Fnac-Darty : naissance d’un nouveau géant du e-commerce français
Tumultueuse, la conclusion du rachat de Darty par la Fnac a donné lieu à bien des conjectures quant aux différentes stratégies que pourraient mettre en place les deux géants de la distribution spécialisée. De plus en plus crucial dans l’activité des deux enseignes, le digital a bel et bien un rôle à jouer au sein du nouveau groupe qui s’apprête à voir le jour. D'autant que de cette union pourrait naître un nouveau poids lourd du e-commerce français.
C’est finalement la Fnac qui met la main sur Darty, et s’apprête à débourser pour cela 1,16 milliard d’euros. Riche en rebondissements depuis le projet initial déposé par la Fnac en septembre 2015, l’opération donnera naissance – si l’Autorité de la Concurrence donne son feu vert –, à un véritable géant de la distribution spécialisée, avec un chiffre d’affaires cumulé de 7,4 milliards d’euros, et 410 points de vente rien que pour la France. Ça c’est pour la partie offline, cruciale évidemment pour le développement des deux entités. Mais s’il est un autre point capital pour les deux distributeurs, c’est bien le numérique et notamment l’e-commerce. Les ventes en ligne de ces deux acteurs, estimées à 585 millions d’euros pour la Fnac et 525 millions d’euros pour Darty en 2015, donneraient lieu à un acteur de premier plan sur le secteur du e-commerce avec un CA global de plus d’un milliard d’euros.
Figurer sur le podium des meilleurs e-marchands
En France, les sites marchands pouvant se targuer d’une telle performance ne sont pas nombreux. Le voyagiste en ligne Voyages-sncf.com génère 4,3 milliards d’euros de volume d’affaires, le pure player Vente-privee prévoit 2 milliards d’euros de CA en 2016, Cdiscount revendique 1,7 milliard en 2015 et une part de marché de plus 28% dans la vente en ligne de produits high-tech, informatiques et électroménagers en France. Autrement dit, dans la droite lignée du spectre de produits vendus par la Fnac et Darty. Et c’est sans compter les enseignes alimentaires – Michel Edouard Leclerc revendique 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires par le digital – mais surtout le poids lourd du secteur, Amazon, qui ne communique jamais sur le montant de ses ventes en lignes en France, mais qui résolument, fait partie des premiers e-marchands français en termes de ventes. Et pas uniquement.
Les audiences aussi, sont parlantes. Selon les chiffres Médiamétrie NetRatings sur le mois de mars 2016, Amazon compterait en effet plus de 17 millions de visiteurs uniques, contre 10,8 millions pour Cdiscount, 8,8 millions pour la Fnac et 5 millions pour Darty. Au regard de ce classement, les audiences de Fnac et Darty mises bout à bout, leur permettraient de passer directement à la deuxième place des sites les plus visités en France, juste derrière Amazon. L'audience dédupliquée de darty.fr et de Fnac.com s'élève en effet à 11,420 millions de visiteurs uniques, en mars 2016.
Des synergies pour résister à la pression d’Amazon
Il faut dire qu’Amazon pourrait bien avoir eu une influence dans l’opération de rachat initiée par la Fnac sur Darty. "La Fnac avait tout intérêt à s’associer à Darty, car ça permet à l’enseigne de s’extraire de la pression exercée par Amazon, notamment sur les produits culturels", explique Raphaël Fétique, co-fondateur du cabinet de conseil en stratégie digitale, Converteo. Désormais, Fnac et Darty auraient plus de moyens à leur disposition pour combattre la très féroce concurrence d’Amazon. A commencer par une optimisation et un renforcement des mécaniques Web-to-store. "La répartition des points de vente de deux enseignes telle qu’elle existe aujourd’hui, permettra un maillage du territoire plus fin, facilitant de fait le web to store, et notamment le click&collect. Demain, les clients Fnac et Darty pourront acheter sur le site marchand de l’un et retirer le produit dans le points de vente de l’autre", note Philippe Corrot, Co-fondateur et CEO de l’éditeur de solutions de places de marché Mirakl (photo ci-contre).
En effet, s'il ne se sépare pas de certains points de vente après leur union, les deux enseignes disposeront de 128 Fnac et de 282 Darty sur le sol hexagonal. Soit autant d’opportunités de développer le click&collect, capital pour les enseignes. En effet, pour la Fnac, les ventes omnicanales progressent très fortement depuis un moment déjà, dans l’ensemble des pays, et au premier trimestre 2016, représentent plus de 50% des commandes internet du groupe. Et chez Darty, le click&collect, concept d'ailleurs déposé par l’enseigne, a été fortement développé si bien qu’entre le 30 avril 2014 et le 30 avril 2015, les ventes en ligne ont crû de 20%. Evidemment, le click&collect n’est pas seul responsable de cette performance chez Darty, ni pour la Fnac, qui ont multiplié les initiatives dans le digital afin de renforcer leur présence en ligne, avec notamment le développement de leur place de marché.
Le pari gagnant des places de marché
C’est un axe de développement très fort dans le digital, et cela, pour les deux enseignes. A la Fnac, la première place de marché date de 2009, tandis que Darty l’a mise en place bien après, en 2014. Pour l’un comme l’autre, il s’agit d’apporter encore plus de profondeur à leur catalogue de produits, tout en préservant un critère essentiel de leur ADN respectif, le service. "Il est probable que les places de marché des deux enseignes évoluent et s'enrichissent mutuellement d'une partie de leur offre, mais en leur donnant du sens. Cela éviterait ainsi de tomber dans un mauvais copier-coller du modèle de marketplace Amazon où tout ou presque est déjà disponible", indique Raphael Fétique, co-fondateur du cabinet de conseil en stratégie digitale, Converteo (photo ci-contre).
Depuis le début de l’année, la Fnac accélère sur le développement de sa marketplace, avec le lancement d’une catégorie "Sport", comprenant quelque 80.000 produits, autour du tennis, du cyclisme, ou encore du football. Et plus récemment encore, l’enseigne a mise en ligne une catégorie électroménager. Une sorte de retour aux sources pour la Fnac. "Tout le monde a été surpris par cette initiative, mais en réalité la Fnac le faisait déjà il y a 25 ans", note Philippe Corrot, Co-fondateur et CEO de Mirakl. Aussi, d’un point de vue plus ‘back office’, les plateformes techniques pourraient tout à fait être réunies, car celle de Darty, plus récente, pourrait être capable de gérer plusieurs sites, puisqu’elle gère déjà celle de Mistergooddeal.fr, la marque discount de Darty, et également, la grande interrogation de ce mariage entre les deux enseignes. Et sur ce point les avis sont quasi unanimes, impossible de prédire avec certitude l’avenir que lui réserve la Fnac.