Guerre acharnée autour des shampooings

Étude La bataille des prix n'a jamais été aussi virulente sur les shampooings ! Sans que cela ait des conséquences positives sur les achats des consommateurs. Les marques espéraient surtout maintenir leurs parts de marché, toutes n'y sont pas parvenues.
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Rarement la surenchère a été d'un tel niveau ! Avec des taux actuels de discount qui frisent les 50 % - quand ils oscillent habituellement entre 15 % et 25 %, les marques de shampooings tentent de défendre coûte que coûte leur part du gâteau depuis quelques mois. Sauf que les habitudes des Français n'ont pas changé en si peu de temps : ils ne se lavent pas davantage les cheveux sous prétexte que le produit est moins cher. C'est donc bien la part de marché arrachée aux concurrents que vise cette grande braderie. Lancée en septembre 2005 - chacun accuse l'autre d'avoir déclenché les hostilités -, l'attaque s'est intensifiée dès janvier avec la mise en place de la loi Dutreil. Si les prix des produits en fonds de rayon ont été assez sta-bles, ils ont intégré, en têtes de gondole, une partie des marges arrière, générant une forte dévalorisation des shampooings. Et les promotions se sont multipliées, augmentant de 18,5 % au premier trimestre, pour atteindre 26 % des ventes en volume.

La question est aujourd'hui de savoir jusqu'à quand va durer ce suicide collectif. « Le moins longtemps possible, espère Clémentine Brasseur, responsable du trade-marketing de Procter & Gamble. Malheureusement, tant que la concurrence pratiquera des taux de remise de 40 à 50 %, nous serons obligés de suivre, en tout cas en ce qui concerne nos marques challengers, Herbal Essences et Pantène. Mais cela n'a aucun sens pour le marché. C'est pour cela que, en parallèle, nous maintenons notre stratégie sur Head & Shoulders en limitant le discount et en investissant en juillet dans des opérations qui ne se limiteront pas à offrir un flacon pour un shampooing acheté. »

Un manque d'initiative et d'innovations

La course aux prix ajoutée à d'au-tres raisons plus structurelles a fait des blessés, et pas des moindres, comme Fructis (Gemey-Maybelline Garnier), Herbal Essences, Gliss (Henkel), Dove et Timotei (Unilever). Deuxième marque mondiale de produits capillaires, derrière Pantène (Procter & Gamble), avec un chiffre d'affaires de 1 milliard de dollars, Fructis est reléguée - pour la première fois en dix ans d'existence - à la troisième place du marché français des shampooings par Head & Shoulders (encore Procter & Gamble). Et sa position s'est encore aggravée sur les premiers mois de cette année. « Fructis est toujours le numéro deux sur l'ensemble des produits capillaires [NDLR : les shampooings et les soins] », minimise Stéphane Grenier, directeur du marketing. Pour cause, contrairement à Fructis, Head & Shoulders n'est présent que sur le segment des shampooings. « Nous avons rationalisé notre assortiment pour nous concentrer sur les références à valeur ajoutée comme les antipelliculaires ou les produits de lissage. Cela s'est traduit par une perte d'écoulement car nous avons supprimé sept références Fructis mais nous avons de bonnes raisons de penser qu'elle va repartir à la hausse. » Autre motif invoqué à la dépression de Fructis, cinq nouvelles marques sont apparues en cinq ans, Herbal Essences, Dove, Gliss, Sunsilk et Le Petit Marseillais, qui totalisent 20 % du marché des capillaires. 2006 sera-t-elle l'année du renouveau ? Fructis rénove en tout cas ses formules, son design et investit dans une campagne de publicité qui sera diffusée en juin.

À force de se livrer une guérilla sur les prix, les marques ont diminué leurs investissements en communication, ce qui est aussi la conséquence de leur manque d'initia-tive en termes d'innovation. À l'image des shampooings et des soins, où l'on a vu apparaître les crèmes sans rinçage Elsève qui ressemblent insolemment à celles de Sunsilk. « Les soins représentent un potentiel, sous réserve des innovations, tandis que l'on voit surtout des copies, regrette Donatien Levesque, marketing-manager d'Uni-lever France. Nous voulons créer de nouveaux gestes et nous le ferons en fin d'année. » En attendant, le groupe capitalise sur deux segments, le lissage et les produits spécifiques à chaque couleur de cheveux. Deux de ses marques, Dove et Sunsilk, sont dans une passe difficile depuis quelques mois, car elles n'ont pas été soutenues au moment de la « vendetta » promotionnelle des concurrents. De plus, certaines références Dove ont été supprimées, ce qui a pénalisé sa part de marché.

Un moment propice au repositionnement

Qu'elles s'appellent Fructis, Dove, Timotei ou Gliss, la plupart des marques cherchent à se recentrer sur leurs valeurs intrinsèques. Refroidie par l'échec de sa gamme Aroma, Henkel revient ainsi à l'une des ses promesses phares, la réparation des cheveux, en relançant Repair. Lascad a également fait une mauvaise pioche avec Vivelle, disparue des rayons. La marque n'a pas bénéficié des investissements nécessaires au moment où la filiale de L'Oréal était confrontée à des difficultés sur ses autres marques. Pourtant, la tempête semble se calmer pour Lascad, et le repositionnement de la gamme Jacques Dessange semble produire ses premiers effets. En mars, le recul de la marque n'était plus que de 7,8 % en valeur sur le segment des shampooings. Pas de quoi crier victoire, mais au moins de croire à une amélioration progressive d'autant qu'en soins, la marque affiche une bonne performance. Le cas Jean-Louis David n'est pas encore résolu : en mars, ses ventes de shampooings ont progressé, et son recul s'est creusé en soins. Lascad peut se consoler avec Dop, qui a nettement amélioré ses performances depuis un an. En particulier grâce au succès de la ligne au karité qui s'étoffe en mai, certainement par son agressivité promotionnelle qui a fait souffrir Palmolive, marque également familiale et économique.

Comme la mauvaise passe du marché paraît décidément propice aux repositionnements, Head & Shoulders y a eu droit aussi, avec bonheur apparemment pour Procter & Gamble, puisque le chiffre d'affaires de sa marque progresse de plus de 4 % au premier trimestre 2006. On est bien loin des contre-performances de son autre marque, Herbal Essences, dont les résultats s'expliqueraient, selon le groupe, par un retard à l'allumage ; il serait entré trop tard dans la guerre des prix. Le lancement en cours d'une nouvelle ligne pourrait l'aider à redresser la barre.

Pour autant, encore polarisés sur la surenchère promotionnelle, les fabricants semblent, pour l'heure, placer leur énergie dans la capi- talisation sur leurs acquis davantage que dans l'innovation. Ce qui paraît insuffisant pour relancer le marché.

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