L'arrivée de Free Mobile en questions

Une fois l'immense buzz de l'offre Free Mobile retombé, il est temps d'en analyser les propositions, l'offre elle-même, et ses effets, tant sur la concurrence que sur le pouvoir d'achat, en passant par la distribution. Décryptage en quatre temps de l'arrivée du quatrième opérateur.

Partager
L'arrivée de Free Mobile en questions

Le produit high-tech de l'année est déjà sorti et il s'agit donc, contre toute attente, d'un prix : 19,99 €. Comme avec l'internet fixe à 29,99 €, Free refait le coup du prix étalon. Tantôt comparé à Steve Jobs, tantôt à Michel-Édouard Leclerc, Xavier Niel a assurément emprunté aux deux. Au premier sa capacité à défricher des marchés pour faire réagir la concurrence, au second sa rhétorique sur le pouvoir d'achat, jamais autant en vogue qu'en ce début d'année rigoureux. Reste que derrière l'éclat de la conférence de la semaine dernière, le retour au terrain ne sera peut-être pas aussi fastueux. Cette arrivée boulet de canon du quatrième opérateur mobile soulève bien des questions. Peut-on réussir sur ce marché sur la seule foi d'un prix attractif ? La distribution de téléphone a-t-elle encore une pertinence à l'heure où tous les opérateurs ne jurent que par la vente directe de forfait ? Comment vont réagir les opérateurs ? Y aura-t-il un réel impact de Free sur le pouvoir d'achat ? Revue non exhaustive d'interrogations auxquelles LSA tente de répondre.

1. Quelles sont les chances de Free ?

Lorsqu'on arrive sur un marché en divisant les prix par deux, c'est rarement pour faire de la figuration. Xavier Niel, PDG de Free, ne s'en cache pas, il vise les 25% de part de marché dans le mobile (sans donner d'échéance), soit aux alentours de 15 millions de clients.

Un forfait attractif y suffira-t-il ? « Il y a certes beaucoup de clients qui vont y aller sans prendre de mobile pour réduire leur facture, observe Norbert Djeffal, directeur d'exploitation de l'enseigne Internity (170 magasins en France). Mais le téléphone reste une clé d'entrée importante dans ce marché. » Les Français en changent tous les vingt et un mois en moyenne et plébiscitent les innovations, en témoignent les ventes d'iPhone en France, parmi les plus fortes du monde.

Et là, Free n'est plus si compétitif. Au-delà de l'offre réduite du début (sept mobiles actuellement sur le site), le crédit proposé par le nouvel opérateur fait gonfler la note, du moins pour un iPhone 4S de 16 Go : Free le facture au total 720 €. Un modèle vendu 90 € moins cher sur l'Apple Store. Donc, derrière la vitrine à 19,99 €, se cache, en fait, un « abonnement » à 50 € par mois pour le client désireux d'acquérir ce smartphone.

Un très fort capital sympathie

Ce qui reste tout de même l'offre la plus compétitive du marché pour du tout illimité sans engagement. D'ailleurs, selon GfK, près de 78% des Français seraient prêts à souscrire à l'offre Free Mobile dans les prochains mois (39%) ou d'ici à la fin de leur engagement avec leur opérateur (25%). Un engouement qui s'explique pas le rejet des opérateurs historiques. Pour 73% d'entre eux, « l'offre de Free prouve que les opérateurs ont pris leurs clients pour des " vaches à lait " depuis des années », selon l'étude.

Car Free s'est attiré un capital sympathie qui pèse aussi dans la balance. « Dans un contexte de défiance généralisé vis-à-vis des marques, des enseignes et de la publicité, il ne faut pas sous-estimer l'aspect psychologique dans la décision du client, analyse Frank Rosenthal, expert marketing, créateur de l'agence FRC. Il risque d'aller chez Free, même si, au final, la différence n'est plus si forte avec les nouvelles offres de la concurrence. » Le seul frein pourrait être celui de la relation client. En renonçant à ouvrir un grand nombre de magasins (100 en deux ans), Free se prive d'un contact direct pour le conseil, l'aide à l'utilisation et le SAV. Or, une relation client minimale limiterait l'attrait de Free aux initiés, dont le poids est estimé à 15-20% du marché.

