Google, Amazon, materiel.net, LDLC... Ces sites tentés par les magasins
Google qui ouvre un espace de vente à Londres. Les Français materiel.net et LDLC qui inaugurent des boutiques. Avant, peut-être, une main basse d'Amazon sur les magasins de feu RadioShack. Pourquoi internet rêve autant de magasins ?
FRÉDÉRIC BIANCHI
\ 16h10
FRÉDÉRIC BIANCHI
Les sites internet peuvent-ils se passer de magasins ? Si cela agite l'e-commerce depuis des années, le secteur semble depuis peu pencher vers le "non". Les sites sont ainsi de plus en plus nombreux à ouvrir des boutiques ou du moins à montrer leur intérêt pour une présence physique. Une tendance qui s’est confirmée en début d’année, lors du grand salon Retail Big Show, à New York, dont le slogan était "brick is the new black". En substance, les différents intervenants ont expliqué que, après l’ère des pure players, s’ouvrait celle de l’interaction site-magasin.
C’est ce qu’a rappelé l’ancien patron de Walmart aux États-Unis, Bill Simon: "Certes, les pure players ont été meilleurs que nous au début, car ils ont su, grâce à la technologie, s’approprier ce qui faisait avant la force des catalogues papier, analyse-t-il. Mais nous constatons aujourd’hui que nous avons atteint un pic en ce qui concerne l’e-commerce pur. La plupart de la croissance depuis deux ans s’est faite grâce à l’interaction du commerce physique et du commerce électronique."
"Toucher, expérimenter, acheter"
Que ce soit aux États-Unis ou en France, de plus en plus de sites sont tentés par une présence physique. À l’instar de Google, qui a ouvert, cette semaine à Londres, un espace consacré aux produits Android ou encore le français materiel.net, qui a inauguré un concept store en région parisienne, à Chelles (77). Avec ses 350 m2 de surface et ses 1000 produits en rayon, le site de high-tech ne va certainement pas concurrencer la Fnac. L’objectif est clairement d’accroître la notoriété du site (très prisé des geeks, notamment, pour son offre étendue et sa qualité de service). "Nous avons souhaité créer ce concept store afin de répondre aux besoins des clients, qui souhaitent désormais utiliser simultanément tous les canaux disponibles, explique Jean-Philippe Fleury, fondateur de materiel.net. Notre volonté est d’offrir un lieu où nos consommateurs peuvent toucher, expérimenter et acheter leurs produits numériques préférés au même prix que sur notre site." Le magasin reprend une sélection de produits vendus sur le site (14 000 références vendues en ligne) dans les différents univers du high-tech : mobilité (smartphones, tablettes...), maison (domotique), informatique (PC, accessoires, périphériques...). Il propose aussi de nombreux services, comme l’intallation de logiciel, la réparation et le dépannage (dans l’Atelier), ainsi que des bornes de commande sur son propre site en magasin.
Le rayon téléphonie du magasin materiel.net
Une démarche sensiblement similaire à celle de son concurrent LDLC. Le site lyonnais, qui signe un spectaculaire retour depuis deux ans, s’est lancé dans un ambitieux projet d’ouvertures en franchise. Et alors que de nombreuses enseignes ont baissé le rideau dans le secteur depuis quelques années (Surcouf, PC City...), LDLC y croit. "Il est vrai qu’on a beaucoup entendu parler de fermetures sur ce secteur, mais pour nous, c’est le modèle économique des enseignes qui n’était pas le bon, pas le fait d’avoir des magasins, explique Olivier de la Clergerie, le directeur général du groupe et frère du fondateur Laurent de la Clergerie. Nos boutiques feront 150 m² et proposeront de 1000 à 1200 références. Notre objectif est d’en faire un relais multicanal avec notre site."
Au tour d'Amazon ?
Des frenchies très multicanal qui pourraient donner des idées aux géants du secteur. À commencer par Amazon. Après la vraie fausse annonce d’une ouverture à New York, l’américain serait tenté par une présence physique. Bien sûr, on est ici dans une autre dimension que materiel.net ou LDLC mais la logique est au final la même. Ainsi, depuis la banqueroute du distributeur américain de produits high-tech RadioShack, les rumeurs d’un rachat d’une partie des boutiques par Amazon sont persistantes. Le numéro 1 mondial de l'e-commerce pourrait ainsi raheter une partie des 1600 boutiques de l’enseigne qui n’ont pas été reprises par l’opérateur local Sprint. Selon le magazine "Forbes", Amazon aurait même tout intérêt à le faire et ce pour plusieurs raisons:
-Logistique: une présence physique sur tout le territoire accentuerait encore plus sa réactivité dans la livraison.
-Commerciale: Amazon disposerait d’emplacements pour montrer ses propres produits que sont les Kindle, boitiers télé et autres tablettes. Ce qui a fait, en gros, le succès d’Apple depuis dix ans
-Marketing: la présence de magasins Amazon à tous les coins de rue permettrait encore au site de renforcer son poids dans l’inconscient des consommateurs comme la référence de l’achat en ligne
-Service: Comme LDLC et materiel.net, Amazon gagnerait grandement en image de marque en proposant un SAV efficace, du conseil d’achat et des possibilités de retrait en boutique.
Si Amazon s’était montré jusqu’à présent réfractaire à une telle présence physique, c’était notamment dû à sa politique en matière fiscale. La société basée à Seattle, dans l’État de Washington, y est très faiblement taxée. Avec des boutiques dans tous les États, ce ne serait plus le cas. Mais avec la mise en place de la « loi Amazon » aux États-Unis en 2013, l’avantage fiscal du géant américain soumis à une TVA locale n’existe presque plus. L’occasion de passer au magasin.