Jean-Philippe Girard (Ania) veut se faire entendre des candidats à la présidentielle
Cap sur 2017. Le président de l’Ania tout juste réélu veut sonder les candidats à la présidentielle sur de nombreux sujets visant à défendre l’industrie alimentaire. Relations commerciales, mais aussi nutrition, financements, investissement, réputation, numérique, le programme est vaste. Et il est contre une réforme de la LME dans la loi Sapin.
Sylvain AUBRIL
\ 15h50
Sylvain AUBRIL
Les campagnes présidentielles sont toujours l’occasion pour les lobbies de tenter de faire entendre leur voix, avant que les politiques n’oublient leur programme, quand ils en ont un. Le président de l’Ania, Jean-Philippe Girard, tout juste réélu pour trois ans - “c’était plus facile, j’étais le seul candidat” - entend bien faire de ce moment une tribune pour l’agroalimentaire et sonder les esprits des candidats. Car, “pour l’industrie alimentaire, ca ne va pas mieux, les marges sont écrasées”, déclare-t-il, en écho au “ca va mieux” du président de la République, François Hollande.
Mais avant cela, il ne veut pas de la loi Sapin 2 concernant les relations commerciales avec des articles préparés dans la précipitation - même l’idée des contrats pluriannuels à l’étude par la DGCCRF - et sans concertation. “J’ai été auditionné par les députés sur des amendements dont je n’avais même pas connaissance !” Il préfère attendre le rapport des économistes missionnés par Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, qui devrait être rendu public en septembre, juste avant le Congrès des négociations commerciales de LSA.
Il convient d’ailleurs de ne pas savoir s’il faut changer la loi pour que les relations commerciales s’améliorent, tel qu’un retour au seuil de revente à perte ou autre. Un groupe de travail, présidé par Jérôme Foucault et challengé par un cabinet extérieur, est chargé de se pencher sur la question. L’application de la loi avec des sanctions plus élevées pourrait suffire. Les candidats à la présidentielle pourraient être sensibilisés à la question. “Nous sommes encore plus inquiets pour les négociations de 2017 que pour celles de 2016”, au cours desquelles l’Etat n’aurait guère eu de poids pour faire changer les comportements des distributeurs.
L’Ania s’allie avec l’Artisanat pour l’apprentissage
Ensuite, l’emploi. Là non plus, “ca ne va pas mieux”. 4000 emplois ont été créés, mais ce n’est pas suffisant pour une industrie qui pèse 170 milliards d’euros, avec 450 000 emplois directs et 45 milliards d’euros à l’exportation. Cette fois, l’Ania va s’allier avec Coop de France et la puissante fédération des artisans pour développer l’apprentissage des jeunes dans les usines, pour des métiers dont il faut changer l’image. “C’est un fait, nous avons à apprendre de l’artisanat à ce sujet”, admet Jean-Philippe Girard. Mais là aussi, il faut que les candidats à la présidentielle suivent et s’engagent à soutenir les initiatives, sans ajouter de nouveaux obstacles.
Un autre groupe de travail va être chargé de la nutrition, alors que vont être testés quatre types d’étiquetages nutritionnels en septembre sous l’égide du ministère de la Santé dans 50 supermarchés. “C’est important, l’Europe nous regarde, mais on me dit qu’en Grande-Bretagne, où il y a des traffics lights, les consommateurs n’y attachent guère d’importance”. Il regrette l’initiative en cavalier seul de E.Leclerc avec son “Nutri Mark”. “Que voulez-vous, c’est Michel Edouard Leclerc, soupire-t-il. Un cinquième système, un de plus, c’est décevant. D’autant plus que c’est un personnage important que les gens écoutent. Le Pr Hercberg lui aussi intervient beaucoup. Nous, nous restons neutres, nous ne communiquons pas sur nos préférences”.
Une litote,car les industriels -comme les distributeurs - ont fait le siège du ministère de la Santé pour s’opposer à tout étiquetage “stigmatisant”. Là encore, l’avis des candidats à la présidentielle sera scruté, surtout si aucune obligation n’était prise avant l’élection. Et quoi qu’il en soit, l’alimentation et la santé resteront des thèmes majeurs pour l’Ania. Cette industrie doit se refaire une réputation en matière de qualité vis à vis des consommateurs, d'où le "pacte alimentaire" et la "qualité pour tous" lancés avec force lors des Assises de l'alimentation, tout récemment.
Prise de distance avec l’agriculture
Autre info d’importance, l’Ania semble prendre un peu ses distances avec l’Agriculture. Le nouveau groupe de travail s’appellera d’ailleurs “Matières Premières”, et pas Agriculture et son but sera d’analyser si la “qualité, la disponibilité et la compétitivité” sont bien au rendez-vous. Les crises laitières et porcines, et les manifestations agricoles au moment des négociations, contre les distributeurs mais aussi les industriels du lait, de la viande ou de la charcuterie, ont peut-être laissé des traces. Quant aux réunions tripartites - industrie, agriculture, distribution, “ca ne marche pas, il n’en sort rien, le ménage à trois ne fonctionne pas. Je préfère des réunions industrie-agriculture, puis industrie-distribution”, même si, évidemment, tous les acteurs de la filière doivent pouvoir dégager de la valeur ajoutée. La mention d’origine, si elle devenait obligatoire, ne convient pas non plus à l’Ania.
Enfin, il concède que si les marges de l’industrie alimentaire ne se sont pas reconstituées comme pour le reste de l’industrie, les mesures prises par le gouvernement comme le crédit-recherche, le suramortissement et le CICE sont appréciés des industriels et qu’il faudrait les conserver. En revanche, l’industrie aurait du mal à trouver des financements auprès des banques. Il faut aussi développer l’export - on n’y vend que des spiritueux, des vins et des fromages - et s’inscrire dans la Nouvelle France Industrielle - usine, logistique, froid, numérique - et enfin rencontrer les présidents de régions - qui eux ne sont pas candidats à la présidentielle, mais qui ont de nouveaux pouvoirs entre les mains qui peuvent intéresser l’industrie...