Jeff Bezos, PDG d’Amazon, défend "la meilleure affaire de l'histoire du commerce"
Même si la présence médiatique du fondateur d’Amazon se fait moins rare depuis qu’il a racheté le Washington Post, Jeff Bezos poursuit sa partie de cache-cache avec les médias. Le magazine américain Fast Company a pu lui rendre visite au siège social de l’empire qu’il a fondé, à Seattle. Entre Amazon Fresh, logistique et service client, morceaux choisis.
GUILLAUME BREGERAS
\ 08h00
GUILLAUME BREGERAS
Personnalité peu prolixe et difficile à cerner, Jeff Bezos est entré dans le cercle très restreint des patrons iconoclastes de la mondialisation. Autant adulé que diabolisé, il n’est finalement peut-être qu’un homme comme les autres… Un homme dont la femme prépare la valise avant chacun de ses déplacements. Ou bien encore simplement ce "gars qui vend des livres" comme le surnomme Georges Plassat, PDG de Carrefour. Une chose est certaine, à travers cet entretien, il apparait d'autant plus déterminé vis-à-vis de son modèle de prix bas et de services premium qu’il défend depuis la création d’Amazon en 1995. Et parfois, cela entraine une légère distorsion de la réalité. Dans l’interview qu’il a accordée au magazine américain Fast Company, il déclare en toute simplicité que "Amazon Prime (le service premium du e-commerçant) est la meilleure affaire de l’histoire du commerce"… du point de vue client l’on entend… "Client", un mot qu’il répétera à 40 reprises durant l’entretien selon le journaliste…
Prix bas et vitesse
De cette brève entrevue, nous retenons surtout son postulat sur la question du prix: "Dans l’ancien monde, vous pouviez gagner votre vie en espérant que vos clients ne sachent pas vraiment si vous étiez compétitif ou pas. C’est une stratégie très ténue dans le nouveau monde. Vous ne pouvez plus vous contenter de faire croire aux gens que vous avez les meilleurs prix, il faut vraiment les avoir. Vous ne pouvez plus les persuader que votre livraison est rapide, vous devez concrètement les livrer très rapidement." Et pour résoudre cette improbable équation discount/service, il s’appuie de manière obsessionnelle sur la technologie et la logistique: "Ce qui se passe actuellement, c’est que nous pouvons stocker géographiquement près de tous les grands centres urbains majeurs. Si nous sommes suffisamment intelligents, je veux dire si nous avons la bonne technologie, les bons systèmes informatiques, les bonnes machines pour placer ces stocks au bon endroit, et bien nos produits n’auront plus besoin d’être livrés pas les airs. Ce sera moins couteux, nous utiliserons moins de carburant et nous livrerons encore plus rapidement."
25 millions de clients "Prime" dans 4 ans
Cette vision détermine la stratégie d’implantation de ces gigantesques entrepôts, au nombre de 89 à travers le monde, qui servent de rampe à la livraison ultra-rapide des produits, nerf de la guerre du e-commerce. La logistique mise en place doit permettre de sortir un colis prêt à être livré à peine 2h30 après que le client ait validé sa commande. Avec 209 millions de clients actifs, la tâche est un challenge quotidien… Une tâche qui pourrait encore se compliquer avec la multiplication des clients "Amazon Prime". 10 millions aujourd’hui, ils devraient être 25 millions d’ici 2017, prévoit Morning Star. Et ce n’est pas tout, la commande moyenne annuelle d’un client "Prime" s’élève à 1.224 dollars contre 700 pour un client régulier. Pas simple de tenir alors la même promesse de livraison gratuite sous deux jours.
Amazon Fresh va bien s’internationaliser
Comment Jeff Bezos peut-il alors concevoir le développement de son modèle Amazon Fresh à grande échelle? S’il confirme étendre cette expérimentation à 20 nouveaux centres urbains, dont certains à l’étranger, il donne quelques précisions sur la premiumisation du service. En basculant son compte "Amazon Prime" vers "Prime Fresh" pour un coût de 299 dollars par an, il garantit la livraison gratuite pour les montants d’achat supérieurs à 35 dollars. En déployant cette méthode, "Amazon espère transformer des clients mensuels en clients hebdomadaires", explique Tom Furphy, ancien dirigeant qui a lancé Amazon Fresh en 2007 avant de quitter l’entreprise deux ans plus tard. "C’est grâce aux nouveaux volumes générés par ces commandes livrées en un jour que les investissements consentis se justifieront."
Une manière d’entrer enfin dans le deuxième jour de l’histoire d’Amazon comme l’évoque ironiquement son patron: "Le deuxième jour commencera lorsque la vitesse du changement ralentira. Il y a encore tellement à faire du point de vue de l’expérience client avec la technologie que je pense toujours que nous n’en sommes qu’au premier jour. Et plutôt au début de ce premier jour…"
Jeff Bezos dans la presse US:
Il est élu personnalité de l'année 1999 par le magazine Time. A 35 ans, il est alors la quatrième personnalité la plus jeune à décrocher ce titre après Charles Lindbergh, Elizabeth II et Martin Luther King.
Dans son dernier classement des plus grandes fortunes mondiales, le magazine Fortune le place en 19e position. Soit un gain de 7 places par rapport à l'année précédente.