celle de Romain Voog encore plus. Cet ex-Carrefour dirige pourtant l'une des entreprises les plus scrutées et commentées de l'Hexagone. Ogre pour les enseignes physiques et accusée de dumping par un ministre, l'enseigne est également la préférée des Français, selon le baromètre OC&C 2012. Le patron d'Amazon France n'élude aucun sujet dans une interview exclusive accordée à LSA, et durant laquelle il manie la rhétorique typique des entrepreneurs anglo-saxons : peu de chiffres distillés, une vision très claire de son modèle économique, et une question-affirmation qu'il pose à tous les candidats à l'embauche : « Êtes-vous obsédé par la satisfaction client ? » Avec 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires estimé l'année passée, Amazon talonne CDiscount, leader du commerce électronique en France (1,5 Mrd € de CA). Mais ne lui parlez pas de compétiteurs, car ce Centralien préfère « regarder devant que sur les côtés ». Et manifestement encore moins derrière lui, puisque Romain Voog nous reçoit dans le nouveau siège français de l'entreprise, à Clichy (92), anciens entrepôts du Printemps.

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LSA - Votre chiffre d'affaires a augmenté de 22% en 2012. Êtes-vous sur une tendance analogue cette année ?

Romain Voog - La seule chose que je peux dire est qu'Amazon continue de grandir en France. Et indépendamment du chiffre

Les points clés

Every day low price.

Des prix bas tous les jours. La devise de Walmart est devenue la stratégie du géant américain. 

107 millions de références

En mixant vente directe et place de marché, Amazon France dope son assortiment au-delà de 30% par an.

Multiplier les revenus

En proposant des services comme le cloud ou « expédié par Amazon » à ses vendeurs tiers, Amazon multiplie les sources de revenus.

Bientôt le frais ?

Réponse de Normand sur l'arrivée du frais chez Amazon France. Mais un indice : « Il n'y a pas beaucoup de différence entre les clients américains et français. »

d'affaires, qui est un élément que nous regardons peu, nous observons l'évolution de notre offre, qui s'élève à 107 millions de références, un chiffre qui augmente largement plus que 30% par an... Nous continuons également à nous focaliser sur le prix pour garantir les plus bas à nos clients tous les jours et à innover dans les services. Tout ça produit une croissance du chiffre d'affaires. Et si je devais regarder un indicateur, ce serait celui du nombre de clients et de la récurrence de leurs achats.

LSA -Vente-Privée mis à part, aucun acteur de l'e-commerce ne semble être rentable à grande échelle. Existe-t-il un modèle au-delà du gain de part de marché ?

R. V. - Amazon n'a pas été profitable l'année dernière au niveau mondial. Cela revêt plusieurs éléments et surtout le fait que l'on investit énormément dans l'appareil logistique pour améliorer le service client. Est-ce qu'il y a un business model de rentabilité dans le commerce électronique ? Je pense que oui. Atteindre la rentabilité dans le commerce électronique est certainement plus compliqué que dans d'autres business traditionnels. Principalement parce que cela passe par d'énormes investissements.

Le CV de Romain Voog

  • 1996 Ecole Centrale de Paris.
  • 1997 Consultant pour Bain et Company et Boston Consulting Group.
  • 2003 Rejoint le groupe Carrefour comme secrétaire général exécutif France avant de diriger un hypermarché et le site carrefourOnline.fr.
  • 2008 Entre chez Amazon comme directeur de la catégorie Livre, puis Electronique grand public et enfin Cuisine et Maison, Sports et Outillage.
  • 2012 Succède à Xavier Garambois à la présidence d'Amazon France

 

LSA - Quel est votre principal concurrent en France ?

R. V. - Ce n'est pas la manière dont nous réfléchissons chez Amazon. Nous sommes dans une société où la culture est l'innovation. Ma principale occupation n'est donc pas de savoir ce que font les autres, mais comment innover et mieux servir mon client. Et dans une société d'innovation, il faut regarder devant plutôt que sur les côtés. Ce n'est pas un manque d'humilité, mais nous avons une vision assez claire de ce que nous voulons faire pour nos clients, une très forte exigence et une capacité à innover.