FORFAITS ATTRACTIFS, TÉLÉPHONES MOINS

Le forfait premium (sans téléphone)

19,99 € pour de l'illimité voix, SMS/MMS, internet jusqu'à 3 Go par mois, puis débit réduit (ce que l'on appelle le « fair use »)

15,99 € la même offre pour les abonnés FreeBox Le petit forfait

2 € pour soixante minutes de voix et 60 SMS

0 € la même offre pour les abonnés FreeBox

Source : Free

Aux forfaits nus, il faudra ajouter, le cas échéant, le prix du téléphone. À date, sept téléphones sont disponibles grâce à des crédits gratuits de douze, vingt-quatre ou trente-six mois. Pour l'iPhone 4S d'Apple par contre (lancement le 27 janvier), il faudra payer 1 € à l'achat du modèle 16 Go, puis 29,99 € sur vingt-quatre mois, ou 19,99 € sur trente-six. Soit un peu plus de 720 € au final, contre 629 € le téléphone seul dans le commerce. Free et son partenaire de crédit prennent donc 14% dans l'opération.

2. Comment va réagir la concurrence ?

Dans le Tour de France, il y a les grimpeurs et les rouleurs. Ces derniers savent qu'ils perdront du temps dans les côtes, mais qu'ils le rattraperont en contre-la-montre. À condition de ne pas trop en perdre. C'est la même chose chez les opérateurs. Ils ont conscience qu'ils ne pourront pas suivre la cadence infernale de Free sur le prix, mais ils vont mettre en avant le service, leurs boutiques, la confiance qu'ils suscitent auprès de leurs clients pour rattraper le potentiel maillot jaune. « Je crains que ça ne suffise pas, anticipe Franck Rosenthal. Free a jeté le trouble sur l'image prix de ses concurrents, qui en a pris un sacré coup. Les consommateurs sont passés de la suspicion à une perte totale de confiance. »

Du service et des forfaits «Free killer»

Comprendre : les opérateurs vont devoir se serrer la ceinture. Et ils ont déjà tous réagi. SFR et Orange, via leurs marques low cost, Red et Sosh, proposent une nouvelle grille tarifaire avec un forfait « Free killer » à 24,90 €. Certes plus cher, « mais, nous, nous proposons du service dans nos 1 200 boutiques », réplique Delphine Ernotte-Cunci, directrice exécutive d'Orange. Seul Bouygues Telecom a choisi de calquer son offre à bas prix B&You (disponible exclusivement depuis son site internet) sur celle de Free : appels SMS/MMS illimités, internet jusqu'à 3 Go et 40 destinations en illimité vers l'étranger, le tout pour 19,99 € et sans engagement.

Du côté des opérateurs virtuels, les marges de manoeuvre sont plus étroites et dépendent des tarifs de gros. Virgin Mobile - quatrième français avec plus de 2 millions de clients - a rapidement fait savoir qu'il lançait un forfait illimité à 19,90 €. L'opérateur virtuel Zéro forfait entend même aller plus loin : tout illimité sans engagement à 18,90 €. Mais lui ne dispose pas de son propre réseau, à la différence de Free. Quant aux offres des distributeurs, qui, hormis Auchan Télécom, n'avaient pas vraiment suscité d'engouement, elles se trouvent marginalisés avec le forfait à 2 €. L'ensemble du secteur devra rapidement réagir, car le contre-la-montre, c'est maintenant.

3. Que va faire la distribution ?

C'est l'autre grande perdante de l'arrivée de Free dans le mobile. En décidant d'opter pour une distribution directe via son site, son centre d'appels et son futur réseau de boutiques, Free rend caduque l'offre proposée par les boutiques spécialisées et les hypermarchés, qui n'est rien d'autre que celle des opérateurs historiques. D'autant que ces derniers contre-attaquent exclusivement avec leurs offres « low price » (Sosh pour Orange, Red chez SFR et B&You pour Bouygues) disponibles sur leurs sites propres. Dès lors, comment réagir ? Déjà, faire des oeillades à Free, sait-on jamais, comme l'a fait The Phone House dans un communiqué. Ou alors lancer une sorte de « Grenelle des opérateurs », stratégie de Michel-Édouard Leclerc, qui réclame les mêmes tarifs pour ses magasins. « Je vais les convoquer pour leur dire : si Free arrive à faire ces prix-là en utilisant vos réseaux [en l'occurrence celui d'Orange, NDLR], nous aussi, nous le souhaitons, donc renégocions ! », a-t-il lancé sur BFM TV le lendemain de l'annonce de Free. Il pense, là aussi, à son offre Leclerc Mobile, qui risque de pâtir de l'offre à 2 € de Free.

