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Pour la huitième année consécutive, LSA a recueilli les projections d’experts du retail et de la grande consommation sur les enjeux de 2023. Ils décrivent un commerce, une industrie et une consommation en pleines transformations. Aujourd'hui, Pierre de la Boulaye est directeur associé de McKinsey.
En cette période de turbulences, lorsque les entreprises européennes de la consommation envisagent leur croissance future, elles situent la majorité de leur potentiel d’expansion en dehors de leur cœur de métier. C’est ce que révèle une étude réalisée par notre cabinet au sein de l’UE, auprès des dirigeants de 150 industriels et distributeurs mid-cap – avec un chiffre d’affaires inférieur à 3 milliards d’euros. A horizon de 5 ans, ces entreprises anticipent ainsi que 40% seulement de leur croissance proviendra de leur métier historique, contre 45% des activités connexes et 15% des nouveaux business models.
Si l’on s’intéresse en premier lieu au cas des distributeurs, en amplifiant leur palette d’offres pour se lancer dans de nouvelles catégories de services, ils pourraient atteindre une accélération de 20 à 30% de leur rythme de croissance, selon nos estimations.
La plupart des grandes enseignes ont déjà commencé à exploiter les opportunités qu’offre la diversification. Historiquement, elles se sont orientées vers les services financiers, où elles ont trouvé des marges cinq fois supérieures à celles de leur cœur d’activité.
Mais aujourd’hui, bien d’autres catégories leur ouvrent des poches de croissance rentable. Ainsi, alors que le marché de la distribution n’a crû qu’au rythme de 2% par an entre 2014 et 2019 en Europe, certains services affichent des progressions bien supérieures (4% pour le tourisme, 7% pour le jeu, 8% pour les activités éducatives et même 10% pour le bien-être animal). D’autres, comme l’aide aux seniors, la santé (hors pharmacie), ou encore l’assistance à domicile, ont réalisé des taux de marge nette entre 2 et 3 fois plus élevés que les 8% enregistrés en moyenne par le secteur de la distribution.
Or s’agissant de ces services aux particuliers, les consommateurs européens se disent relativement insatisfaits de leurs prestataires actuels et ils seraient prêts à 60% à acheter ces services à des distributeurs si ces derniers les proposaient. Les enseignes bénéficient en effet d’un certain crédit en termes d’innovation et d’expérience client, qui les positionne favorablement pour exploiter les dynamiques porteuses de ces services adjacents.
D’autres horizons s'ouvrent également en B2B, tels que les services logistiques, la fourniture d’énergie, la gestion des déchets et le recyclage. Certains acteurs développent ces offres en mettant à profit leur savoir-faire et leurs actifs. Si toutes ne sont pas nouvelles, elles prennent de plus en plus d’ampleur et s’ajoutent aux propositions déjà existantes de commercialisation d’insights consommateurs.
Il en va de même pour les nouveaux business models, en particulier ceux qui permettent de développer des revenus B2B. On pense ici à la monétisation des données, notamment grâce aux offres de publicité ultra-ciblée que les grands distributeurs peuvent développer auprès de partenaires à travers le retail media.
Pour les fabricants de biens de consommation, des opportunités similaires se dessinent au-delà des extensions de gamme : par exemple, le développement de places de marché virtuelles mutualisant les capacités de distribution entre plusieurs industriels aux offres complémentaires, en vue de servir de manière centralisée des marchés fragmentés (par exemple, hôtels, restaurants, cafés). Le lancement ou l’enrichissement des modèles direct to consumer recèlent également un réel potentiel. Même s’ils n’offrent pas de rentabilité immédiate, ces derniers permettent à la fois aux industriels de générer de nouvelles sources de trafic, de constituer une base solide de données clients propriétaires, et de construire les moteurs de croissance de demain en nourrissant l’innovation.
Tirer pleinement parti de telles opportunités suppose de réunir deux conditions.
Tout d’abord, il s’avère déterminant d’investir suffisamment dans la compréhension fine des attentes des consommateurs – exprimées comme latentes. L’identification d’un portefeuille cible de services doit émerger d’une analyse approfondie de la base de clientèle fidélisée et ne saurait s’établir au moyen de simples études de marché. Il s’agit de déterminer à la fois les aspirations des consommateurs quant aux nouvelles offres envisagées, leur propension à les confier à l’entreprise, leurs plafonds de pricing par segments, les facteurs de différenciation qu’ils valorisent… Tous ces enseignements doivent être le point de départ de la réflexion et de la sélection, et ce sont eux également qui garantissent que la proposition de valeur sera cohérente au regard de la marque.
Ensuite, il convient d’évaluer l’opportunité stratégique en modélisant l’impact sur la rentabilité globale à long terme du groupe, et non uniquement en fonction de la marge opérationnelle dégagée par la nouvelle activité. Si cette dernière s’annonce marginale en termes de revenus nets mais qu’elle crée des actifs qui renforcent l'ensemble de l'écosystème de l’entreprise, elle doit incontestablement figurer en bonne place dans le portefeuille de projets. Les arbitrages doivent également être effectués finement à l’aune de toutes les dimensions (volumes, marges, temporalité et périmètre du ROI). Privilégier ainsi le profit en valeur absolue plutôt que relative suppose d’accepter le principe d’une rentabilité différée.
Certes, la volatilité de la conjoncture impose de protéger le cœur d’activité en veillant à la résilience de la chaîne de valeur, l’excellence opérationnelle, la personnalisation, le pricing tactique… Mais au-delà de ces mesures d’urgence, les acteurs ne sauraient négliger l’amplification de leur palette d’offres et l’exploitation plus forte des logiques d’écosystèmes. Là réside une part substantielle de leur futur développement et c’est à présent qu’ils doivent réfléchir à leur positionnement sur ces gisements de croissance, qui constituent aussi un levier pour fortifier leur capital de marque.
A propos de l'auteur :
Pierre de la Boulaye est directeur associé de McKinsey au bureau de Paris. Il dirige le pôle de compétences Distribution et Consommation en France. Il accompagne principalement des acteurs de l’industrie des Biens de grande consommation dans leurs stratégies de croissance, refontes de modèle opérationnel et transformations à grande échelle.
A propos de l'entreprise :
Fondé en 1926 et établi en France depuis plus de 55 ans, McKinsey & Company conseille les grandes entreprises, institutions publiques et organisations à but non lucratif, afin de les aider à améliorer durablement leurs performances, en partenaire de leur développement sur le long terme.
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