Intermarché perd une bataille juridique devant le Conseil constitutionnel
Intermarché avait obtenu que soit transmise une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel suite à une amende pour pratiques restrictives de concurrence. L’amende a finalement été confirmée par la plus haute juridiction, l'article du Code de commerce mis en cause étant déclaré conforme à la constitution.
Sylvain AUBRIL
\ 14h18
Sylvain AUBRIL
Intermarché n’aura pas réussi à convaincre le Conseil constitutionnel pour éviter de payer une amende pour pratiques restrictives de concurrence, infligée à l’origine par la DGCCRF. La plus haute juridiction française, aujourd’hui présidée par Laurent Fabius, qui a succédé à Jean-Louis Debré, avait à se pencher sur la conformité à la constitution d’un alinéa de l’article 442-6 du code de commerce. Ce dernier stipule que les sanctions s’appliquent à “l’auteur” des pratiques restrictives de concurrence.
Or, l’auteur en question avait tout simplement disparu. Car les amendes visaient au départ de plusieurs filiales d’achats de l’enseigne, la Spal Boissons, la Sca LS Frais, la SCA laits et dérivés, la SCA Condiments et dérivés et enfin ITM Alimentaire France. Mais en 2012, toutes ces sociétés ont été absorbées par ITM Alimentaire International. Le ministère de l’Economie a donc maintenu ses poursuites, mais à l’encontre de cette dernière.
L’une n’existait pas, les autres n’existaient plus...
Or, ITM Alimentaire International n’était assurément pas l’auteur des faits, puisqu’elle n’existait pas à l'époque où ils ont été commis. Et les autres entités ne pouvaient plus être poursuivies, selon Intermarché, puisqu’elles n’existaient plus. Le tribunal de commerce avait d’ailleurs tranché en ce sens. La Cour d’Appel a tranché dans un autre et la Cour de cassation s’est finalement interrogée sur la constitutionnalité de l’article du Code de commerce tel que rédigé, et a transmis le sujet au Conseil constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité, une "QPC", une de plus.
Et le Conseil a tranché. La sanction a bien lieu d’être appliquée à ITM Alimentaire International. Car si les sociétés ont disparu, ce n’est pas le cas de leur activité économique, qui a tout simplement été absorbée par cette nouvelle entité. Pour éteindre les poursuites et échapper à l’amende, il aurait fallu que ces sociétés sanctionnées soient liquidées. Ce n’est pas le cas. La nouvelle entité reprend donc à son compte les poursuites engagées auparavant, en même temps que les actifs.
Comme un hommage à Guy Canivet
Cette décision du Conseil constitutionnel a un autre intérêt, celui de refaire l’historique des pratiques restrictives de concurrence depuis… la loi Nouvelles Régulations Economiques de Lionel Jospin en 2001, en passant par les deux lois Dutreil, la loi Chatel, puis la LME. Laquelle a été adoptée après qu’un rapport ait été demandé par l'ex-ministre de l’Economie, devenu président de la République, un certain Nicolas Sarkozy. Et l'homme qui a rédigé le rapport est Guy Canivet, ex-premier président de la cour d’Appel de Paris, ex-premier président de la cour de Cassation, président de l’Association des présidents des cours suprêmes judiciaires de l’Union européenne et...aujourd'hui l'un des sages du Conseil constitutionnel, qui avait à trancher sur la question que posait Intermarché !
Il est d’ailleurs mentionné - en hommage ? - dans la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Laquelle est à lire, absolument...Quant à la loi sur les pratiques restrictives de concurrence, elle continue d'évoluer, avec Emmanuel Macron, puis Michel Sapin. Chaque ministre y apporte sa pierre ! Apparemment sans que les relations commerciales en sortent apaisées, si l'on en croit les derniers écrits du président de l'Ania ou du patron de Nestlé France...
La décision du Conseil constitutionnel sur “l’amende Intermarché”