LSA - Entre les commentaires acerbes de certains membres du gouvernement et la tension autour de sa fiscalité, Amazon France ne fait pas l'unanimité. Comment recevez-vous ces critiques ?

R. V. - La chose la plus importante est la confiance de nos clients. Leurs retours, leur satisfaction. Ensuite, chacun a sa liberté de point de vue. Je tiens à rappeler que la contribution d'Amazon en France sur le domaine économique est importante. Nous sommes un groupe industriel, et nous employons 4 200 personnes lors du pic d'activité de Noël dans nos trois entrepôts en France. 2 500 emplois sont également annoncés pour 2015 dans notre futur quatrième entrepôt de Lille. Cela passe aussi par des relations avec des prestataires logistiques, et avec des milliers de PME à qui nous donnons la possibilité de toucher leurs consommateurs via le canal internet. Pour ces entreprises, les investissements seraient trop importants si elles voulaient le faire seul.

LSA - La ministre de la culture et de la communication parle tout de même de « dumping » à l'égard d'Amazon et du prix du livre...

R. V. - Notre contribution à la culture est très importante. Je suis convaincu que le média internet est une formidable évolution et une opportunité pour la culture. Il existe 700 000 livres français. Qui peut porter cette offre, à part quelqu'un qui se servirait d'internet et des services logistiques présents dans les différents pays ? De ce point de vue, internet est un formidable atout en France. Nous sommes très fiers de donner accès aux Français à cette culture, notamment à ceux qui sont situés à des dizaines de kilomètres d'une bibliothèque ou d'un centre commercial.

LSA - Ce n'est pas le point de vue de certains libraires indépendants, qui se fédèrent en communauté...

R. V. - Mille libraires ont fait le choix d'utiliser notre place de marché pour distribuer leurs contenus. Nous sommes très fiers de permettre à ces libraires indépendants, qui amènent une expertise et se situent dans des zones de chalandises plus réduites, de pouvoir, avec notre place de marché, accéder à tous les clients.

Je suis un consommateur multicanal. Je fais mes courses aussi bien près de chez moi dans une enseigne qui se termine par 'market' que sur internet.

 

LSA - Quelle est l'organisation de votre centrale d'achats ?

R. V. - C'est une organisation hybride. Nous avons un siège européen, car Amazon opère partout en Europe. Une partie des négociations commerciales s'y déroulent, cela fait du sens pour nos fournisseurs. Ce partage permet d'utiliser aussi l'inventaire de nos pays voisins pour servir un client qui cherche un produit que nous n'avons pas. Ensuite, nous avons une équipe d'acheteurs en France pour les fournisseurs locaux.

LSA - Votre stratégie prix est-elle globale, ou spécifique, comme lorsque vous attaquez un nouveau marché ainsi que ce fut le cas pour le jouet ?

R. V. - Nous souhaitons que nos clients achètent en toute confiance et qu'ils ne soient pas déçus par le prix qu'ils ont payé et le service qui leur est proposé. De cela découle une stratégie très simple, que l'on nomme en anglais « Everyday low price » [Le meilleur prix tous les jours, NDLR]. On veut que sur tous les produits, à tous les instants, nous soyons bien positionnés dans le segment de marché que nous opérons. Et nous n'attaquons pas un marché, nous créons une expérience client pertinente.

LSA - Sur la question du management, nous savons peu de choses. Quel est le profil type d'un employé Amazon ?

R. V. - La première question que je me pose lorsque quelqu'un est en entretien est : êtes-vous obsédé par la satisfaction client ? C'est l'un des principaux critères d'évaluation chez Amazon. Et le terme d'obsession n'est pas un terme faible, il est volontairement choisi comme ça. En permanence, dans toutes les décisions et à tous les niveaux, cette obsession est présente. C'est vrai au siège, dans les entrepôts et dans les centres d'appels. C'est plus important à nos yeux que le nombre d'années d'expérience dans la logistique ou dans les achats...

