Dominique Schelcher: "Système U n'est jamais meilleur que dans son rôle de challenger"

Fin mai le PDG de Système U a répondu aux questions de LSA, lors d'une rencontre organisée sur le terrain, en magasin. Un rendez vous qui a permis d'évoquer l’année particulière vécue par les équipes de l’enseigne, mais aussi de balayer des sujets plus larges sur l’évolution de la consommation, les projets de U, ou encore la réglementation et la concurrence. Un entretien dense, qui donne une idée des travaux à l'oeuvre et de la trajectoire empruntée par le groupement d'indépendants.

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Dominique Schelcher:
Pour le PDG, «La crise a été un formidable stress test» du modèle de Système U.

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"Système U n’est jamais meilleur que dans son rôle de challenger" pour Dominique Schelcher, son pdg
«Cela me fait plaisir de vous accueillir dans un magasin. » Les mots de Dominique Schelcher ne sont pas feints. Le 26 mai, c’est dans le Super U de Neuville-aux-Bois, proche d’Orléans, que le PDG a rencontré LSA. Pour évoquer l’année particulière que l’enseigne a vécue, mais aussi pour balayer des sujets plus larges sur l’évolution de la consommation, de la réglementation ou sur la concurrence, avec quelques critiques que le patron n’aurait peut-être pas prononcées il y a quelques années. Mais, à la tête de la coopérative d’indépendants depuis trois ans, Dominique Schelcher a pris de l’épaisseur, avec des idées claires : amener le groupement à 12 % de part de marché, poursuivre l’unification des régions de U, tout en lâchant des piques contre Lidl, le ministre de l’Agriculture ou le monde politique, prompt à venir féliciter la grande distribution en plein cœur de la pandémie pour ne plus donner signe de vie ensuite.

L’homme, qui se doit d’être fédérateur, s’est livré avec un certain naturel sur les projets en cours chez les U, tout en visitant le magasin de la famille Deshayes, adhérente de longue date. Découvrant ici le nouveau concept textile, discutant plus loin avec le boucher, interpellé par les salariés ravis de cette visite du patron de l’enseigne, selfies à l’appui, le PDG, lui-même propriétaire d’un magasin à Fessenheim, en Alsace, n’a pas boudé son plaisir d’être sur le terrain. Et d’être à la tête d’un distributeur « jamais meilleur que dans son rôle de challenger ». « Nous n’avons pas les plus gros moyens du secteur, mais nous avons toujours creusé notre sillon », a-t-il rappelé, en précisant, à l’adresse des entrepreneurs en quête de défis, que Super U est l’enseigne la plus rentable pour le format des supermarchés.

Les chiffres clés 2020 de système U
  • 73 000 collaborateurs
  • 11,1 % de part de marché
Source : société
  • 22,5 Mrds €, le CA TTC du groupement hors carburant (à + 8,3 %)
  • 26,8 Mrds €, le CA TTC du groupement avec carburant (à + 1,5 %)
Par format :
Hyper U (65 magasins) CA TTC hors carburant : 3,6 Mrds € (à + 5,5 %)
Super U (756 magasins) CA TTC hors carburant : 15,9 Mrds € (à + 8,5 %)
U Express (396 magasins) CA TTC hors carburant : 2,38 Mrds € (à + 8,1 %)
Utile (398 magasins) CA TTC hors carburant : 657 M€ (à + 21,8 %)
Courses U 927 M€ de CA TTC (à + 51 %)
Source : société


LSA - Dans quelques jours, vous présiderez l’assemblée générale de Système U qui marquera aussi vos trois ans à la tête de l’enseigne. Comment se porte le groupement à votre mi-mandat ?

Dominique Schelcher - Soyons clairs, ce n’est pas du tout un rendez-vous de mi-mandat, il s’agit d’une assemblée générale classique, même si c’est aussi l’occasion de faire le point. Pour savoir si nous allons bien, un indépendant regarde trois critères : l’activité, la rentabilité et la liberté. Et ces trois indicateurs sont au vert chez Système U. D’abord, pour l’activité, à date, nous repassons en croissance par rapport au chiffre d’affaires de l’an dernier qui était en forte hausse. La rentabilité est au rendez-vous et permet de préparer l’avenir, d’investir et cela donne confiance. Enfin, ce que nous avons vécu l’an dernier a prouvé que les gens ont pu s’adapter de manière formidable car ils sont libres de s’organiser.

