L'entrepôt e-commerce à la conquête de Paris

LSA a visité, le 19 mai, le nouvel entrepôt Ocado-Monoprix à Fleury-Mérogis,en Essonne. L’objectif : développer l’e-commerce alimentaire en Île-de-France grâce à ce partenariat technologique.

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L'entrepôt e-commerce à la conquête de Paris
1 Cet entrepôtest conçu commeune «?ruche?» avec plusieurs étages d’alvéoles, surplombéspar une grille immense. 2 Intelligence artificielle est machine learning optimisent tous les déplacements des petits robots. 3 Les produits viennent aux préparateurs qui ne bougent pas. Ils s’occupentde plusieurs commandes en même temps.

Mardi 19 mai, 9 heures du matin, dans le fin fond d’une zone commerciale de Fleury-Mérogis (91), au sud de Paris. Le parking est presque vide et l’entrepôt flambant neuf. Nous sommes parmi les premiers journalistes à visiter ce site que le groupe Casino, pour le compte de son enseigne Monoprix, vient d’ouvrir avec Ocado. Le bâtiment s’étale sur 36 000 m². Casino est le locataire du terrain et gère le site. Ocado est le partenaire britannique responsable de la technologie. Cette société, qui gère un site à son nom en Angleterre mais qui multiplie les projets de partenariat en dehors du Royaume-Uni (avec Kroger aux États-Unis, Sobeys au Canada, ICA en Suède...), dispose de 1 400 développeurs informatiques et de 350 ingénieurs en mécanique et robotique et veut ouvrir 20 entrepôts robotisés dans les trois prochaines années !

Ocado agit alors comme une marque blanche du back et du front office. Avec quel mode de rémunération ? « Le partenariat est tel que le risque est partagé, puisque chacun a engagé des coûts fixes dans le projet. Mais, bien entendu, Ocado est également rémunéré en fonction de l’activité générée par l’entrepôt, d’où l’intérêt partagé à la réussite de ce projet », explique Ferdinand Tomarchio, directeur e-commerce alimentaire de Monoprix. Ce projet a été annoncé il y a presque trois ans. Les travaux ont été entamés il y a deux ans, et la première commande a quitté Fleury-Mérogis le 18 mars dernier. Dès le début chez des salariés de Monoprix mais aussi chez des clients tests. Depuis le 18 mai, l’entrepôt livre Paris et la petite couronne. « Nous voulions ouvrir fin juin mais, avec la crise, nous avons décidé d’accélérer le rythme », raconte Ferdinand Tomarchio.

Un « projet visionnaire »

Cette ouverture est le point d’orgue de la stratégie e-commerce alimentaire du groupe Casino (qui possède aussi Cdiscount) et, plus particulièrement, de celle de Monoprix. Selon leurs besoins et leurs agendas, les consommateurs franciliens vont en effet avoir le choix. Sur un même site, Monoprix.fr, deux entrées s’offrent à eux pour l’alimentaire. Monoprix Express traite les demandes plus ou moins immédiates, ces fameuses courses de dépannage. Il s’agit d’accéder à un assortiment de 10 000 références, comme auparavant sur Monoprix.fr ou avec le click & collect à partir du magasin.

Quant aux clients très pressés, ils peuvent toujours se rendre sur Amazon Prime Now avec une livraison en deux ou trois heures. « Ce service marche très bien. Six magasins parisiens et deux à Lyon et Nice travaillent à ce jour avec Amazon », poursuit Ferdinand Tomarchio. Il restait à traiter les gros paniers, les courses de fin de semaine. Ce sera le rôle de Monoprix Plus (courses.monoprix.fr), car tel est le nom du partenariat entre Casino et Ocado. « C’est un projet visionnaire », souligne Nathalie Mesny, directrice générale de Monoprix Online, chargée de Sarenza et de Monoprix.fr.

Pour y parvenir, le site de Fleury-Mérogis gérera 35 000 références dès septembre et 50 000 dès l’an prochain. Avec toutes les catégories des PGC (épicerie, liquides, DPH, frais), mais aussi un peu de non-alimentaire, du consommable. « Nous nous posons la question de l’élargissement du non-al avec, par exemple, en premier test dès cet été, les fournitures scolaires de rentrée des classes », indique Ferdinand Tomarchio. Et du côté de l’alimentaire, des réflexions sont menées pour monter des ateliers de découpe (poissonnerie, boucherie…) ou de vrac.

