
Les débats sur les ouvertures le dimanche et le travail nocturne ne m’inspirent qu’un seul mot: consternant.
Consternant historiquement. Les gouvernements successifs n’ont jamais voulu prendre le problème à bras le corps. Ils se sont contentés de rustines. Ils ont ajouté des textes qui se superposent et ne se complètent absolument pas. L’erreur n’est ni conjoncturelle ni passagère : elle est historique.
Consternant politiquement. Le gouvernement se contente de dire que les enseignes se doivent de respecter la loi. Ils ont raison: personne ne peut ignorer la loi. Mais il revient aussi aux ministres et parlementaires de faire bouger… les lois. Et visiblement, les ministres préfèrent l’immobilisme à l’action.
Consternant humainement. D’un côté, on cajole les salariés de Florange et de l'autre côté, on ignore totalement les désirs et les besoins des employés de Sephora ou de Castorama. Comment expliquer à des caissières Leroy Merlin que leur sort serait pour certains un peu moins important que celui d’un ouvrier de Mittal. Encore une fois, et hélas, les responsables politiques se tournent et se préoccupent davantage des secteurs de l’industrie que des services. Quel dommage. Car, in fine, tout le monde est égal devant… Pôle emploi.
Consternant économiquement. Les nocturnes et les dimanches évitent des fermetures de magasins, donc limitent les licenciements et mieux encore suscitent des embauches. Il est donc très curieux de s’y opposer. Surtout lorsque l’on clame partout que l’emploi est la priorité des priorités. De plus, lorsque les caisses de l’état sont vides, pourquoi se passer de recettes supplémentaires (impôts, TVA…). Sans oublier, bien évidemment, la question du pouvoir d'achat des salariés-consommateurs.
Consternant de simplification. Comme on l’entend ici ou là, il ne s’agit pas d’ouvrir tous les magasins 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Les distributeurs ne veulent pas d’un libéralisme total qui n’a aucun sens économique. Ils veulent simplement pouvoir ouvrir les magasins de bricolage d’Ile-de-France le jour du seigneur parce que dans cette région, les questions de transport et y sont plus complexes qu’ailleurs. Idem pour la proximité alimentaire qui rend service à des milliers de parisiens qui trouvent portes fermées en rentrant chez eux après 21 h. Et que dire des zones hautement touristiques, comme les Champs-Elysées, qui méritent bien un traitement de faveur.
Consternant syndicalement. Quel dommage qu’en France bon nombre de syndicats se désintéressent des salariés. Qu’ils préfèrent les combats idéologiques d’arrière-garde à la défense du pouvoir d’achat des employés. Sur ces dossiers, jamais ils n’ont paru autant éloignés de leur base, pour ne pas dire opposés.Quand l'idéologie prime sur le bon sens...
Consternant socialement. Le monde politique, l’administration et les syndicats doivent comprendre que le monde dans lequel nous vivons évolue. Que le commerce n’a plus rien à voir avec Aristide Boucicaut, le fondateur du Bon Marché. Que les consommateurs veulent «tout tout le temps et immédiatement», que le commerce électronique impose de nouvelles règles. Sans oublier une population dont le profil, la typologie et les attentes changent. Au Japon, des enseignes ne se battent pas pour les nocturnes mais pour ouvrir dès 7 heures du matin. Pourquoi? Parce que la population vieillît et que les séniors se lèvent plus tôt que les jeunes. Cette question arrivera forcément un jour en France. Et si personne ne s'y prépare, on pourra dire et écrire que c’est… consternant.
Alors vite, monsieur le président de la république, réunissez tous les acteurs, trouvez une issue à cet imbroglio et engagez-vous du côté… des salariés et non des syndicats.
Yves Puget (ypuget@lsa.fr)