Vous progressez donc encore ?

D. S. - Oui. Nous avions prévu un chiffre d’affaires en baisse en 2021 du fait du Covid et, en réalité, nous enregistrons de nouveau de la croissance. Nous ne nous y attendions pas, et cela dure ! Et ce malgré la réouverture des bars et restaurants la semaine dernière (interview réalisée le 26 mai). Les habitudes ont été changées en profondeur, notamment sur l’alimentation à domicile. Hyper U va bien, la proxi se porte très bien, et Super U, le cœur du réacteur, est en pleine forme. C’est le format supermarché le plus rentable du marché. Chez nous, à date, le format hyper est en hausse de 5 %, après une année 2020 déjà marquée par de la croissance.

Quelle est l’ambition globale de U ?

D. S. - Nous sommes à notre quatrième place. Et Système U n’est jamais meilleur que dans son rôle de challenger. L’histoire de U, c’est d’être challenger dans son métier. Nous n’avons pas les plus gros moyens du secteur, mais nous avons toujours creusé notre sillon. Nous sommes le challenger des trois premiers groupes du marché (E. Leclerc, Carrefour et Intermarché, NDLR) et des groupes allemands de hard-discount qui veulent envahir la France à coup de milliards. Nous adorons cette position ! Notre objectif est d’atteindre 12 % de part de marché, et cela signifie faire un effort sur les magasins de proximité. Nous en avons 800, l’objectif est ­d’atteindre les 900, pas tant sur la proximité urbaine, mais plutôt sur celle rurale ou périurbaine. Le mot d’ordre est d’encourager les patrons existants à ouvrir un magasin de proximité, un Utile ou un U Express sur leur territoire. L’ambition est aussi d’atteindre notre part de marché magasin sur le drive. Nous n’avions pas rendu le drive obligatoire dans notre circuit, et cherché à convaincre sans contraindre. Aujourd’hui, cela bascule car les associés ont tous compris et mesuré l’intérêt du drive.

Vous avez des mots forts sur Lidl et Aldi, qui défendent pourtant leur ancrage en France et leur approvisionnement local...

D. S. - Prenons Lidl. D’où viennent leurs moyens ? C’est un modèle importé d’une puissance considérable face à nous qui sommes un petit challenger. Ils investissent à perte depuis des années. Et je suis étonné qu’un ministre (celui de l’Agriculture, Julien Denormandie, NDLR) aille faire les louanges de ce modèle en leur rendant visite à leur siège de Rungis (alors que le siège de Système U, lui aussi installé à Rungis, est distant de quelques centaines de mètres, NDLR). Nos compétiteurs sont plutôt les confrères indépendants.

Comment évolue votre rentabilité, un indicateur rarement mis en avant ?

D. S. - Nous sommes en train de centraliser les bilans des magasins de nos associés pour 2020. Et la tendance est meilleure qu’en 2019, dans tous les formats. Y compris pour les magasins dont la rentabilité était fragile, qui ont connu une amélioration l’an dernier, la forte activité leur ayant permis de retrouver un niveau conforme. En 2019, le résultat net était légèrement au-dessus de 2 %. Cette forme s’explique par l’impact de la crise sur l’activité, mais aussi par le plan de transformation interne en matière de compétitivité des magasins. Plus nous générons de chiffre d’affaires, plus nous écrasons les coûts. Ce qui permet d’investir et de préparer la suite.

À quoi doit servir cette rentabilité ?

D. S. - Je vais appeler les associés à investir plus que jamais dans l’avenir, dans des bâtiments plus verts, dans la capacité du drive, dans la formation, dans l’élargissement de l’offre, notamment du frais. Le mot d’ordre, à la sortie d’une crise, c’est d’investir sur un socle de modèle qui soit résilient. Le sens de notre projet d’unification chez U, c’est qu’il y a toujours un double projet : commercial et de compétitivité. Ma première mission, c’est de défendre la compétitivité des magasins. Aujourd’hui, grâce à tous ces moyens, nous pouvons investir ensemble sur les coûts de structure. Nous avons aussi baissé nos stocks de 10 à 20 %, en les mettant en gestion commune, cela dégage de la trésorerie. Et notre système encourage les associés à investir leur trésorerie dans un fonds de garantie facultatif rémunéré. Il a représenté 30 millions d’euros l’an dernier, ce qui nous permet d’aller voir les banques avec des arguments forts.