LSA - Quel est le circuit type pour intégrer les idées les plus innovantes ?

R. V. - Pour Noël, par exemple, nous offrons la possibilité de retourner le produit durant trois mois. Cette une idée qui vient des équipes ; quelqu'un s'est dit : « Si j'achète en novembre, je n'ai pas le temps d'offrir le cadeau que je ne peux déjà plus le retourner. » C'est ça, l'obsession client. Une idée simple que l'on a de suite implémentée.

LSA - Pourtant, un livre rédigé par un journaliste ayant infiltré un de vos entrepôts il y a deux ans dépeint une réalité très rude...

R. V. - Je n'ai pas de commentaires sur son contenu. En revanche, il est disponible sur notre site, car amazon.fr propose à ses clients l'ensemble des ouvrages disponibles qui respectent la loi.

LSA - Comment pilotez-vous la place de marché avec la forte croissance des vendeurs tiers ?

R. V. - L'objectif est toujours d'augmenter la sélection de produits et de garantir le prix le plus bas, avec un grand niveau de service. La place de marché y répond, et c'est un outil formidable pour les clients. Pour un produit recherché, vous avez accès à l'offre d'Amazon mais aussi des marchands tiers, et mon objectif n'est pas que le client achète Amazon mais qu'il ait bien la meilleure offre. Ces nombreux vendeurs nous permettent d'accéder à cette compétition très saine. Mais notre niveau d'exigence sur le traitement du contact client est assez élevé. Si vous n'êtes pas capable de le suivre, on préfère que vous ne vendiez pas sur Amazon.

LSA - Qui décide du prix lorsque vous êtes en compétition directe avec l'un de vos fournisseurs ?

R. V. - Chacun définit son niveau de prix. Je le fais en tant que distributeur, les marchands tiers le font également de leur côté. Et la compétition est le seul moyen de garantir le meilleur prix.

LSA - Vous venez de revoir les commissions pour certains produits, de 10,44 à 15% pour les produits culturels, de 7 à 12% pour l'informatique. D'autres secteurs vont-ils suivre ?

R. V. - Le changement de commission dont vous parlez est le premier depuis le lancement de la market place il y a une dizaine d'années. Nous n'avons pas de vocation à en faire d'autres. Ces changements ont eu lieu, car le niveau de commission était historiquement très bas, bien plus que dans les autres pays européens, et que cela nous semblait plus pertinent. Certaines catégories, comme l'électronique, ont tellement évolué que la commission n'était plus adaptée. 7% sur les télévisions étaient trop importants par exemple. Cela réduisait la capacité des fournisseurs à faire des offres, donc nous avons baissé. Pour d'autres, le nombre de références est devenu très important et leur organisation demande énormément de travail manuel, comme c'est le cas pour les coques iPhone. Dans ce cas, des investissements que nous effectuons sont nécessaires pour améliorer la classification, le merchandising des produits.

LSA - Vous proposez également plusieurs niveaux de services aux vendeurs de cette place de marché. Jusqu'où allez-vous ?

R. V. - Nous avons mis en place une interface pour que les marchands tiers puissent piloter leur page Amazon. Ils peuvent gérer leurs stocks et l'ensemble de leurs données de vente. Le premier frein que rencontrent les vendeurs qui arrivent à un certain volume d'affaire est celui de la logistique. Nous avons donc lancé il y a quatre ans « expédié par Amazon ». C'est la possibilité pour un marchand tiers d'outsourcer sa logistique. Il nous envoie ses produits, nous les stockons, préparons les commandes et expédions pour lui. Nous gérons également le service après-vente s'il en a besoin.

L'objectif est toujours d'augmenter la sélection de produits et de garantir le prix le plus bas, avec un grand niveau de service. La place de marché y répond.

 

LSA - Comment vous rémunérez-vous ?

R. V. - Pour le stockage, c'est un prix au mètre cube, puis à l'unité pour la préparation et l'expédition. Nous faisons baisser le coût total du transport grâce à notre logistique et aux tarifs postaux dont nous bénéficions, et nous renvoyons ainsi une partie de ces économies à nos marchands tiers.