Concrètement, les approvisionnements proviennent pour l’instant des entrepôts de Monoprix, via sa filiale logistique Samada, et de ceux du groupe Casino. Mais des livraisons directes sont envisagées à terme avec quelques fournisseurs. Dès la réception, les palettes passent dans la cellule de déconditionnement où les produits sont répartis dans des bacs après une vérification de la date limite de consommation. En sachant que pour être référencé, chaque produit a été préalablement pesé et mesuré et que ses mesures en 3D ont déjà été prises au laser.

Une immense « ruche » qui pourrait essaimer

Ensuite, direction les stocks. Car, à l’étage, c’est le domaine d’Ocado. Là, des petits robots sont répartis « en ruche », sur plusieurs étages d’alvéoles que surplombe une immense grille, d’où les robots accèdent aux produits en dessous d’eux. Intelligence artificielle et machine learning sont à l’œuvre pour optimiser tous les déplacements (5 mètres par ­seconde), tout en intégrant les dates de péremption des produits. Comme dans un essaim, les robots collaborent : si l’un d’eux doit atteindre une alvéole trois étages plus bas, d’autres déplacent les casiers du dessus en quelques secondes. En fonction des commandes et de l’historique emmagasiné, les produits à forte rotation sont ainsi placés à un endroit stratégique alors que les faibles rotations vont directement au fond. Résultat : préparer un panier de 50 articles ne prend que six minutes entre la réception de la commande et son expédition. « À l’arrivée, un niveau de service inégalé que le consommateur perçoit en termes d’offre, d’interface, de non-substitution des produits, de rapidité et de ponctualité », assure-t-on chez Monoprix.

La commande est lancée. À un autre endroit, les préparateurs sont en poste. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux entrepôts, notamment dédiés aux drives, ici, les salariés ne bougent pas : les produits viennent à eux. Ils sont devant trois bacs. Dans chacun d’entre eux, trois sacs en plastique déjà ouverts, afin de préparer plusieurs commandes en même temps. Un écran leur indique où déposer le produit. À noter que les sacs en plastique sont à 85 % en plastique recyclé et qu’ils sont consignés. Le chauffeur est censé les récupérer lors de la livraison suivante. Un « retour » qui sera effectif dès que les mesures barrières auront pu être adaptées.

Ensuite, les bacs sont placés sur des rolls puis acheminés dans des camionnettes qui fonctionnent au gaz naturel de ville avec un rayon d’action de 80 km autour de Fleury-Mérogis. Mais, à terme, Casino envisage de livrer le nord de la France en se servant d’une plate-forme relais. Un premier test pourrait être fait fin 2021. Et l’idée d’entrepôts similaires à celui de Fleury-Mérogis dans la région lyonnaise et le sud-est de l’Hexagone fait son chemin…

Aujourd’hui, le site de Fleury-Mérogis compte 25 chauffeurs-livreurs et une vingtaine d’opérateurs logistiques. En juillet, il dénombrera 80 chauffeurs. À la fin de l’année, il y aura 350 salariés, dont les deux tiers seront des chauffeurs-livreurs et un tiers des opérateurs logistiques. « Avec un objectif de plus de 1 000 salariés à la fin de la décennie, nous recrutons massivement. C’est le côté humain du projet. Finalement, le robot n’est qu’un humain augmenté. Il apporte la marchandise à l’humain », martèle le directeur e-commerce alimentaire.

Un camion réalise en moyenne deux tournées chaque jour, avec 10 à 20 commandes par tournée en fonction des distances et des volumes. Plus étonnant, l’algorithme équilibre la charge de la camionnette, par exemple en ne mettant pas tous les liquides du même côté. Ensuite, le salarié fait sa livraison en dix minutes. « Son métier, ce n’est pas de conduire un camion mais de livrer des clients. Les chauffeurs sont recrutés et formés avec cette volonté de service. La qualité du service au client est la force de notre projet », ­poursuit Ferdinand Tomarchio. Et ils portent un uniforme O’Logistique, laissant penser qu’une autre enseigne du groupe Casino pourrait suivre l’exemple de Monoprix. On pense très fort à Franprix, qui pourrait s’appuyer sur la plate-forme pour des courses à prix beaucoup plus compétitifs que ceux proposés par ses magasins. Mais là-dessus, silence radio du groupe.