Parlons de l’e-commerce. Système U est-il armé pour le drive ? Votre modèle du picking est-il le bon ?

D. S. - C’est un débat récurrent. Je pense qu’il n’y a pas un modèle miracle dans le digital. Dans un groupe multiformat, comme le nôtre, nous devons proposer toutes les formules. Le picking en magasin reste le modèle le plus adapté à la majorité de nos formats et nous cherchons à l’optimiser en permanence. Cela nécessite des investissements en termes d’espace et de matériel dans les magasins, avec un renouvellement des outils techniques. Par ailleurs, nous testons un nouveau back-office de gestion depuis une semaine. Et nous optimisons des méthodes en logistique. Mis bout à bout, cela représente des gains de productivité de 20 à 30 % sur deux ans. Nos meilleurs magasins font 15 % de leur chiffre d’affaires avec l’e-commerce. Ces sites-là sont au top de l’adaptation, c’est assez spectaculaire. Et le modèle va encore progresser !

Comment ? Avec des drives piéton ?

D. S. - Nous avons les outils pour faire du drive isolé. Le magasin de Stéphane Benhamou (l’Hyper U Les Arcs-sur-Argens dans le Var, NDLR) fonctionne très bien, dans une zone très peuplée. Ce modèle est prêt, mais il n’est pas à la portée de tous nos associés. Citons aussi Courses U à Lyon où dix associés travaillent main dans la main, avec leur entrepôt mutualisé. Ce dispositif a trouvé son rythme de croisière avec la crise, et il est rentable depuis le début de l’année. Et à partir de la rentrée à Lyon, il y aura la possibilité d’une double tarification pour distinguer les prix du drive et ceux de la livraison à domicile. Avec deux prix différents donc, qui devraient notamment permettre de développer plus de drives piéton.

De quelle manière vont-ils se déployer ?

D. S. - Aujourd’hui, nous avons une poignée de drives piéton. Mais de nombreux associés sont en train de bloquer des localisations et attendent un outil technique adapté à la rentrée. Nous en aurons très vite plusieurs dizaines. Et notre but est d’arriver dans les centres-villes. Et qu’on ne s’y trompe pas. Notre cible, ce n’est toujours pas Paris. Mais nous poserons des drapeaux dans les villes importantes qui sont proches des magasins U.

Avez-vous l’intention de développer la mutualisation et les outils collectifs pour la préparation de commandes ?

D. S. - Dans la région Ouest, nous avons des collègues qui travaillent sur la mutualisation. Le picking reste privilégié d’autant qu’il est possible d’améliorer sa productivité. Les magasins qui investissent prévoient de la place pour le 20/80 sur le drive désormais. Nous allons vers la mutualisation, mais à notre rythme et avec nos moyens. Prenez la technologie. Quand nous disons que nous faisons du picking, nous le faisons aussi avec de la ramasse globale. C’est un gain considérable.

Le drive est-il rentable ?

D. S. - Quand nous atteignons un certain niveau de CA, avec de gros paniers moyens, oui, à un moment, il commence à être rentable. Le problème, c’est que si vous ne proposez pas de drive, vous perdez des clients, de la dynamique commerciale. Il est totalement indispensable d’en avoir. Et le verrou de la rentabilité saute dans les esprits. Avant la crise, la répartition entre ventes magasins et drives était 90/10, aujourd’hui on va vers 80/20. Et prenez l’évolution à l’étranger. En Chine, cette année, la moitié du commerce, alimentaire et non alimentaire, se fera via l’e-commerce.

Quid du développement à l’étranger ?

D. S. - Nous ouvrons notre 100e magasin à l’international, en Guinée-Conakry, ces jours-ci. Et ce nombre sera de 140 dans les deux à trois ans à venir. Nous avons signé d’importants contrats à l’étranger, et il existe aujourd’hui un GEP (groupe d’échange et de partage, NDLR) en Afrique. Car nous sommes fiables en termes de logistique, et nos partenaires savent qu’ils peuvent compter sur nous.

