Google Pay se lance en France, sans partenaire bancaire traditionnel
Google Pay arrive en France le mardi 11 décembre 2018. Google tente de rattraper son retard sur le marché français des services de paiement mobile sans contact, mais contrairement à Apple et Samsung, le groupe n'a pour le moment pas réussi à tisser d'accord avec de grosses banques, ce qui limite mécaniquement le nombre de ses utilisateurs potentiels.
Les utilisateurs de smartphones consultent leur mobile 150 fois par jour en moyenne, mais ils sont moins de 10% à payer avec cet appareil dans le monde, selon eMarketer. Google espère résoudre ce paradoxe en France, en lançant Google Pay, sa solution de paiement mobile sans contact, le 11 décembre. Cet outil peut être utilisé en magasin (cette partie de Google Pay a été d’ores et déjà déployée dans 28 pays à date) mais également en ligne (65 pays). L’application permet également de stocker de cartes de fidélité dématérialisées, des cartes d’embarquements de billets d’avion (partenariat avec Air France) ou encore des tickets de cinéma (pas encore d’accord en France). Le groupe travaille avec les entreprises de transports en commun pour intégrer les cartes d’abonnement à son système dans les mois à venir.
Mais le géant du net est loin d'être le seul à s'être lancé sur ce créneau : Apple et Samsung ont respectivement déployé leurs solutions de paiement mobile en France en 2016 et début 2018. Les transactions réalisées via Apple Pay ont dépassé le milliard de dollars entre avril et juin 2018 à l'international. Des acteurs de la fintech comme Lydia et Max, des solutions comme Paylib ou Orange Cash se disputent également le marché du paiement mobile sans contact. Alipay et WeChat Pay sont quant à eux disponibles en France, pour les touristes chinois, chez certains commerçants, tandis que Huawei Pay pourrait être développé sur le territoire avant la fin de l’année sur les terminaux P20. La concurrence risque donc de peser sur la réussite de Google, qui n'en est en plus pas à son premier essai sur le marché du paiement mobile. Aux Etats-Unis, on se souvient de l’échec de Google Wallet en 2011, puis de celui de l’intégration du Wallet à Gmail en 2013.
Une clientèle connectée
Et contrairement à Apple et Samsung, qui avaient tissé des partenariats avec Banque Populaire et la Caisse d'épargne (groupe BPCE) au moment de leur lancement, Google n'est pour le moment pas parvenu à se mettre d'accord avec des banques traditionnelles en France. Boon, Lydia, Revolut, Boursorama, N26 : le groupe n'a signé des accords qu'avec des banques en ligne et des fintech. "Des établissements qui représentent un certain type d'utilisateurs très connectés", et donc susceptible d’utiliser beaucoup Google Pay souligne Florence Diss, directrice des partenariats commerciaux de Google pour la région EMEA.
Mais cette base utilisateurs reste nettement moins fournie que celle des banques plus classiques. Lorsque l’on sais que 83,5 millions d’euros seulement ont été payés via un téléphone mobile en France en 2017, contre 12,9 milliards d’euros au total pour le paiement par carte sans contact, selon l'Observatoire des moyens de paiement, cela donne une idée de la petite taille du marché auquel s’attaque aujourd’hui Google, même si ces chiffres progressent chaque année. L’entreprise refuse d'ailleurs de donner un objectif précis de nombre d'utilisateurs pour son application. "Nous sommes en négociation avec toutes les banques traditionnelles", pointe Florence Diss, sans préciser à quelle échéance les potentiels accords seront signés. Google a également pour partenaires Visa et Mastercard, afin de permettre aux mobinautes de payer avec Google Pay en magasin, via les cartes bancaires affiliées.
Aucun de ces établissements financiers ne payent de commission à Google. Google Pay est également gratuit pour ses utilisateurs finaux “et nous ne revendons pas leurs données à des tiers pour du ciblage publicitaire”, a insisté né Florence Diss. Mounir Mouawad, directeur de la stratégie et des opérations EMEA de la branche paiement grand public chez Google, enfonce le clou : “Nous n’avons accès qu’au nom du mobinaute, aux quatre derniers chiffres de sa carte bancaire, au montant de la transaction et au lieu où elle a été effectuée lorsque cette donnée est disponible. Nous ne gardons en mémoire ces informations que pour les 10 dernières transactions effectuées par chaque consommateur, ensuite nous les effaçons”. Google affirme développer cette solution uniquement pour faire grandir son écosystème global et faciliter le paiement des consommateurs, notamment en ligne, pour permettre par exemple à ses clients annonceurs de convertir plus facilement, ce qui permettrait indirectement au géant du net de développer son business publicitaire.
Pas de revente des données
Pour utiliser Google Pay, il faut télécharger l’application disponible sur les smartphones Android équipés de l’OS Lollipop 5 et au delà et y entrer ses codes de cartes bancaires (possible lorsque la banque est partenaire de Google). Une fois en magasin, les mobinautes n’ont qu’à réveiller leur téléphone sans y entrer de code et à l’approcher d’une borne NFC pour valider un paiement de moins de 30 euros. Pour les sommes supérieures, ils doivent taper un code ou procéder à une identification biométrique, avec leur empreinte digitale par exemple. Dans aucun de deux cas il n’est nécessaire d’ouvrir l’application. Le paiement est donc possible dans tous les magasins équipés de ces bornes.
Mais Google a tissé des partenariats plus fort avec certains distributeurs physiques, comme Carrefour, H&M, Sephora, Mr Bricolage… Ces retailers peuvent proposer à leur client de dématérialiser leur carte de fidélité en l’intégrant directement dans l’application de Google Pay. Ils peuvent également, moyennant finance, pousser des publicités locales aux utilisateurs qui passent à proximité de leurs points de vente et qui ont validé l’option de géolocalisation (attention, un utilisateur qui a accepté d’être géolocalisé par l’application Google Maps n’est pas géolocalisable par Google Pay, pointe la société). Google a également construit des accords avec des sites e-commerce, comme Deliveroo, Etam, Asos, Drivy ou encore Ryanair. Dans leur tunnel de paiement, ces sites proposent à leur utilisateurs un bouton payer avec Google Pay.
Aude Chardenon et Lélia de Matharel