LSA - Avec 2,5 millions de visiteurs uniques sur votre application mobile, vous êtes en tête du m-commerce. Quels sont vos projets d'investissements ?

R. V. - Pour les différents sites de trafic, nous travaillons sur le référencement, les liens directs, et le m-commerce est un sujet très important. Nous allons continuer à innover pour trouver des services supplémentaires plus propices au mobile, comme le « scan and match », où vous scannez un produit et le trouvez directement dans la liste de votre application Amazon et l'achetez en un click.

LSA - C'est l'étape ultime du showrooming... Qui est terrible pour les enseignes physiques...

R. V. - Et extraordinaire pour les clients ! Nous sommes focalisés sur les clients, et nous allons continuer à l'être.

LSA - Comparé à CDiscount, votre engagement sur les réseaux sociaux est faible. Allez-vous davantage investir ce terrain ?

R. V. - Nous avons vocation à être là où nos clients ont besoin d'être en contact avec nous. Dans la façon d'être présent, il faut apprendre et adapter sa méthode. On ne lui parle pas de la même façon sur un site e-commerce, sur un mobile ou sur un réseau social. Il faut tester pour être toujours dans la pertinence et jamais dans l'ingérence. Mais nous sommes présents et allons continuer à investir.

LSA - Le patron de Walmart disait en début d'année que l'avenir appartenait au multicanal. Pensez-vous qu'Amazon pourra toujours se passer d'un magasin physique ?

R. V. - Il faut avoir l'humilité de ne pas donner de réponse définitive. Ce qui est certain est que si nous apportons un service nouveau via une offre multicanal, nous ne nous interdirons pas de le faire. Il n'y a pas de dogme, mais une logique de différenciation et d'innovation. Mais il y a encore beaucoup à faire en ligne...

LSA -Amazon Fresh s'étend aux États-Unis. Le concept est-il importable en France ?

R. V. - Il n'y a pas beaucoup de différence entre les clients américains et français. Tout le monde a besoin de manger et souhaite une large palette de produits frais livrables le jour même et à un prix compétitif. C'est le genre de modèle qui demande de l'exécution opérationnelle et des investissements. Et comme d'habitude chez Amazon, nous allons tester, apprendre, essayer de mieux faire et nous verrons ensuite.

LSA - Les casiers qui permettent un retrait de ses courses se développent rapidement aux États-Unis.

Amazon France en chiffres

1,3 MRD

Le CA d'Amazon en 2012, selon les estimations LSA-PwC. Il est de 69 Mrds $ au niveau monde.

4 200

Le nombre de salariés en pic d'activité (dernier trim. 2012)

107 MILLIONS

Le nombre de références disponibles sur Amazon.fr.

4

Le nombre de centres logistiques d'ici à 2015 après l'ouverture de Lauwin-Planque

 

Allons-nous voir des « lockers » dans l'Hexagone ?

R. V. - La situation des points de retrait est un peu particulière en France, car il existe déjà un réseau. L'offre d'Amazon est de 15 000 points de retrait, dont 5 000 permettent un retrait le jour même.

LSA - Quels sont les résultats du Kindle Fire en France ?

R. V. - Nous sommes très contents du succès du Kindle Fire, lancé il y a un an. Nous avons révolutionné le segment de marché par le prix, qui le rendait très attractif. Je reste convaincu que lorsque vous proposez un produit et un écosystème qui vous permettent, via le cloud et des applications, de vivre avec votre contenu partout et avec tous les outils, vous vous imposerez sur le marché.

LSA - Votre PDG, Jeff Bezos, est un entrepreneur emblématique et secret. Quelle est sa méthode de management ?

R. V. - Le type de management de Jeff Bezos peut se résumer à cette anecdote. Il m'a envoyé un e-mail après la succession de trois problèmes identiques sur un même produit. Il m'a demandé pourquoi nous avions attendu que le même problème se présente trois fois, et comment nous allions faire pour que cela ne se reproduise plus. En dehors de son extraordinaire capacité à innover, c'est ce souci du détail qui le caractérise.

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