Hors-série LSA Boissons – Juin 2023
Var, Bouches-du-Rhône, Gard, etc. Dès début mai, les préfets d’une vingtaine de départements ont pris des arrêtés pour interdire le remplissage des piscines. D’autres suivront à mesure que s’avancera la saison estivale. Du jamais vu de mémoire de propriétaires de piscines… si tôt dans la saison. Les météorologues le martèlent : fini le temps où l’eau coulait à flots. Cette ressource indispensable à la vie va se raréfier sous l’effet du réchauffement climatique. Autant dire que notre rapport à elle va devoir changer, pour nous qui n’avons qu’à ouvrir un robinet pour en obtenir. L’évolution de son prix va peut-être nous y aider. Car si on le compare aux tarifs en vigueur dans des pays moins arrosés que le nôtre, le prix de l’eau publique n’est pas très élevé en France. Comme pour l’énergie, on peut donc s’attendre à des hausses de prix. Mauvaise nouvelle pour les particuliers, et pour les industriels, qui ont besoin de beaucoup d’eau pour fabriquer, nettoyer des lignes de production, rincer des emballages, etc.
Certains ont même déjà dépassé le stade de la « mauvaise nouvelle » (voir sur LSA.fr). À Grigny (91), par exemple, la mairie prie l’embouteilleur Coca-Cola Europacific Partners (CCEP) de ne plus puiser d’eau dans la nappe phréatique (780 000 hl par an) qui se situe sous son usine. La pression est montée de plusieurs crans pour l’industriel depuis l’intervention récente d’une élue, relayée dans les médias. Notons que celuici ne fait a priori rien d’illégal, puisque son titre de propriété lui permet d’exploiter les ressources du sous-sol. Il n’empêche. La position de CCEP France est de moins en moins tenable d’un point de vue sociétal, au fur et à mesure de la montée en puissance dans les esprits des enjeux liés à l’eau. Aux dernières nouvelles, CCEP France aurait accepté la proposition de la mairie de Grigny de se raccorder à l’eau municipale et promis de moins pomper dans la nappe phréatique…
Autre actualité chez Nestlé Waters, qui a suspendu l’utilisation de deux des six forages dédiés à son eau Hépar, puisée non loin de Vittel (Vosges). « Nestlé Waters est confronté à des conditions climatiques qui se détériorent, avec des événements tels que les sécheresses régulières suivies de fortes pluies, qui affectent les conditions d’exploitation de certains forages », indique le groupe. Deux forages auraient été identifiés comme particulièrement sensibles en raison de leur faible profondeur. Le groupe n’a pas précisé la durée de cette suspension.
Un deuxième exemple qui semble confirmer que l’eau n’est plus une ressource tout à fait comme les autres. Elle devient un bien commun et un bien local. Du côté de Vittel (entre autres lieux), des voix s’élèvent pour affirmer que la gestion et le partage de l’eau ne peuvent plus relever de la seule initiative économique. Certains vont même jusqu’à suggérer que c’est une ressource locale qui doit être utilisée localement. Pas question de la vendre pour qu’elle soit consommée ailleurs, loin de son terroir d’origine, et a fortiori exportée. Une nouvelle sorte de nationalisme guette l’eau.
SYLVIE LEBOULENGER
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