Jouer sur l'accompagnement

De leur côté, les enseignes spécialisées ont déjà noté les points faibles de Free et comptent s'engouffrer dans les brèches. « Notre principal atout, c'est l'accompagnement, revendique Gregory Coillot, directeur marketing de The Phone House. Pour nos clients, nous paramétrons les comptes, téléchargeons les premières applications, configurons les mails et transférons les contacts... Qui va le faire chez Free ? » D'ailleurs, l'enseigne a commencé à déployer ses « Geek Squads » (40 magasins en seront dotés d'ici à 2013) sur le modèle de celles de sa maison mère, Best Buy, soit une sorte de Genius Bar à la Apple.

Enfin, les enseignes envisagent aussi de faire évoluer leurs offres en se concentrant sur la vente de téléphones « désimlockés » (utilisables chez tous les opérateurs) pour pallier la faiblesse de Free en la matière. Problème : la marge est bien moins élevée sur le matériel que sur les forfaits. Dernière option : favoriser le quadruple play, compétitif en termes de prix et surtout très difficile à vendre hors magasin tant le conseil et le service sont importants avec cette offre.

78%

La part des Français qui ont l'intention de souscrire dans les prochains mois à l'offre Free Mobile

Source : GfK

4. Quel est l'impact sur le pouvoir d'achat ?

Xavier Niel le claironne sur les plateaux de télévision : selon ses calculs, grâce à son initiative, entre 6 et 7 milliards d'euros vont être réinjectés dans l'économie. Comment ? En faisant fondre le sacro-saint Arpu (le revenu moyen par abonné en France), environ 40 € dans le mobile. Free anticipe une guerre des prix qui réduira la facture mensuelle moyenne de 10 €. Avec plus de 60 millions d'abonnés mobile en France, cela ferait une économie de 600 millions d'euros par mois et plus de 7 milliards annuels. Selon une analyse du courtier Raymond James Equities, le scénario pourrait être plus violent encore avec un Arpu tombant à 20 € d'ici à trois ans. Une économie certaine pour le public, qui voit déjà en Free son grand défenseur du pouvoir d'achat. D'où, d'ailleurs, la volonté d'un Leclerc, vexé de s'être fait ravir le titre, de convaincre les opérateurs de lui faire des propositions comparables.

Du trésor à la récession

Sauf que, dans la réalité, cette manne ne représente, en fait, qu'un transfert de revenu des opérateurs vers le client. Orange, SFR et Bouygues vont devoir trancher dans certaines dépenses pour amortir la baisse de marge, ce qui réduira l'investissement et, donc, l'emploi, ce qui pourrait avoir un impact sur le pouvoir d'achat. À moins qu'ils ne coupent dans les dividendes versés, ce qui est peu probable. Dans le même temps, la baisse du prix entraînera des rentrées de TVA moindres pour l'État, amputant ainsi ses capacités de redistribution. Bref, si dans un premier temps, le gain de pouvoir d'achat sera certain, la baisse des prix pourrait aussi aboutir une inédite récession dans le secteur.

LES OBJECTIFS

25% de part de marché (la même que celle qu'il détient dans l'internet fixe)

100 boutiques d'ici à deux ans, contre quatre aujourd'hui

Couvrir 90% de la population avec ses propres antennes d'ici à 2018, contre 30% aujourd'hui (en attendant, Free « loue » le réseau Orange pour 1 Mrd € les six ans)

Source : Free

SUR LE MÊME SUJET

Sujets associés

NEWSLETTER Quotidienne

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS

Tous les événements

Les formations LSA CONSO

Toutes les formations

LES SERVICES DE LSA CONSO

Trouvez les entreprises de la conso qui recrutent des talents

B&M

Directeur de Magasin H/F - France entière

B&M - 17/05/2023 - Autres - Pays De La Loire

+ 550 offres d’emploi

Tout voir
Proposé par
LSA

Détectez vos opportunités d'affaires

83 - La Môle

Fourniture de repas en liaison froide au restaurant scolaire

DATE DE REPONSE 10/07/2023

+ de 10.000 avis par jour

Tout voir
Proposé par
Marchés Online

ARTICLES LES PLUS LUS