Guerre des prix
par Yves Puget, directeur de la rédaction
\ 00h00
par Yves Puget, directeur de la rédaction
Régulièrement, les distributeurs déclenchent la guerre des prix. Tout aussi fréquemment, on annonce que la bataille sera plus rude que jamais. Le début de l'année 2013 n'échappe pas à la règle. Avec, d'un côté, des enseignes qui occupent ce terrain depuis des lustres, et, de l'autre, des distributeurs qui redécouvrent les vertus du discount. Les attaques de ces dernières semaines n'ont rien à voir avec de simples escarmouches, tant le contexte économique est propice. Plus que jamais, les Français préparent leurs courses, se fixent un montant et multiplient les comparaisons. Avec la montée du chômage, des charges qui augmentent, et des salaires qui stagnent, les consommateurs ont les yeux rivés sur les étiquettes.
Pour préserver leurs parts de marché, des enseignes alimentaires rivalisent donc d'arguments (lire pages 10 à 13). Il est vrai que les politiques tarifaires ne passent pas inaperçues. En 2006, l'écart de prix des marques nationales entre la première enseigne et la dixième enseigne la moins chère était de 10%. Depuis, les lois Dutreil et Chatel, et la loi de modernisation de l'économie (LME) sont passées par là, et ce même ratio a grimpé à 21,3% en 2012 ! Pour certains, il est vital de revenir dans la course.
L'équilibre est certes précaire entre la défense du pouvoir d'achat et la défense de l'emploi, mais il est obligatoire de le trouver.
Mais en même temps, il convient de sauvegarder ses marges. Et on en revient à l'éternelle question : jusqu'où aller ? Car la guerre des prix... a un prix, que tout le monde ne peut pas payer. Sur le terrain, des magasins ferment (notamment des hard-discounts), et des hypers et des supermarchés sont dans le rouge.
De plus, certaines enseignes ne sont pas légitimes sur cette question des prix bas et elles ne le seront toujours pas dans six mois. L'image prix se travaille pendant des années, se martèle régulièrement dans les médias et se prouve quotidiennement dans les magasins. On ne se déclare pas discounter du jour au lendemain.
Ensuite, il est primordial de se préoccuper de l'état de santé de ses fournisseurs. Car baisser les prix revient à négocier au plus juste, pour ne pas dire au plus dur, avec les industriels. Or des entreprises, des PME notamment, sont proches du gouffre. Les rafales de promotions et la valse des étiquettes ne sont pas sans conséquences sur leurs comptes d'exploitation et donc, in fine, sur l'emploi. Un jeu dangereux que les négociations commerciales 2013 tentent pour le moins timidement d'éviter (lire pages 14 et 15).
Enfin, l'affaire de la viande de cheval confirme à quel point il est urgent d'éduquer les consommateurs à la bonne compréhension et à la parfaite gestion du rapport qualité/prix. Les pousser à la course effrénée aux bonnes affaires n'est pas sans risque. La guerre des prix, aussi compréhensible et vitale soit-elle, ne doit pas imposer la stratégie de la terre brûlée. L'équilibre est certes précaire entre la défense du pouvoir d'achat et la défense de l'emploi, mais il est obligatoire de le trouver. D'ailleurs, le gouvernement ne s'attelle pas à autre chose, lorsqu'il s'interroge sur une réforme de la LME. Faut-il ne rien toucher afin d'éviter un violent retour d'inflation ou bien, au contraire, est-il préférable de laisser aux industriels la possibilité de fixer leurs tarifs afin de sauvegarder des emplois ? L'équilibre est finalement précaire pour tout le monde.