Reconvertir les déçus de la livraison

Quels sont les objectifs d’une telle organisation ? « Nous misons à terme sur 100 000 commandes par semaine dans quatre ou cinq ans avec un panier entre 100 et 150 €. Soit un objectif de chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros », dit-on chez Monoprix. L’équivalent actuel du marché de la livraison à domicile à Paris ! Un projet ambitieux lorsque l’on sait que la livraison assure moins de 20 % du marché de l’e-commerce alimentaire et que le drive s’approprie le reste. « Oui, mais c’est une originalité très française. Et si l’e-commerce alimentaire ne pèse que 10 % du marché, nous pensons que cette part approchera 20 % dans trois ans », affirme Nathalie Mesny. Pour Ferdinand Tomarchio aussi, « aujour­d’hui, le marché est mûr. Les Français attendent une telle qualité de service. Ils sont tous digitalisés. Et la technologie, notamment l’intelligence artificielle, nous permet de faire des choses qui étaient encore impensables il y a quelques années ».

Reste à savoir si les prix de Monoprix ne risquent pas d’effrayer les clients. « Valorisation et pouvoir d’achat, il y a de la place pour les deux positionnements en Île-de-France. Et, qui plus est, avec 50 000 références, vous gérez différemment votre mix de marge qu’avec 5 000 à 6 000 références », insiste Nathalie Mesny. « N’oubliez pas que c’est par la qualité de notre service que nous voulons reconvertir les déçus de la livraison à domicile », ajoute Ferdinand Tomarchio. Avant de poursuivre : « Avec 50 000 références, nous n’allons pas seulement concurrencer les grandes enseignes généralistes. Nous visons aussi les sites spécialisés, par exemple de petfood ou de bio. »

Histoire d’enfoncer le clou, Nathalie Mesny raconte que, pendant la crise sanitaire, « les commandes e-commerce de Monoprix ont été multipliées par quatre et celles de click & collect par sept. C’est bien la preuve que la demande est là ! » Il n’en reste pas moins que le juge de paix sera la rentabilité de cette organisation. Qui dépendra du montant de la rémunération d’Ocado, du développement réel de l’e-commerce alimentaire, de la question du positionnement prix de l’enseigne, de l’acceptation ou non de payer des frais de livraison et, bien sûr, de la réaction des concurrents.

Les enjeux

  • Convertir l’Île-de-Franceà l’e-commerce alimentairevia la livraison à domicile.
  • Démontrer que le service l’emporte sur la notion de prix.
  • Se servir de cet entrepôtet de cette technologie pour d’autres enseignes de Casino.
  • Concurrencer aussi bienles enseignes généralistesque les spécialistes.
  • Incorporer dans l’offre de plus en plus de non-al.
  • Ouvrir dans l’entrepôt des ateliers de découpe et du vrac.
  • Livrer le nord de la France à partir de Fleury-Mérogis.
  • Construire des entrepôts identiques en région lyonnaise et dans le sud-est de la France.
  • Prouver que la livraison à domicile peut être rentable.

Les chiffres

  • 36 000 m² La surface
  • 35 000 références dès septembre, 50 000 dès l’année prochaine
  • 5 m/seconde La vitesse des robots
  • 50 articles en six minutes 350 salariés dont les 2/3 de chauffeurs-livreursà la fin de l’année
  • 100 000 commandes/semaine dans quatre ou cinq ans, avec un panier entre 100 et 150 €
  • 500 M € de CA dans quatre ou cinq ansSource : entreprises

Quels frais de livraison ?

Les frais de livraison sont offerts au-delà de 150 € d’achat. Entre 100 et 150 €, il faut payer 4,99 € et 9,98 € si le panier est inférieur à 100 €. Mais les prix de la livraison pourront aussi varier selon les jours de la semaine et en heures creuses. En sachant que l’entrepôt de Fleury-Mérogis va livrer tous les jours de l’année, à l’exception du seul 1er mai.

« Si l’e-commerce alimentaire ne pèse que 10 % du marché, nous pensonsque cette part approchera 20 % dans trois ans. »

Nathalie Mesny, directrice générale de Monoprix Online

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