L'heure des choix pour le commerce et l'industrie [Edito]
Yves Puget
\ 08h20
Yves Puget
Pour affronter les multiples crises successives, l’heure des choix est venue. Des champs aux placards, tout le monde est concerné. Les agriculteurs vont choisir ce qu’ils veulent cultiver, produire ou élever. En raison de coûts devenus exorbitants et de normes pénalisantes, certains, par exemple, abandonneront la volaille au profit des céréales. Ensuite, des industriels couperont dans leur assortiment puisque des matières premières risquent de manquer, mais aussi parce que des usines pourraient fermer certains jours, ou ne brancheront pas quelques lignes de production afin, notamment, de baisser la facture énergétique. Beaucoup ont déjà commencé à retirer les références qui ne tournent pas, ou trop peu. Il en est de même avec les emballages où il conviendra d’opter entre le verre, le carton ou le plastique selon la disponibilité et les coûts. Avec la difficile équation qui consiste à prioriser la demande des consommateurs ou la pérennité de sa marge. Un arbitrage pas si simple qu’il n’y paraît…
Les distributeurs n’échappent pas à cet exercice de virtuose. Le temps n’est plus à l’hésitation : il leur revient plus que jamais de prendre des options pour leurs gammes et leurs prix et ce fameux calcul du mix de marges. Par exemple, certains feront le pari de la disponibilité de l’offre en remplissant leurs rayons coûte que coûte et d’autres, à l’inverse, joueront la carte de l’image prix en refusant des hausses de tarifs et donc en se privant, volontairement, de certaines références. Autant de choix stratégiques ! Et comme les industriels avec leurs gammes, des distributeurs commenceront à faire le ménage dans leur parc, par exemple en fermant ou vendant des magasins déficitaires. Car « choisir, c’est renoncer »… Enfin, les consommateurs ne vont pas pouvoir bien longtemps se contenter d’ajuster à la marge leurs habitudes d’achat en prenant ici ou là un peu plus de MDD. Ils changent déjà d’enseignes, achètent de moins en moins en volume et commencent même à bouder certains rayons. Eux aussi sont à l’heure des choix.
Ces décisions ne sont que le résultat d’une inflation inédite et généralisée. La vraie question est de savoir ce qu’il en restera après, lorsque la reprise économique pointera le bout de son nez. Les Français – consommateurs et entrepreneurs – vont-ils tout oublier et reprendre leurs bonnes vieilles habitudes ou, bien au contraire, ces nouveaux comportements seront-ils ancrés chez eux durablement ? La vérité est probablement au milieu tant il est fort probable qu’ils aient tous découvert quelques bonnes pratiques ou que des tendances de fond, comme la conscience environnementale, ne peuvent pas faire machine arrière.
Rappelons que pour les Chinois, le mot crise est constitué de deux idéogrammes Wei (danger) et Ji (opportunité). Autrement dit, une crise est aussi un élément favorable pour la mutation et la croissance d’une entreprise. Et en Français, la crise vient du latin crisis, lui-même emprunté au grec ancien krisis. Ce dernier dérive d’une racine indo-européenne qui signifie trier, par exemple le « bon grain de l’ivraie ». Et d’autres estiment que krisis signifie « décision ». Une nouvelle fois, il convient de marteler le message : nous sommes à l’heure des choix…
ypuget@lsa.fr @pugetyves