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La clause de non-concurrence vise classiquement à empêcher l’ancien franchisé d’exercer une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte. C’est donc, comme son nom l’indique, une restriction de concurrence.
Le franchiseur en stipulant cette clause souhaite, d’une part, protéger son savoir-faire, socle même de son activité économique et du déploiement de son réseau. L’objet premier et la seule justification de la clause en droit de la concurrence est donc la préservation de son secret de fabrication ou de commercialisation : le franchisé qui quitte le réseau ne doit pas pouvoir continuer à exploiter celui-ci, à peine de le divulguer et finalement de le rendre banal et de lui faire perdre son avantage concurrentiel.
D’autre part, et ce de manière moins avouable au regard des paradigmes respectés du droit de la concurrence, si par le jeu de cette clause le franchiseur peut éviter que l’ancien franchisé ne vienne accroître la part de marché de l’un de ses concurrents, il pourra se consoler en voyant que sa part de marché relative n’a pas baissé dans la même proportion qu’a augmentée celle de son concurrent direct.
Si l’objectif premier de la clause de non-concurrence est ainsi d’orienter l’ancien franchisé vers une activité distincte de celle qu’il prend soin de développer par l’intermédiaire de son réseau, revêtant alors l’étoffe d’une technique contractuelle efficace à la protection du réseau du franchiseur, il est toutefois important de rappeler au franchiseur que la clause de non-concurrence ne saurait venir porter atteinte à la liberté d’entreprendre du franchisé et aux principes même du droit de la concurrence en l’empêchant d’exploiter purement et simplement son fonds de commerce.
Un usage assez restreint
A cet effet, il est utile d’attirer l’attention du franchiseur sur les effets restrictifs de concurrence que la clause de non-concurrence peut engendrer, et ce tant au regard de la réglementation nationale que communautaire.
De manière générale, au titre de ces réglementations, une pratique ne peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, et ce notamment en limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence.
La clause de non-concurrence doit alors, dans un premier, être à l’évidence considérée comme une restriction de concurrence dès lors susceptible d’être constitutive d’une entente au titre de l’article L420-1 du code de commerce/101 du TFUE, et pour certains possiblement d’abus de position dominante au titre de l’article L420-2 du code de commerce/102 du TFUE selon le contexte économique et commercial dans lequel elle est placée.
Utilisée dans de nombreux contrats de distribution, il est utile de faire un bref rappel sur l’usage restreint qui lui est toutefois réservé, et ce au regard des réglementations respectivement citées.
D’une part, il est fort intéressant de relever que les dispositions du droit national font état de ce qu’une pratique anticoncurrentielle puisse échapper à la prohibition des articles L420-1 et L420-2 du Code de commerce et aux sanctions qui en résultent notamment « lorsque leurs auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer le développement du progrès économique ».
Pour être légitimée, la pratique doit alors impérativement satisfaire aux conditions suivantes :
- « Assurer le développement du progrès économique
- Réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte
- Ne pas imposer de restrictions de concurrence qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs
- Ne pas donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause »
S’agissant d’autre part des dispositions du droit communautaire, le Règlement 330/2010 relatif aux restrictions verticales exclut dans un premier temps « toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur à l’expiration de l’accord, de fabriquer, acheter, vendre ou revendre des biens ou des services » du bénéfice de l’exemption par catégories qu’il prévoit.
Limitée tant dans sa durée que dans son champ d’application
Il est toutefois utile de revenir sur les critères de licéité qui ont été mis en place par dérogation à ce principe d’interdiction, et qui concernent précisément la clause de non-concurrence, à savoir lorsque :
- L’obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou les services contractuels ;
- L’obligation est limitée aux locaux (…) à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ;
- L’obligation est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ;
- La durée de l’obligation est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord.
Il s’agit dès lors de veiller à ce que la clause de non-concurrence soit bel et bien limitée tant dans sa durée que dans son champ d’application géographique, nécessaire/indispensable et proportionnée à l’objectif qu’elle tend à poursuivre, à savoir la protection d’un savoir-faire transféré par le franchiseur au franchisé. La justification littéraire de la clause dans le contrat de franchise, au regard de la nécessité de protéger le savoir-faire est un élément indispensable pour limiter les risques de contestation de sa validité. Au-delà, elle sera toujours limitée de manière raisonnable dans le temps et l’espace, ce qui est plus objectif.
L’efficacité de la clause de non-concurrence ne peut être contestée en pratique, notamment du fait de l’effet dissuasif qu’elle créé : l’ancien franchisé hésitera plus à continuer à exercer une activité similaire ou analogue à titre indépendant ou à travers un réseau concurrent. Il risque l’astreinte et les dommages intérêts et en vérité ne peut quitter le réseau que s’il accepte de réinvestir en dehors du champ de l’étendue géographique de la clause.
Vidé en partie de sa substance, puisque démuni d’enseigne et de son aménagement mobilier, transféré dans un autre local, le fonds de commerce de l’ancien franchisé aura perdu beaucoup de sa substance. Le franchiseur est alors bien placé soit pour négocier un renouvellement, soit pour acquérir dans de bonnes conditions le fonds de commerce du franchisé ;
Dans ces conditions, il est clair que la clause de non concurrence est un outil efficace pour la protection du périmètre du réseau ; toutefois, elle reste une technique contractuelle relativement contraignante pour le franchisé de sorte que son encadrement légal et jurisprudentiel fragilise sa validité et donc son efficacité systématique. Quand bien même elle serait invalidée, le franchiseur ne court pas grand risque à la stipuler : au pire elle sera annulée mais le franchisé l’ayant violé n’aura pas subi de préjudice du fait de son jeu.
L'auteur
Jean-Baptiste Gouache, est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise. Le cabinet est classé « incontournable » en droit de la franchise par la revue « décideurs ».
Gouache Avocats est un cabinet spécialisé, qui conseille exclusivement des enseignes et des promoteurs de réseaux de distribution. Ses avocats maîtrisent les techniques contractuelles de la distribution (franchise, licence, concession, commission, centrales d’achat et de référencement, agence et mandat, coopérative, etc.). Le cabinet accompagne environ 200 enseignes françaises, opérant dans tous les secteurs d’activité, tant dans leurs opérations de distribution en France qu’à l’international.
Jean-Baptiste Gouache, est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise. Le cabinet est classé « incontournable » en droit de la franchise par la revue « décideurs ».