Jean-Claude Bourrelier, l'agitateur du dimanche
Sorti du bois à l’occasion des débats sur l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche, Jean-Claude Bourrelier est un autodidacte. Celui qui a mis sur pied un impressionnant réseau, Bricorama, revient sur un parcours parsemé d’embûches et de handicaps, qu’il a toujours réussi à surmonter.
Certaines personnalités sortent du cadre traditionnel. Jean-Claude Bourrelier fait partie de celles-là. Un exemple parmi tant d’autres illustre le caractère singulier du personnage. Au sortir d’une journée marathon sur le travail dominical à Matignon, le patron de Bricorama improvise une conférence de presse dans une brasserie parisienne… pendant laquelle il avalera son croque-monsieur tout en répondant aux journalistes présents. Un côté nature revendiqué à qui veut l’entendre par celui qui n’a pour tout diplôme en poche qu’un CAP de charcuterie.
Adolescent, il débute dans un boulangerie, puis devient employé chez Black & Decker. C’est là qu’il entrevoit le potentiel des magasins de bricolage au début des années 70, et se lance dans l’aventure en ouvrant un premier magasin en 1975, dans le XIIIe arrondissement de Paris. De rachats en fusions, cet autodidacte, qui a perdu son père à l’adolescence, dirige une entreprise aujourd’hui cotée en Bourse dont il détient 87% avec sa famille. « L’homme a bâti un groupe dont la taille force le respect », commente un observateur, aguerri au monde du bricolage. Un groupe qui pèse, certes, près de 700 millions d’euros aujourd’hui, mais reste petit face aux géants du secteur tels Adeo (Leroy Merlin, Weldom) ou Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt).
Pas vraiment la langue dans la poche
Ses concurrents, l’homme de 67 ans ne les porte pas vraiment dans son cœur, et les accuse de nombreux maux, quand il ne s’agit pas d’entraves à son développement. Et ce dans des termes pas toujours plaisants, ce qui lui vaut des relations plutôt conflictuelles avec ses homologues. Ce franc-parler a même conduit à l’exclusion de Bricorama de la Fédération des magasins de bricolage, il y a dix-huit mois, « faute de pouvoir travailler dans un climat de cohabitation durable », glisse la fédération. Pestant contre la fermeture imposée de ses magasins le dimanche alors que les autres obtenaient dérogations et autorisations, Jean-Claude Bourrelier a – largement – contribué à remettre le dossier du travail dominical sur le devant de la scène. Cette ténacité lui a valu d’être nommé chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur par Arnaud Montebourg, une décoration plusieurs fois refusée, mais que le patron serait désormais enclin à accepter.
Vous avez dit têtu « J’ai été sourd jusqu’à l’âge de 20 ans. Et suite à une opération, j’ai de nouveau entendu. Cela a changé ma vie. La chose dont je suis le plus fier, c’est d’avoir réussi à vaincre ma timidité, mes blocages. Je suis franc du collier car cela vous libère de beaucoup de choses », dévoile Jean-Claude Bourrelier. Tellement franc du collier qu’il ne compte plus les procédures en justice qu’il a affrontées, contre ses concurrents, voire même contre les syndicats de Bricorama. « Quand on aime, on ne compte pas ! », rigole-t-il à ce sujet. Entre ses bureaux et les visites de magasins qu’il effectue le dimanche, le patron travaille sept jours sur sept.
Cela aurait pu changer en 2007, lorsqu’il envisage la cession de Bricorama en LBO à ses salariés. Jean-Claude Bourrelier a tout prévu, puisqu’il a déjà investi dans les énergies renouvelables et se voit bien déployer ses talents d’entrepreneur dans ce domaine. Se rendant régulièrement aux Pays-Bas, dans ses points de vente, il s’intéresse aux éoliennes, et s’engage sur ce créneau. Il possède aussi, à l’époque, une usine de pellets [des granulés de bois, NDLR] dans l’Est de la France. Bref, tout est prêt pour qu’il se consacre pleinement à cette nouvelle activité, une fois Bricorama cédé. Mais la crise financière de 2008 met brusquement un terme au LBO, et marque le retour aux affaires de la famille Bourrelier, ce qui signifie le départ de quelques collaborateurs dont Erik Haegeman, l’ancien directeur général.
La deuxième génération bientôt aux commandes
Selon le classement annuel du magazine Challenges, Jean-Claude Bourrelier et sa famille posséderaient un patrimoine de 195 millions d’euros (chiffre 2013), patiemment construit, qui aidera peut-être l’enseigne à batailler, dans un marché en pleine concentration. D’ailleurs, fidèle à lui-même, le patron de Bricorama a pris sa plume, via une lettre ouverte à Arnaud Montebourg, pour se plaindre du rapprochement entre Kingfisher et Mr. Bricolage, de nature à porter un nouveau coup de boutoir au commerce de proximité que représentent Bricorama et son patron, devenus quasi indissociables l’un de l’autre. « Il se fait marginaliser au fur et à mesure, et se retrouve concurrencé sur ses forces, comme la présence en centres-villes, sans oublier le manque de taille critique au niveau des achats », analyse un consultant, qui prévoit des années compliquées à venir pour l’enseigne.
Alors qu’il pourrait faire valoir ses droits à la retraite, Jean Claude Bourrelier se voit continuer à travailler encore quelque temps. « J’ai demandé à mes deux fils de me donner un coup de main [son fils Jean-Michel est directeur général délégué, NDLR]. Je me vois leur céder Bricorama d’ici à cinq ans, un délai nécessaire en termes d’accompagnement. » L’heure sera alors à la transmission symbolique de son emblématique chemise jaune, la couleur de son enseigne, qui a contribué à le faire connaître dans les médias.
Un féru de sport… qui aurait pu racheter le FC Nantes
Lorsque le Football Club Nantes est mis en vente par Dassault en 2007, Jean Claude Bourrelier jette un œil sur le dossier. En tant qu’amateur de sport, on lui fait remarquer que la couleur du club, le jaune, est également celle de Bricorama… L’affaire ne se concrétisera pas, « car, quand vous comparez les exigences salariales d’un joueur de football et celui d’une caissière, on perd le sens de la mesure », indique le patron, qui a également jeté un œil du côté du cyclisme, une discipline où « le ticket d’entrée est cher, mais les retombées élevées ».
Parmi les personnalités qu’il admire figurent Jean-Michel Aulas, qui détient à la fois l’Olympique lyonnais et la Cegid (logiciels pour le retail notamment), ainsi que Noël Le Graet, président de la Fédération française de football, du Club de Guingamp, et d’un groupe agroalimentaire breton (180 millions d’euros de CA).
Jean-Claude Bourrelier en dates
- 16 août 1946 Naissance à Saint-Calais (Sarthe).
- 1975 Ouverture d’un premier magasin sur le boulevard Vincent-Auriol, à Paris.
- 1990 Exclusion du réseau de franchisés Mr. Bricolage.
- 1992 Rachat de l’enseigne Bricorama.
- 1996 Décide d’introduire Bricorama à la Bourse de Paris.
- 2008 Échec du LBO destiné à céder Bricorama à ses salariés.
- 2013 Jean-Claude Bourrelier dirige un groupe qui représente un chiffre d’affaires de 692 millions d’euros (enseignes Bricorama, Batkor en France, Gamma et Karwei au Benelux ; Bricorama en Espagne).
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