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[Experts 2023] Frédéric Boublil : élever son niveau de jeu !
Pour la huitième année consécutive, LSA a recueilli les projections d’experts du retail et de la grande consommation sur les enjeux de 2023. Ils décrivent un commerce, une industrie et une consommation en pleines transformations. Aujourd'hui, Frédéric Boublil, fondateur du cabinet Boublil Conseil .
Jamais les facteurs exogènes n’ont joué un rôle aussi prépondérant dans la performance des entreprises : qu’il s’agisse des augmentations de coûts (matière, énergie), des difficultés d’approvisionnement, ou des bouleversements du comportement d’achat, ces éléments ont chamboulé les modèles de profitabilité de nombreux acteurs.
Pour y faire face et pour restaurer une compétitivité durable, 4 batailles ardues doivent être menées de front.
#1 : La bataille de la relation client et de la conversation
Cette bataille se durcit, car les attentes clients sont plus fortes, et aussi parce que les règles du jeu évoluent. Par exemple, la fin probable du catalogue papier force les retailers à repenser les interactions clients. Cette rupture majeure peut être considérée comme une contrainte. Les meilleurs, eux, la transformeront en opportunité pour améliorer leur écosystème conversationnel, avec notamment davantage de personnalisation et de digital.
La bataille de la relation client prend aussi une tournure nouvelle car les attentes clients augmentent sur les terrains de la responsabilité.
Responsabilité environnementale d’abord. Au-delà des postures et des initiatives servicielles, l’enjeu se situe avant tout sur le produit : à titre d’exemple, Actimel de Danone est vendu (au litre) plus cher en version « eco friendly » (un flacon de 615g) que dans sa version originelle en 12 pots. Pourtant, celle-ci est plus gourmande en emballages. Le produit le plus éco-logique n’est donc pas le plus éco-nomique … en tous cas, pas pour le client ! Les industriels doivent aligner leur politique tarifaire avec leur engagement environnemental car les consommateurs ne financeront pas seuls la révolution verte.
Responsabilité économique ensuite, car plus que jamais, la mission de tout retailer est de contribuer à la défense du pouvoir d’achat. Avec moins de prospectus pour vanter les promotions et avec une base de coûts qui augmente, le défi s’annonce complexe. Des solutions méritent d’être explorées : en terme d’offre, d’abord, avec une stratégie produits pensée pour amortir les hausses de prix de revient. En terme de parcours d’achat ensuite, avec, par exemple, des chariots connectés qui indiquent le montant dépensé au fur et à mesure des courses, ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises au moment du paiement.
#2 : La bataille du sourcing
Les crises successives ont rappelé que l’accès au produit, qu’il s’agisse de produit brut ou de produit fini, n’est pas un acquis. La compétitivité économique des acteurs et la préférence client se gagnent donc aussi sur le terrain du sourcing.
C’est pour cela que Prosol (Grand Frais) s’est renforcé en poissonnerie avec le rachat du mareyeur Océalliance. C’est aussi pour cette raison que le groupe LVMH continue d’acquérir des sous-traitants. Le leader mondial du luxe sécurise ainsi quantitativement et qualitativement la force de production nécessaire au développement international de ses marques.
A l’avenir, toutes les enseignes seront amenées à envisager leur stratégie d’achats avec une approche pluri annuelle, et dans une logique plus intégrative, même si cela prend différentes formes suivant les marchés et suivant la taille des acteurs : acquisitions, partenariats stratégiques, co-investissements dans des filières ou dans des outils, sécurisation des fournisseurs de rang 2, …
#3 : La bataille des compétences et des intelligences
Autre ressource qui se raréfie, la ressource humaine. Les métiers en tension sont nombreux, des bouchers aux data scientists, en passant par les joaillers ! Ainsi, des produits frais traditionnels au luxe, la tendance est au développement de filières internes de formation ou d’apprentissage.
Et recruter et former ne suffit pas. Les entreprises doivent aussi faire leur révolution culturelle, et développer les savoir-faire et savoir-être qui feront la différence : ainsi, plutôt que de survaloriser les réalisations passées, il faut aussi porter l’effort sur le développement d’aptitudes permettant d’appréhender des situations nouvelles et de gérer l’incertitude. Dans cet esprit, former les équipes de direction à intégrer l’IA comme composante structurante d’aide à l’analyse et à la décision n’est plus une option. C’est une obligation.
#4 : La bataille de la consolidation
Les rachats de réseaux obsolètes ont vécu. Place à davantage de sélectivité avec des « smart acquisitions ». L’exemple de Célio qui rachète la marque Camaïeu - et pas l’entreprise ! - est emblématique et devrait faire école. Plutôt que de reprendre l’entreprise dans son ensemble pour un euro symbolique (voire avec du badwill), puis d’engager un redressement aléatoire, socialement douloureux et finalement très coûteux, Celio a préféré investir 1,8M€ pour n’acquérir « que » la marque, en réalité, l’actif de l’enseigne qui a, de loin, le plus de valeur.
Pour relancer Camaïeu, Celio peut ainsi s’appuyer sur le modèle opérationnel de son enseigne masculine, plus puissant et plus moderne, tout en l’adaptant à la marge. Un résultat potentiellement plus créateur de valeur pour les actionnaires, mais aussi plus pérenne pour les futurs collaborateurs de Camaïeu, et bien sûr, plus désirable pour les clientes !
Conclusion
Pour renforcer durablement leur compétitivité, les retailers ont donc plusieurs défis à relever. - être suffisamment agiles pour se déployer sur plusieurs fronts et faire évoluer leur façon d’envisager le développement. - être suffisamment forts financièrement pour absorber de futurs chocs générant des surcoûts d’exploitation et pour engager les indispensables investissements structurants. - être suffisamment désirables pour attirer les talents. D’où la nécessité impérieuse d’élever son niveau de jeu !
A propos de l'auteur :
Frédéric Boublil, fondateur du cabinet Boublil Conseil, accompagne marques et enseignes du retail sur l’ensemble de leurs sujets stratégiques. Auparavant, Frédéric a occupé des responsabilités opérationnelles chez Auchan et Lagardère Duty Free, et a été Directeur de la Stratégie du Groupe Vivarte. Frédéric est par ailleurs contributeur du Mercator, ouvrage marketing de référence du groupe HEC. Il est l’auteur de l’ouvrage « Distribution : les nouvelles stratégies gagnantes ».
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