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Pour la huitième année consécutive, LSA a recueilli les projections d’experts du retail et de la grande consommation sur les enjeux de 2023. Ils décrivent un commerce, une industrie et une consommation en pleines transformations. Aujourd'hui, Clément Genelot, analyste financier spécialisé sur la distribution et l’e-commerce chez Bryan, Garnier & Co.
A l’aube de 2023, tous les yeux sont rivés sur le choc inflationniste, la crise énergétique et les risques de récession.
Pourtant, une autre lame de fond est amenée à refaçonner l’environnement concurrentiel de la distribution à compter de cette année : la hausse du « coût du capital ».
L’ère de l’argent gratuit touche à sa fin
L’année 2022 a été caractérisée par une hausse sans précédent des taux, enclenchée par les banques centrales à travers le monde afin de combattre l’inflation. Le taux directeur de la Banque Centrale Européenne atteint désormais 2,5% contre 0% en juillet dernier tandis que celui de la Réserve Fédérale Américaine culmine déjà à 4,5% contre 0,5% en mars dernier.
Ce mouvement a entrainé un durcissement des conditions de financement avec des taux d’intérêts bancaires et obligataires bien plus élevés. A titre d’illustration, rien qu’en France, le taux moyen des crédits bancaires accordés aux sociétés a doublé de 1% à 2% et le taux d’intérêt moyen des émissions obligataires sur les marchés a explosé de 0,7% à 4,5%.
L’autre effet indirect a été la chute des marchés boursiers avec notamment le retrait de l’indice CAC 40 de 10% sur l’ensemble de l’année 2022 et des multiples de valorisation qui se sont comprimés dans de nombreux secteurs dont celui de la tech. E-commerçants en tout genre se payent désormais moins de 1x les ventes, un niveau qui semble se stabiliser, contre plus de 1,5x voire 2x auparavant.
Avec des valorisations boursières et privées au rabais et des conditions de financement durcies, l’ère de l’argent gratuit touche à sa fin.
Vers un cycle d’innovation ralenti et moins de nouveaux entrants
Dans un secteur de la distribution ne générant que peu de croissance, peu de marges et faisant déjà face à un besoin élevé d’investissements pour accompagner une digitalisation à marche forcée, l’innovation est souvent tirée par des nouveaux entrants.
Ces disrupteurs, qu’ils soient des start-ups ou des géants de la tech en quête de diversification, étaient jusqu’alors financés par un argent gratuit, désormais onéreux, injecté par des investisseurs complaisants, désormais frileux. S’en suit donc déjà la disparition de nombreuses start-ups dans les segments disruptifs de :
• Quick commerce (presque tous morts hormis Getir, Flink et GoPuff).
• Meal kit (l’américain Blue Apron est au bord du gouffre, le canadien Goodfood se recentre sur son business historique, plusieurs faillites en Scandinavie, l’allemand HelloFresh sort du Japon).
• Livraison de restaurants (Deliveroo et Just Eat accélèrent leur recentrage géographique et quittent de nombreux pays).
• Livraison de meubles (Made.com a fait faillite).
• Seconde-main (Back Market licencie et signale une réduction de voilure).
• Robotisation (Amazon a mis fin à plusieurs projets dont celui de robots livreurs).
Avec moins d’argent à disposition de ces disrupteurs pour innover, accroître le taux d’adoption de nouveaux usages et servir d’électrochoc aux dinosaures du secteur, nous nous dirigeons certainement vers un cycle d’innovation ralenti dans la distribution. Au final, moins de disruption externe à gérer ne peut être que bénéfique aux distributeurs déjà établis.
L’heure est à l’écrémage et au Darwinisme au sein des distributeurs historiques
Ce n’est pas pour autant que tous les distributeurs historiques en sortiront indemnes. Bien que déjà implantés, eux aussi doivent désormais s’adapter à un environnement de financement plus compliqué.
Trois catégories pourraient alors clairement se distinguer :
• Les distributeurs déjà fragilisés et endettés avant la crise inflationniste, qui ne tenaient notamment que grâce aux taux bas de « l’ère de l’argent gratuit ». Ceux-ci sont voués à faire faillite ou se faire racheter. Le department store allemand Galeria Karstadt Kaufhof ou encore Camaïeu et Go Sport en France ne sont sûrement que la face émergée de l’iceberg.
• Les groupements d’indépendants comme Leclerc et Système U, peu endettés mais ne bénéficiant pas de bilan financier commun pour pouvoir saisir de réelles opportunités d’acquisition. Leur avenir est plus incertain et dépendra de la capacité de leurs adhérents vieillissants à transmettre leur magasin à un prix raisonnable pour que le repreneur puisse s’assurer du soutien des banques dans un environnement de financement durablement plus dur.
• Les distributeurs bien gérés et disposant d’un bilan sain, à l’image d’Inditex ou Carrefour, qui n’auront aucun problème à refinancer leur dette avec des taux d’intérêts raisonnables et qui se tiendront prêts à consolider le marché en rachetant les plus fragiles.
L’heure de l’écrémage a sonné.
A propos de l'auteur et de l'entreprise :
Clément Genelot est analyste financier spécialisé sur la distribution et l’e-commerce chez Bryan, Garnier & Co depuis 2017.
Bryan, Garnier & Co est une banque d’investissement européenne offrant des services de conseil aux entreprises (introduction en Bourse, levées de fonds, fusions-acquisitions…) ainsi que des analyses financières sur des sociétés cotées en Bourse. L’activité repose sur des secteurs de croissance clés incluant la consommation, la santé, la technologie et les nouvelles industries.
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