"L’intérêt de consommer de la viande est de plus en plus jugé sous l’angle environnemental",Interview de Christophe Lapasin, secrétaire général de Célene
Christophe Lapasin, secrétaire général de Célene, la Cellule énergie et environnement des entreprises françaises de production de viande, fait le point sur les enjeux du développement d’un référentiel de calcul de l’empreinte environnementale mis en place par l’industrie européenne depuis 2014.
LSA - Quelle est la nouveauté du référentiel appliqué depuis l’année dernière ?
Christophe Lapasin - Il vise à développer des référentiels sectoriels européens de calcul de l’empreinte environnementale des produits sur la base de l’analyse du cycle de vie. Cette méthode a l’avantage de porter sur l’ensemble du cycle de production.
LSA - Quel est l’objectif de cette expérimentation ?
C. L. - Elle porte à la fois sur des produits alimentaires et non alimentaires. L’Union européenne du commerce du bétail et de la viande, l’UECBV, est le coordinateur du projet « viande ». La France participe à cette expérimentation via Célene, ainsi que quatre autres pays européens (Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas) et deux pays tiers (Australie, Nouvelle-Zélande). Le projet s’achèvera en décembre 2016. Le but est de réaliser le référentiel de l’analyse du cycle de vie de la viande pour trois espèces : bœuf, agneau et porc. Elle concerne donc tous les maillons de la chaîne de production de la viande, de l’aliment du bétail jusqu’à la cuisson de la viande.
LSA - Par rapport aux dernières méthodes, quelles sont les principales évolutions qui méritent d’être soulignées ?
C. L. - Les données gagnent en précision, et les méthodes en robustesse, mais les constats restent les mêmes : l’impact d’un produit diffère selon l’unité fonctionnelle retenue. Rapporter l’impact environnemental au kilo pour un produit alimentaire n’est guère satisfaisant, car le service apporté par la viande à l’homme n’est pas que de « remplir l’estomac ». L’idéal aurait été de développer une unité fonctionnelle basée sur la nutrition, mais qui, faute de temps, n’a pas pu être élaborée pour cet exercice. La répartition des impacts de l’élevage entre les différents sortants de l’abattoir est un autre levier fondamental de notre projet. En fonction de la méthode utilisée, l’impact sur la viande est plus ou moins grand. Le différentiel peut être de 30 à 40%. En décembre 2014, faute de consensus, la Commission européenne imposait, comme modèle de base, l’allocation économique qui est favorable aux utilisateurs de coproduits et défavorable aux producteurs de viande. Les autres méthodes étant jugées insuffisamment étayées scientifiquement. Avec le soutien de France AgriMer, nous nous sommes donc tournés vers l’Inra afin de développer une méthode fondée sur l’utilisation de l’énergie par l’animal pour construire ses différents tissus. L’étude est terminée et semble solide scientifiquement, elle doit faire l’objet d’une revue d’experts dans les mois à venir.
LSA - La consommation de viande ne cesse de reculer et les industriels sont pointés du doigt par les défenseurs de l’environnement. Cette démarche peut-elle changer la donne ?
C. L. - Le sujet est extrêmement complexe. Il est dans notre intérêt de développer des instruments de mesure de l’empreinte environnementale qui soient le plus justes. Cette nouvelle démarche doit être conçue comme un outil de la performance industrielle afin d’améliorer les procédés et non pas comme un moyen de comparer l’empreinte environnementale de tel ou tel produit sans autres repères.
Un faux départ
Inscrit dans le Grenelle de 2009, le projet d’affichage de l’empreinte environnementale n’a pu être mené sur l’ensemble des biens de consommation. Les critères de dégradation de l’environnement pris en compte manquaient de précision et gommaient les aspects positifs mis en place par les filières. En 2014, la Commission européenne a mis en place un nouveau référentiel.