Comment se déroule l’alliance aux achats avec Carrefour ?

D. S. - Après une troisième campagne de négociations, les équipes ont appris à travailler ensemble et n’ont cessé de progresser. Je suis satisfait de la campagne de négociations 2021. C’est un partenariat gagnant-gagnant pour Carrefour et U. Nous en faisons régulièrement le bilan avec Alexandre Bompard, et nous réfléchissons à la suite. C’est un contrat de cinq ans, nous sommes donc à mi-chemin.

Qu’a changé la crise dans votre activité ?

D. S. - Elle a été un formidable stress test de notre modèle. Avant la crise, il y avait par exemple des débats entre patrons de magasins sur la part du digital. Ils sont aujourd’hui derrière nous. La crise nous a permis d’éprouver la force du modèle, sa capacité de résistance et sa pertinence, notre imbrication dans les territoires. Il fallait aller acheter près de chez soi ? Eh bien soit ! Aujourd’hui, les Français sont nombreux à quitter les grandes agglomérations pour aller vers les côtes et ailleurs, là où nous sommes très présents. La crise a aussi agi comme une piqûre de rappel sur le sens de notre métier. Des hôtesses de caisse m’ont interpellé, m’ont dit qu’elles adoraient leur métier, et que si nous n’avions pas été là les gens n’auraient pas pu se nourrir. Si, dans une crise aussi terrible, notre activité a résisté, demain, devant une telle situation, nous résisterons encore.

Quels changements de fond avez-vous observés ?

D. S. - Énormément, mais s’il ne faut en retenir qu’un seul, c’est celui du bond sans précédent de l’e-commerce, qui a connu chez nous une hausse de 51 % pour s’approcher de 1 milliard d’euros. Ce coup d’accélérateur a achevé de convaincre tout le monde de l’intérêt de ce modèle. Si je ne fais pas de drive, je perds des clients ! Et actuellement, la moitié de la croissance repose sur le drive…

Les partenariats entre distributeurs et start-up se multiplient sur la livraison. Quelle est votre position ? Vous étiezen discussion avec Picnic notamment.

D. S. - Système U fait preuve de curiosité en permanence. Nous sommes contactés par beaucoup d’acteurs, notamment de nouvelles start-up. Nous étudions les propositions et, à un moment, nous décidons de nous engager ou non, mais nous ne recherchons pas ces collaborations à tout prix car cela nécessite du temps et des moyens. Nous avons déjà une belle aventure avec le site de livraison des courses à Paris labellevie.com, que nous allons renforcer. Son fondateur, Paul Lê, fait un superbe travail, sur la technologie et la capacité de livraison. Et notre partenariat d’approvisionnement devait s’élargir dans le mois qui vient en leur donnant accès aux produits U, et en opérant des échanges technologiques car ils sont en avance. On le sait peu, mais Système U a aussi été l’un des partenaires historiques du projet lancé par Decitre sur les livres électroniques, Vivlio. Aujourd’hui, le site est racheté par un acteur international, c’était le moment de sortir pour nous. Mais nous apprenons à chaque fois…

Que penser de l’extension des dark stores et des livraisons ultrarapides en ville ?

D. S. - Nous marchons sur la tête ! Nous sommes au cœur des injonctions paradoxales, alors que toute une partie de la jeunesse est terrifiée par la crise climatique et prend conscience que notre consommation doit avoir moins d’impact. Et, de l’autre côté, on court pour se faire livrer un sachet de salade et de la mayonnaise en dix minutes ! Ce n’est pas le commerce de demain. Les crises sanitaire, économique et, plus que jamais, climatique vont influencer les modèles et notre métier. Tous ces cartons qui remplissent les camions-bennes des grandes villes, ces camionnettes et ces livreurs à scooter, ce n’est pas possible ! Nous allons en revenir. C’est une espèce de bulle qui va éclater.

Vous évoquiez précédemment un projet d’unification. À quoi correspond-il ?

