Hors-série LSA Boissons – Mars 2023
Récemment, le Comité national des interprofessions des vins, présidé par Bernard Farges, et Vin & Société, l’association dirigée par Samuel Montgermont, ont réuni plusieurs journalistes. D’abord pour leur délivrer un message : la déconsommation du vin est alarmante, notamment chez les 18-35 ans qui se tournent plus volontiers vers la bière et les spiritueux. La consommation française de vin est ainsi passée de 120 litres par an et par habitant en 1960 à 40 litres en 2020, soit une chute de 67 % en soixante ans.
Passée cette annonce qui n’a, hélas, rien d’un scoop, la discussion a tourné à l’échange d’idées. Pourquoi une telle dégringolade ? Comment y remédier ? Bien sûr, il y a la loi Évin – pas de publicité pour le vin dans un pays qui en produit beaucoup, c’est un comble ! –, les ligues antialcool qui présentent le vin comme un quasipoison, et les mesures gouvernementales qui ont sacrément durci le taux d’alcool admis au volant, ce qu’on ne peut que soutenir. Mais au-delà de ces raisons que le monde du vin a déjà intégrées, la récente pandémie a bousculé nos habitudes. Depuis, la société est devenue plus individualiste et, malgré le télétravail, les Français semblent avoir moins de temps pour recevoir leur famille et leurs amis autour d’un repas structuré. C’est pourtant lors de ces occasions que l’on débouche des bouteilles de vin. En revanche, ils achètent en ligne leur repas du soir… mais sans qu’une bouteille de vin ne soit incluse dans le menu… Et puis, les 18-35 ans puisqu’ils font partie des dé-consommateurs, voire des non-consommateurs de vin, ne sont plus éduqués au vin. Aujourd’hui, le passage de relais culturel et gustatif ne se fait plus entre les générations. Dommage.
Autre raison, celle-ci liée au commerce : le merchandising. Dans les magasins, les murs de bouteilles sont tout aussi déprimants que rebutants. Je me souviens d’avoir été favorablement surprise lorsqu’un distributeur m’a annoncé avoir référencé des vins qui sortaient du lot : un rosé signé de la chanteuse australienne Kylie Minogue, un autre du rocker Jon Bon Jovi et élaboré chez Gérard Bertrand, et enfin d’une bouteille de bordeaux sur laquelle figurait la frimousse du Smiley. « Pour redonner le sourire au rayon », m’avait expliqué le responsable vins de cette enseigne. Peine perdue car, dans le rayon, sans boussole ultraperformante, ces vins étaient absolument introuvables.
Cette année, les rayons vins vont rétrécir dans la plupart des réseaux. La faute à l’inflation qui engage les enseignes à être ultravigilantes sur les performances de chaque référence. Or, dans le vin, beaucoup prennent la poussière. Ce ménage qui sera opéré par les enseignes aura peut-être une vertu. Celle de permettre aux références qui auront la chance d’être retenues d’être plus visibles et plus compréhensibles par les amateurs de vins.
SYLVIE LEBOULENGER
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