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Industriel multinational : Florian Delmas, le virtuose du fruit transformé
À 37 ans, il est sans doute l’un des plus jeunes patrons d’un grand groupe industriel en France. À la tête de l’entreprise familiale Andros, ce petit-fils de maquignon lozérien, très attaché à la terre, réalise un parcours presque sans fautes.
En dates
- 5 mars 1985 : naissance à Vénissieux
- 2008 : diplômé de l’Isara de Lyon
- Septembre 2008 : entre chez Andros comme compte clés BtoB, puis chef de produit à partir de novembre 2009
- Janvier 2011 : directeur du centre R & D et innovation
- Janvier 2014 : directeur général d’Andros Industrie, directeur sourcing et première transformation
- Janvier 2016 : directeur général d’Andros France
- Juillet 2018 : directeur général du groupe Andros
- Août 2022 : président du groupe Andros
« Qu’est-ce que je ferai après Andros ? Peut-être que j’élèverai des chèvres, pour faire du bon fromage, le meilleur, j’espère. » Dans cette réponse, transparaît la personnalité de Florian Delmas, président d’Andros & Cie, qui pilote depuis Biars, au nord du Lot, un groupe de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 10 000 salariés et 46 usines disséminées dans une vingtaine de pays. « Florian correspond aux valeurs de l’entreprise avec ses origines, sa sensibilité, sa modestie, son amour du monde agricole et des choses bien faites », commente Frédéric Gervoson, président du directoire. À 70 ans, le fils du fondateur d’Andros lui a cédé la présidence opérationnelle depuis quatre mois, après l’avoir longtemps couvé du regard et du geste.
Dès le premier entretien, les recruteurs du spécialiste du fruit transformé croient déceler un très haut potentiel chez le tout jeune diplômé de l’Isara, une école d’ingénieur agroalimentaire lyonnaise. « Notre chasseur de têtes m’a dit avoir sans doute vu le futur patron d’Andros », se souvient Frédéric Gervoson. Mais le jeune homme de 23 ans n’a pas l’intention de s’isoler à Biars pour un poste en R & D qui ne l’intéresse guère. Une volée de coups de fils savamment distillés et un rendez-vous sur place achèvent cependant d’emporter l’adhésion de la future recrue. La suite s’apparente à un parcours stratosphérique à tous les postes clés de l’entreprise. Au B to B, à la R & D, au sourcing et à l’approvisionnement, et enfin à la direction de la France, du groupe, puis à la présidence. « Florian mérite ce trophée. C’est un type exceptionnel, à la fois très opérationnel et très idéaliste. Et ça manque en ce moment à notre société », se réjouit Aurélien Pradié, député du Lot et étoile montante des Républicains. Les deux hommes sont devenus amis, après avoir collaboré quelques années chez Andros.
« Né de la terre »
Florian Delmas, grand gaillard de 1,86 mètre au visage juvénile, issu d’une famille de maquignons de Lozère et fils d’ouvrier se dit « né de la Terre » et le revendique. C’est d’ailleurs cette phrase qu’il a inscrite en préambule de son livre Planète A, plan B, faire société pour l’essentiel, publié en 2020 et dédié à ses parents, ses enfants, la Lozère et la Terre. Un ouvrage dans lequel il appelle « à abandonner le superflu, faire société pour l’essentiel et reconnecter l’homme à son environnement ». Il y défend surtout l’idée que l’entreprise est au cœur de la solution et qu’il faut repenser le modèle de développement économique, jusqu’au PIB, « afin qu’il intègre le bien-être de notre planète et de ses habitants ». « C’est une démarche personnelle, mais ce sont des convictions profondes que je voulais partager », insiste Florian Delmas. Convictions qu’il affichait déjà lors de ses études. Le directeur de l’Isara, Pascal Desamais, se souvient d’un élève « charismatique, faisant preuve de beaucoup de leadership ».
« Écrire, réfléchir, c’est mon oxygène », confie le patron depuis son grand bureau d’angle accolé à l’usine de Biars. Après l’obtention de l’Executive MBA d’HEC en 2016, tout juste nommé directeur général d’Andros France à 29 ans (!), il commence à tisser sa toile hors de l’entreprise. Il intègre le programme « Young Leaders » de la French American Foundation, qui vise à tisser des liens entre jeunes personnalités françaises et américaines appelées à de hautes fonctions, et comptant d’illustres anciens comme Jacques Chirac, François Hollande ou Emmanuel Macron. Il partage d’ailleurs la promo 2020 avec Sophie Adenot, nouvelle astronaute européenne. « Florian s’est immédiatement distingué par ses talents oratoires, ses racines paysannes revendiquées, qui le différencient de profils parfois très parisiens », indique Amina Sabeur, qui dirige le programme. Au passage, celui qui occupe la 14e place du classement des jeunes dirigeants français qui comptent, établi par l’Institut Choiseul, renforce son réseau outre-Atlantique à l’heure où Andros a fait de son développement aux États-Unis l’une de ses priorités et vise le milliard d’euros de chiffre d’affaires au pays de l’oncle Sam. Mais c’est d’abord à la tête de la France qu’il imprime sa marque, accélérant le rythme des innovations, dont les compotées et confitures intenses Bonne Maman, best-sellers développés lors de son passage à la R & D. Il est aussi l’artisan de la nouvelle organisation « multilocale » du groupe qui vise à laisser de l’indépendance à ses filiales, tout en profitant de l’appui des fonctions centrales clés.
Seul bémol, la gestion du long conflit commercial entre Intermarché et Andros France, qui a coûté plusieurs dizaines de millions d’euros à l’entreprise cette année. Mais l’événement a aussi conforté la position d’Andros comme interlocuteur incontournable des fruits transformés. D’autant que les conflits forgent parfois les amitiés. Rami Baitiéh, le patron de Carrefour France, avait, lui aussi, coupé les ponts avec Andros après un arrêt des livraisons de l’industriel. De l’histoire ancienne, désormais, pour celui qui, après deux visites à Biars, voit en Florian Delmas, « une tête bien faite, au caractère affirmé, qui sait en même temps toucher le terrain et le carrelage, un commerçant, qui a une vision stratégique ».
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