D. S. - Avec mon prédécesseur, Serge Papin, nous avons construit politiquement l’unification du groupement. Une unification logistique, informatique. Notre mission avec les quatre présidents de régions, c’est désormais de tirer les fruits économiques de ce travail. Au 1er janvier 2022, tous les associés paieront la même cotisation, basée sur celle de la région Ouest qui est la mieux-disante. Au sein des quatre régions qui ­composent Système U, il y avait jusqu’ici des écarts de 15 à 20 %. La cotisation chez U correspond à environ 8 à 9 % du chiffre d’affaires.

Comment se positionne Super U ?

D. S. - Je peux affirmer qu’aujourd’hui nous avons la meilleure rentabilité du marché sur le format supermarché. Et il y a un autre sujet sur lequel je bataille, car je veux que les magasins gagnent en productivité, avec le projet POP, pour « Performance et organisation des points de vente ». Nous réalisons un audit du point de vente, et à la sortie, il gagne en productivité, réduit la casse produit, etc. Nous vérifions tous les points, comme la livraison, le stockage, la mise en magasin, avec POP flux marchands. Et, actuellement, nous déployons le deuxième volet, POP Opticaisse. Nous mettons aussi en place des petits outils de communication entre les employés. Ce travail de détail, de fourmi, c’est aussi le nerf de la guerre. Il n’y a pas que le prix.

Quels sont les montants investis chez Système U ?

D. S. - Le groupement investit 115 millions d’euros par an dans ses outils, avec environ 40 % des montants sur l’informatique et 60 % sur la logistique. Mais la proportion est en train de s’inverser, car les investissements logistiques les plus lourds ont été réalisés. Et chaque centime est soupesé ! Pour le reste, j’appelle mes associés à investir, tout comme le groupement. Ceux en magasins, qui sont effectués par les associés, représentent environ 400 millions d’euros par an. Nous avons encouragé les négociations bancaires globales et incité les magasins à faire part de leurs besoins. Les associés n’ont jamais arrêté d’investir chez nous. C’est la clé. Les concurrents qui rencontrent des problèmes avec l’hypermarché, par exemple, n’ont pas assez investi dans leur outil de travail, et il s’est dégradé. Nous, non ! C’est aussi simple que ça. D’ailleurs, le concurrent qui réinjecte des moyens dans son réseau… il repart très vite !

Vous avez été touché par une énorme panne informatique l’an dernier…

D. S. - Oui, et cela nous a coûté deux mois de croissance de part de marché. L’an dernier, notre hausse de chiffre d’affaires a atteint 8,2 % et, sans cette crise informatique qui a touché notre logistique, nous aurions peut-être fait encore mieux.

Quel bilan tirez-vous, à mi-mandat,de votre présidence de Système U ?

D. S. - Nous avons dû gérer une crise inédite, et notre priorité était d’aider les magasins et les clients à passer le cap. En même temps, nous avons lancé un projet interne fort, sur trois points. Le premier, c’est un contrat de base axé sur le prix et le digital. Avec l’ambition d’être le premier ou le deuxième en termes de prix sur sa zone. Notre image prix a progressé l’an dernier, et nous allons continuer. Nous mettrons notamment en place au 1er janvier 2022 un prix maximum sur les produits U, pour progresser sur l’image prix et gommer quelques petites dérives. C’est aussi la contrepartie à la baisse des cotisations.

Le deuxième point, c’est de consommer responsable dans des magasins responsables. Serge Papin nous avait emmenés sur le « mieux-manger », à nous de poursuivre vers le « mieux-consommer », et le meilleur vecteur pour cela c’est la marque U.

Le troisième point, c’est de réussir à faire rayonner le magasin par l’ultralocal, pour le rendre indispensable dans sa zone, d’être l’enseigne des territoires. Nous avons beaucoup d’idées sur l’investissement dans le patrimoine local. Certains associés ont ainsi aidé à rénover le moulin local qui fournit la farine de la boulangerie, etc. Il y a un travail en profondeur à effectuer. Et qui peut le faire mieux que Système U ?

Comment évolue l’image de Système U ?

D. S. - Nous avons mis en place la signature Commerçants autrement, et cela résonne bien, après le slogan Les Nouveaux Commerçants des années 80 jusqu’en 2018. L’enseigne se développe. En 2019, nous avons connu une année record en termes de ralliements.

