Hors-série LSA Boissons – Mars 2022
Rapporter ses bouteilles de vin, de cidre ou de jus de fruits dans les magasins en échange d’un bon d’achat… Voici qui ressemble fort à ce qui était un rituel pour bien des ménages jusqu’au début des années 70. Certains de nos grands-parents buvaient à table du vin rouge ou de l’eau rougie. Une fois vides, les bouteilles finissaient sous l’évier. Elles y patientaient jusqu’au jour du marché.
On les rapportait alors chez l’épicier qui les troquait contre des bouteilles pleines. Chaque semaine, c’était le même ballet. Ce temps est révolu. En campagne et à la ville, les jeunes ménages ne se sont vite plus astreints à une telle organisation. Peu à peu, le verre dit « perdu » s’est imposé. Des poubelles spécifiques sont apparues pour récupérer les « cadavres ». Y déposer ses bouteilles est même devenu un bon comportement, à la fois citoyen et écologique. Le choc pétrolier de 1973 avait fait comprendre qu’il était plus économique de refaire des bouteilles à partir de « cadavres » plutôt que de repartir de zéro. Les grands débuts de l’économie circulaire... Et cela convenait à tous, industriels, commerçants et consommateurs. Mieux, avec un taux actuel de tri de 77,1 % (selon l’Ademe), les Français apparaissent parmi les bons élèves du Vieux Continent.
Las, ce geste « propre » semble ne plus suffire. Et la consigne pour réemploi a toutes les chances de revenir en force (lire p. 10-11). La Convention citoyenne pour le climat a effectivement fait du réemploi des contenants en verre l’une de ses propositions phares. Le gouvernement l’a d’ailleurs retenue dans la loi Climat, sans préciser les contours de l’organisation de cette consigne réinventée pour satisfaire aux modes de vie du XXIe siècle. L’État peut compter sur les distributeurs pour cette « réinvention ». Des expérimentations sont en cours chez Biocoop, Carrefour ou Match.
De son côté, la Brasserie de Bretagne (voir LSA.fr) est en train d’adapter ses bouteilles de 33 et 75 cl pour tester la consigne dans des U et des Carrefour locaux. Une adaptation qui n’est pas simple. Pour résister aux manipulations et aux lavages, la bouteille consignée doit être plus épaisse que celle en verre « perdu »... Il serait même souhaitable qu’elle soit standardisée, voire uniformisée (non gravée et non embossée), pour circuler facilement des fournisseurs aux distributeurs.
Reste une inconnue : le consommateur va-t-il accepter de se plier aux exigences du citoyen animé par des préoccupations écologiques ? Va-t-il modifier son comportement et intégrer dans son quotidien des contraintes : stockage des bouteilles vides dans des logements parfois exigus, leur transport dans les magasins… ? Autant de questions qui demandent du temps avant d’obtenir des réponses. Là est peut-être la seule certitude : la consigne aura besoin de quelques années pour réussir son retour.
SYLVIE.LEBOULENGER@LSA.FR
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