[Experts 2023] Xavier Faure : quelles start-up du commerce lèveront des fonds en 2023 ?
Pour la huitième année consécutive, LSA a recueilli les projections d’experts du retail et de la grande consommation sur les enjeux de 2023. Ils décrivent un commerce, une industrie et une consommation en pleines transformations. Aujourd'hui, Xavier Faure, cofondateur de Spring Invest.
En 2022, après une décennie d’euphorie, le marché du capital-risque mondial s’est brutalement retourné. La forte diminution des cours des entreprises technologiques en bourse a amené les investisseurs à reconsidérer les montants et conditions de leurs investissements.
Apple (-28%), Microsoft (-30%), Alphabet (-35%), Salesforce (-48%), Airbnb (-49%), Amazon (-49%), Tesla (-65%), Meta (-65%), Shopify (-76%), 2022 a été très rude pour la plupart des valeurs technologiques cotées. Le capital-risque est en principe décorrélé de la bourse, néanmoins elle demeure un étalon de valeur puisque les deux principales stratégies de sortie pour les fonds sont l’introduction en bourse et la cession à un acteur industriel, lui-même souvent coté.
La chute des valorisations entraîne une baisse mécanique des montants investis et un ralentissement des processus de levée. Ce phénomène s’auto-amplifie : les investisseurs allouent prioritairement leurs ressources pour soutenir leur portefeuille, ce qui réduit d’autant les sommes disponibles pour de nouveaux investissements.
Conséquence pour les startups : une levée de fonds en 2023 ou 2024 est devenue plus aléatoire. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est plus quasi-certain, même si on est en forte croissance. Les startups doivent donc viser à atteindre l’équilibre financier avec les seules ressources qu’elles ont déjà sécurisées, ce qui explique les vagues de licenciements dans la tech. Là encore, ce phénomène est amplifié par le moindre appétit des investisseurs pour les sociétés en forte perte.
Cela étant dit, les fonds eux-mêmes ont levé des montants records en 2021 et 2022 et ils auront besoin de les déployer dans les deux ou trois années qui viennent. Le secteur du commerce n’est pas en reste. La nécessaire transformation des acteurs traditionnels, les modifications des habitudes de consommations ou la complexification des canaux de distribution stimulent l’innovation du secteur. Certains segments sont ainsi particulièrement dynamiques.
Acquisition/conversion de trafic
En 2022 la croissance de l’e-commerce a pour la première fois marqué le pas. D’abord parce que les confinements l’avaient exceptionnellement poussé en 2020 et 2021 et que 2022 a vu un retour à la norme. Ensuite parce que la performance de la publicité en ligne a chuté de 30% à 40% en raison notamment des règles de respect de la vie privée imposées par Apple dans son écosystème. Si on ajoute la disparition annoncée du cookie, le RoI des campagnes d’acquisition est durablement menacé. Toute technologie permettant d’améliorer ce RoI via le profilage, la personnalisation, l’amélioration de l’UX ou tout autre moyen est en forte demande par les e-commerçants.
E-commerce inspirationnel
On a coutume de dire qu’on peut acheter sur internet mais pas faire du shopping. On sait ce qu’on cherche, on le tape dans la boîte de recherche Amazon et on le trouve. Les réseaux sociaux sont une bonne source d’inspiration mais la conversion en acte d’achat est souvent décevante. Shein, devenu en 2022 le leader mondial de la mode avec 30 milliards de dollars de ventes est le premier grand succès de l’e-commerce inspirationnel. Amazon a réagi en décembre dernier en lançant Inspire, un format de courtes vidéos, à la Tiktok. Social media-commerce, réseau transactionnel, video shoppable, le segment est encore neuf et il reste beaucoup de choses à découvrir, créant un beau terrain de jeu pour des startups.
Retail Media
Les revenus de publicité d’Amazon ont atteint 40 milliards de dollars en 2022 contribuant aux 2/3 de la profitabilité du groupe. Avec une marge brute supérieure à 70%, le retail media représente une opportunité pour les retailers d’hybrider leurs modèles, particulièrement dans un contexte où les marges sont sous pression de l’inflation. Ils ont besoin d’outils pour gérer et consolider d’écrasants volumes de données consommateurs, afin de créer des audiences toujours plus fines et ainsi pousser des campagnes pour le compte des marques, de mesurer la performance… le tout dans un contexte réglementaire de plus en plus contraint.
Ecosystème SaaS Amazon
On compte 10 millions de vendeurs sur la marketplace Amazon. Ils ont besoin de logiciels pour gérer les stocks, optimiser le pricing, faire de la veille produit, gérer les campagnes de publicité et (le graal) gagner la bataille de la buybox : être le vendeur proposé par défaut par Amazon quand un client fait une recherche de produit. Il y a ici la place pour plusieurs licornes.
Seconde main
L’engouement des consommateurs pour la seconde main ne faiblit pas. L’une après l’autre, les enseignes inaugurent des offres online et/ou offline, avec ou non reprise des produits. Au-delà des bénéfices d’image RSE, ces initiatives seront d’autant plus pérennes qu’elles auront un sens économique pour l’enseigne. Les startups positionnées sur ce segment, capables d’accompagner de façon efficiente les enseignes sur la chaîne de valeur (collecte, remise en état, revente) sont très prometteuses.
Direct-to-Consumer
La présence de ce segment peut sembler paradoxale tant les DNVB souffrent aujourd’hui. Pour autant, le reflux du segment ne doit pas faire oublier que quelques exceptions surperforment, notamment celles qui maîtrisent l’omnicanal. Les marques capables de conjuguer croissance et rentabilité seront courtisées par les investisseurs.
IA générative
L’été dernier, OpenAI lançait Dall-E, une IA génératrice d’images. Puis en décembre, le lancement de ChatGPT a fait l’effet d’une bombe ; une IA conversationnelle en langage naturel capable de générer des textes à partir d’instructions simples. Depuis, l’engouement créatif autour des IA génératives est spectaculaire. Les premiers prototypes d’applications dédiées au commerce commencent à voir le jour : support client, génération de fiches produit, publicité… Ce segment est à surveiller en 2023.
A propos de l'auteur :
Xavier Faure est cofondateur de Spring Invest, fonds d’investissement spécialisé dans le futur du commerce.