Pourriez-vous racheter des magasins si l’occasion se présentait ?

D. S. - Ces dernières années, nous avons racheté cinq Géant. Et ils sont tous au-delà de leurs prévisions. Nous sommes armés, nous l’avons prouvé en rachetant ces magasins au groupe Casino, et en nous organisant en interne pour dialoguer avec des intégrés. Nous avons les moyens de soutenir des patrons indépendants qui seraient tentés par des rachats, quitte à les aider financièrement. Je sens que cela va bouger, que des mouvements vont s’opérer. Et pour les ralliements, jamais le téléphone n’a autant sonné que ces derniers temps. L’activité est là, la rentabilité aussi et, chez U, vous êtes libres. Le patron est maître de son destin. Cela n’a pas de prix quand on veut être entrepreneur !

Comment se prépare la nouvelle génération d’entrepreneurs chez U ?

D. S. - Nous n’avons pas de difficultés à recruter. Et la génération qui arrive aux commandes est souvent mieux formée qu’avant. J’ai créé un comité des jeunes U, qui n’a pas de pouvoir décisionnel, mais challenge les projets, les idées. Il est composé de personnes de moins de 30 ans, des associés, des directeurs de magasin ou des enfants d’associés impliqués. C’est quelque chose de vivifiant. Nous avons de plus en plus de clients engagés, il faut mettre en face des patrons engagés, et la nouvelle génération l’incarne bien.

Quelle est votre position par rapport aux textes législatifs en préparation (Egalim 2, loi Besson-Moreau) ?

D. S. - Sur Egalim, Système U a toujours accompagné la recherche d’une meilleure rémunération du monde agricole. Ce n’est pas un hasard si le ministre de l’Agriculture a demandé à Serge Papin un nouveau rapport. Nous partageons l’essentiel de ses préconisations. Egalim 2 devrait être discuté en juin avec une mise en œuvre pour les négociations 2022. Nous sommes d’accord pour le contrat de premier niveau et la pluri-annualité des négociations. Mais il reste deux points de vigilance, dont le périmètre de la non-­négociabilité. Sera-t-il limité aux matières premières agricoles importantes ? Le deuxième point porte sur les velléités très strictes d’encadrement de la MDD, un sujet auquel je suis opposé. La force de la France, c’est souvent son offre de MDD, et il ne faudrait pas faire basculer cette contractualisation dans une formalisation trop stricte.

De quelle manière abordez-vous le sujet de la souveraineté alimentaire ?

D. S. - J’ai participé l’an dernier à la réunion quotidienne ministérielle mise en place pendant le confinement, pendant laquelle nous nous assurions que la chaîne tienne le coup. Jamais je n’avais pensé qu’il pouvait y avoir un risque sur la capacité à alimenter les Français. Pourtant, fin mars 2020, nous avons tous craint que la chaîne rompe. Ce que cette crise m’a montré, c’est le risque de « désagriculturisation ». La grande différence, c’est que les acteurs, en France, s’organisent pour tenter de régler les choses. Chez Système U, cela se concrétise par la mise en avant de l’origine France, des produits frais locaux. Nous jouons la transparence sur nos produits à marque U, avec un renouvellement de tous nos packagings. Nous affichons l’origine France, ce qui nous oblige donc à chercher encore plus d’ingrédients français.

Les consommateurs sont-ils prêts à payer ?

D. S. - Sur les produits frais bruts, le différentiel de prix entre l’origine France et l’import atteint 15 % environ. Nous sommes à l’heure du choix, car certains Français n’ont pas la capacité de payer plus. L’an dernier, nous avons lancé l’opération six fruits ou légumes français à prix coûtant. Le point majeur repose sur la pédagogie. Si nous ne faisons rien, dans quinze ans, à la prochaine crise de cette ampleur, nous aurons peut-être des rayons vides. Jusqu’ici, nous rejetions la responsabilité sur les consommateurs. Or nous avons la responsabilité de les accompagner. Celle d’innover aussi, de prendre la main de ceux qui n’ont pas l’habitude de cuisiner, de dire qu’acheter une pomme de terre, une carotte, une escalope reviendra moins cher qu’un plat tout fait. 62 % des Français veulent une consommation qui a moins d’impact. S’il n’y a pas de grands acteurs qui prennent leurs responsabilités pour trouver des solutions, nous n’y arriverons jamais. Il faut trouver le bon équilibre sans s’embourgeoiser. Il faudrait ajouter au prix du produit ses coûts véritables, en termes de transport, etc. Derrière un magasin de hard-discount, le vrai coût est considérable, or on ne voit que le prix de base. Certes nous sommes loin de cela mais, à un moment, il faut savoir ce que l’on veut.

