Faisons un rêve...
par Yves Puget, directeur de la rédaction
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par Yves Puget, directeur de la rédaction
Si l'on en croit l'ambiance de la conférence LSA sur les négociations commerciales (plus de 600 personnes présentes), les rencontres annuelles entre industriels et distributeurs pourraient se dérouler sous de meilleurs auspices que prévu... presque des négos « rêvées ». Les acteurs paraissent conscients que la crise est toujours là et qu'il convient de s'en sortir ensemble et non les uns contre les autres. Les distributeurs savent que de nombreuses PME affrontent des difficultés. En centrale, les acheteurs reconnaissent que les prix prédateurs finissent par nuire à tous. Quant à la prise de conscience qu'un travail de fond est nécessaire sur la qualité, la traçabilité ou la santé, elle est réelle. De plus, les prix des matières premières finissent par se calmer. Et la DGCCRF veille au grain. Elle multiplie les contrôles avec des agents sur le terrain. Voilà pourquoi on parle de nouveau de « responsabilité », de « développement de la catégorie », de « bonnes pratiques » et autres formes de « partenariats ».
Faut-il pour autant croire que les négociations seront sereines ? Certainement pas ! Les relations entre industriels et distributeurs n'ont
jamais ressemblé et ne ressembleront jamais à « un long fleuve tranquille ». Alors, si les paroles d'estrades permettent d'émettre des convictions, il faut aussi déceler les non-dit et ne pas tomber dans le piège de l'angélisme. Avec la guerre des prix qui sévit, les distributeurs vont tout mettre en place pour récupérer ce « manque à gagner » dans les box. Les enseignes savent qu'elles ne pourront rien lâcher. Que si des concurrents font moins cher, elles risquent un dépositionnement sévère de leur image prix. Cependant, et heureusement, on a aussi parlé lors de cette conférence de stratégie par la croissance de la part de marché par un meilleur développement catégoriel. Quant à l'idée de Carrefour et d'Intermarché de terminer au plus vite les négos (donc avant le 31 décembre), elle est à double tranchant. Il est évident qu'en réduisant à quelques semaines les discussions, on évite qu'elles accaparent les forces et les préoccupations pendant des mois. Mais c'est aussi le risque que, dans l'urgence et sous la pression du calendrier, les positions se crispent plus violemment. Ici ou là, on entend déjà dire que quelques rapports de force s'annoncent très virulents, avec des produits qui pourraient sortir des rayons. Enfin, il apparaît que les « négos 2014 » sont « spéciales », car elles se font sous le régime de la LME, alors que celles de 2015 se dérouleront avec la loi Hamon. Certaines enseignes promettent de l'anticipation de l'application de la future loi Hamon. Ses clauses de revoyure, son formalisme et son volet répressif ne devraient pas calmer les choses.
Il est fort probable que les négociations 2014 se fassent à deux vitesses.
Alors, certes, faisons un rêve. Cela fait du bien, rassure et permet de croire que les choses peuvent se dérouler autrement. Mais il ne faudrait pas que le réveil soit trop brutal. En attendant, il est fort probable que les négociations 2014 se fassent à deux vitesses. Avec, ici, le souci d'aller vite avec bon nombre de fournisseurs et, là, l'obsession d'obtenir un maximum auprès de marques emblématiques. Mais aussi, d'un côté, des fournisseurs, petits et grands, qui apportent de la croissance rentable et pérenne. Ceux-là, les distributeurs doivent tout faire pour ne pas les étouffer et même les mettre en avant. Et, de l'autre côté, des industriels qui ont manqué le virage de la crise, notamment en coupant leurs investissements et en n'apportant aucun élément différenciant. Pour ceux-là, le passage dans les box d'achats n'aura rien d'un rêve, mais plutôt d'un rappel cruel à la réalité...
Il est fort probable que les négociations 2014 se fassent à deux vitesses.