Guerre en Ukraine : comment la coopérative agricole InVivo fait face
Depuis le rachat de Soufflet finalisé fin 2021, la première coopérative agricole française InVivo possède une activité importante en Ukraine et des actifs en Russie. Thierry Blandinières, le directeur général de l'entreprise témoigne sur l'impact de la crise et lance un appel pour augmenter la production de blé afin de pallier l'absence de l'Ukraine sur le marché mondial.
La conférence de presse organisée ce mercredi 2 mars au cœur du salon de l'agriculture par la première coopérative agricole de France InVivo (10 milliards de euros de chiffre d'affaires, dont plus de la moitié en France, 13000 salariés dans 38 pays et plus de 90 sites industriels dont 63 en France), centrée à l'origine sur son ambitieuse stratégie de décarbonation, s'est transformée en grande partie en une analyse des conséquences de la crise ukrainienne sur l'activité de l'entreprise et le marché mondial des céréales. Avec le rachat du groupe Soufflet finalisé en décembre dernier, InVivo a en effet hérité d'une importante activité de production de semences, de vente d'engrais et de négoce de céréales sur le marché ukrainien.
2 sites de production en Ukraine, 1 en Russie
Soufflet Agriculture exploite en effet en Ukraine une malterie à Slavuta, non loin de Kiev, et une usine de semences, ainsi qu’ une autre malterie (à Saint Pétersbourg) et un bureau de trading de céréales en Russie. Elle emploie 350 salariés ukrainiens, 150 salariés russes et collabore avec 3000 agriculteurs en Ukraine sachant que ce pays représente environ 5% du chiffre d'affaires du groupe et 20% de l'activité de Souflet agriculture. "Nous avons décidé de fermer tous nos sites en Ukraine et de couper tous les circuits informatiques par mesure de précaution", a indiqué en préambule de la conférence de presse Thierry Blandinières, le directeur général d’InVivo, précisant que les salariés ukrainiens sont tous rentrés chez eux et qu’une quarantaine auraient pris les armes. Quant aux quelques expatriés qui travaillaient sur place, ils ont été rapatriés en fin de semaine dernière.
(Photo de la malterie de Slavuta en Ukraine, qu'Invivo a fermé)
"Les actifs sont intacts, le stock est en place et si la crise dure moins de 3 mois cela aura peu d'impact sur le groupe", a tenu à rassurer Thierry Blandinières. Des actifs qui ne sont pas négligeables néanmoins. Une usine de semences coûte entre 40 et 50 millions d’euros, une malterie entre 90 et 100 millions... L'activité en Russie, essentiellement consacrée au marché national russe, se poursuit mais les mesures de rétorsions économiques mises en place par les occidentaux et notamment les mesures financières pourraient entraîner une mise à l'arrêt rapide.
20 millions de tonnes de blés à produire pour pallier l’absence de l’Ukraine
En revanche les conséquences sur le marché mondial des céréales sont majeures selon le patron d’InVivo. L’Ukraine produit 30 millions de tonnes de blé et en exporte de 20 à 25 millions de tonnes, soit en moyenne 12% des exportations mondiales. Or les transports avec l’Ukraine sont totalement bloqués empêchant tout bateau de livrer les stocks de la récolte précédente. Déjà les cours du blé flambent et sont passés de 180 euros la tonne en moyenne annuelle à 380 euros la tonne ce mardi 2 mars au matin. Qui plus est, en mars / avril démarre la campagne des semis destinés à la récolte 2022/2023. "Nous nous sommes mis en situation de pouvoir livrer de quoi permettre de produire à minima si la situation se stabilise d’ici à fin mars", indique Thierry Blandinières. Mais l’hypothèse paraît très optimiste et le patron d’Invivo, dont le groupe commercialise environ 10% de la production européenne de blé et 20% de la production française, d’alerter : "Il va sans doute falloir produire 20 millions de tonnes de blé pour pallier l’absence de l’Ukraine. Les Américains, les Australiens, les Argentins y réfléchissent, il faut que les agriculteurs français aussi puissent répondre à cette demande et nous avons sollicité le ministre de l'Agriculture en ce sens afin que l’on nous autorise par exemple à utiliser des terres mises en jachère mais aussi qu'on puisse caper l'inflation prévisible sur les engrais azotés indispensables à la production de céréales." Cette fois-ci c'est du blocus de la Russie dont il est question et en particulier du gaz russe. Un blocus qui se traduit par une flambée des prix du gaz. Or près de 40% du prix des engrais azotés repose sur cette matière première indispensable à leur fabrication. Et une flambée des prix incontrôlée de ces engrais pourrait grandement limiter les velléités des agriculteurs français de produire du blé supplémentaire sur nos sols.
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