Que faites-vous pour les consommateurs dont le pouvoir d’achat s’est dégradé ?

D. S. - Nous avons lancé Prix mini en mai, qui est une gamme de premiers prix relookée. Elle comporte 400 produits pour démarrer et entrera en rythme de croisière à la rentrée. La marque Bien Vu avait été créée, il y a quelques années, puis arrêtée pour proposer une gamme de produits no name, mais la substitution n’a pas fonctionné comme nous le voulions. Aujourd’hui, il y a une demande de marque premier prix, d’où le lancement de Prix Mini qui repose sur un décrochage prix de 20 % environ par rapport à la MDD. L’objectif est de couvrir toutes les catégories, car nous constatons un besoin, et l’export est très demandeur également.

Que penser de la loi Climat et Résilience, qui va nécessiter d’adapter les magasins ?

D. S. - C’est justement pour cela qu’il faut le faire dès maintenant, pour que les bâtiments de nos magasins aient un impact moindre... C’est dans le sens de l’histoire. Il faut mettre des petites graines dès aujourd’hui car, dans dix ans, il sera trop tard.

Quid des centrales d’achats européennes, souvent montrées du doigt ?

D. S. - Bruno Le Maire nous a reçus, les uns les autres, il y a quelques mois, pour faire le point après l’offre de Couche-Tard sur Carrefour, et nous demander notre vision de l’avenir du métier. Je lui ai expliqué que les pouvoirs publics doivent absolument fixer un cadre clair sur ce qui est possible de faire ou pas à l’international. Nous ne pouvons pas aller d’une condamnation à l’autre sans fixer des règles du jeu.

Le regard sur la grande distribution a-t-il changé avec la crise ?

D. S. - J’ai été frappé par le formidable soutien du public et des pouvoirs publics à l’issue du premier confinement. Le 22 avril 2020, le président de la République a d’ailleurs choisi Système U pour venir saluer la profession et la chaîne alimentaire en visitant le magasin de Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère. C’était un honneur pour nous et la profession. Mais, très vite, tout s’est retourné, avec des projets de loi très contraignants. Le plus grand drame, alors que nous avions renoué un lien avec la population, est qu’on se retrouve aujourd’hui à 50 % de défiance vis-à-vis de la grande distribution, contre 37 % de confiance seulement. C’est comme un ring de boxe : on prend des coups, on tombe mais il faut toujours se relever, jusqu’à la victoire.

Propos recueillis par Morgan Leclerc, Jérôme Parigi et Yves Puget

Cette interview est extraite du magazine. Vous pouvez retrouver la version longue de cet entretien publiée sur le web, en cliquant ici

Les chantiers et objectifs de système U
  • Atteindre 12 % de part de marché.
  • Au 1er janvier 2022, harmoniser la cotisation payée par les adhérents des différentes régions sur celle de la région Ouest, la plus faible.
  • Mettre en place de manière imminente une double tarification pour dissocier le drive et la livraison à domicile.
  • Ambition d’ouvrir une centaine de magasins de proximité pour atteindre les 900 en France.
  • Passer de 100 à 140 hors de métropole dans les deux à trois prochaines années.
Dominique Schelcher, en compagnie d’Édouard (1er à gauche) et Philippe Deshayes (au 1er plan à droite), de la famille aux commandes depuis des décennies du Super U de Neuville-aux-Bois, dans le Loiret.
Dominique Schelcher (à gauche) interviewé par LSA avec Yves Puget, directeur de la rédaction, Jérôme Parigi, rédacteuren chef adjoint, et Morgan Leclerc, chef de rubrique distribution alimentaire.
Dominique Schelcher se dit confiant pour l’avenir, car l’activité et la rentabilité se portent bien dans le groupement d’indépendants.

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