La bière poursuit son chemin vers la valorisation

La France est un pays particulier. Il s'y consomme des bières spéciales et de spécialités bien plus qu'ailleurs en Europe. Des petites mousses premium qui tirent le marché vers le haut et compensent l'effritement des ventes en volume, impossible à endiguer depuis vingt ans.

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Les appareils photo crépitaient dans tous les sens, le 10 mars dernier, au Pavillon Gabriel, à Paris. Pour qui ? Pour Stéphane Rotenberg, Agathe Lecaron - tous deux présentateurs de l'émission Top Chef (M6) -, Jean-François Piège, Guislaine Arabian, Christian Constant et Thierry Marx, les prestigieux chefs de cette émission culinaire. Ils étaient tous là, sans compter quelques autres stars du petit écran, pour le lancement, du coup bien immortalisé, de deux nouveautés signées Kronenbourg : Fleuron d'Alsace pour les bars et la nouvelle Sélection des brasseurs ambrée pour la GMS.

Un double lancement pour le moins en grande pompe, ce qui est rare dans la bière, alors que les spiritueux enchaînent les soirées chics à chaque sortie d'une fiole originale. Cette soudaine médiatisation suffira-t-elle à réveiller le marché endormi de la bière ? La suite le dira. Pour le moment, il suit une pente douce depuis deux décennies. « Depuis 1991, il a perdu 14% de ses volumes, pour stagner aux alentours de 20 000 hectolitres », explique Pascal Chèvremont, délégué général des Brasseurs de France. La faute à un été pluvieux. La faute aussi à la pression sur la santé et l'alcool ainsi qu'à la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires).

Une stratégie de « premiumisation » efficace

Seule voie possible : la valorisation. Et cette stratégie marche. Le marché a gagné 3,5% en valeur, à 1,6 milliard d'euros (SymphonyIRI, CAM au 27 février 2011). Mais toutes les marques n'en bénéficient pas. Car le rayon est scindé en quatre. D'un côté, les bières de luxe (Kronenbourg, 33 Export, Kanterbrau, etc.) et les panachés et bières sans alcool. Deux segments qui plongent, respectivement, de 4,6% et de 4,5% en valeur, et dans lesquels il ne se passe pas grand-chose.

De l'autre, les spéciales (Heineken, 1664, Bavaria, etc.) et les spécialités (Leffe, Grimbergen, Affligem, etc.) tirent vaillamment le marché vers le haut, à respectivement + 4,5% et + 8,3%. Chose étonnante, les marques de distributeurs restent cantonnées aux bières moins valorisées. Elles détiennent 23,6% du marché des panachés et des sans alcool, 11% des bières de luxe, seulement 1,8% des blondes spéciales et 1,7% des spécialités. Mais les temps changent. « La rentabilité des marques leaders s'est dégradée avec la LME, constate un distributeur. Alors nous nous lançons sur des bières plus haut de gamme. » Système U a pris le virage avant les autres. Depuis peu, Auchan lui emboîte le pas, en lançant la bière spéciale Sterling premium, en canettes de 50 cl et 6 x 33 cl et en bouteille de 6 x 25 cl, et, bientôt, une bière d'abbaye. « Nous n'irons jamais sur des bières de niche, type Desperados ou Hoegaarden, car les marques y sont très fortes, explique Patrick Flahaut, chef de groupe boissons chez Auchan. Mais, depuis un an et demi, nous avons décidé de développer des bières comme Sterling prestige, que nous lançons à l'échelle européenne [Italie, Espagne, Portugal, NDLR]. »

Des bières qui ont du sens

De leur côté, les acteurs ont bien compris que les consommateurs veulent des bières qui ont du sens. « C'est une tendance forte, assure Véronique Debs, responsable marketing de la Brasserie Meteor. Les Français veulent savoir l'origine des produits, les procédés de fabrication et les hommes qui sont derrière. » Numéro un des bières de saison (Meteor vend près de une bière de saison sur trois sur le plan national), le brasseur alsacien a beaucoup communiqué sur ses origines depuis 2005.

Profil organoleptique

L'année 2011 signe un virage : celui de la mise en avant du profil organoleptique de ses petites mousses, notamment Meteor Pils et Lager. « Créée en 1927, la recette de notre Pils est très sophistiquée, poursuit Véronique Debs. Elle contient des houblons aromatiques, ce que nous mettons en avant maintenant sur nos packagings avec la mention " à la fleur de houblon ". » Le leader en volume, Kronenbourg, a choisi d'« humaniser » ses bières et de sortir de son statut de bière de luxe avec Sélection des brasseurs blonde et, depuis peu, ambrée. À la fin de 2010, cette déclinaison a permis à la marque d'augmenter sa part de marché de 0,6% en valeur, à 16,1%. « C'est un succès », assure-t-on chez Kronenbourg.

Heineken a de la chance : ses trois marques prioritaires (Heineken, Pelforth et Desperados) sont depuis longtemps sur les deux segments porteurs. Pas question pour autant pour le groupe néerlandais de se reposer sur ses lauriers. Depuis mars, Heineken, leader du marché avec 19% en valeur, a adopté une nouvelle bouteille plus qualitative, mais aussi plus légère. Elle a perdu 10 grammes, ce qui permettra au groupe d'économiser quelque 4 900 tonnes de verre. Et la canette utilise une nouvelle technologie d'impression : une encre tactile qui donne à ce contenant un aspect granuleux comme s'il sortait du réfrigérateur. Pelforth propose une nouvelle bière blonde, Pelforth 3 malts (dorés, caramélisés et torréfiés), une bière dite de dégustation. Il va toutefois mettre l'accent sur une quatrième marque : Affligem.

Le créneau très porteur des bières d'abbaye

Et pour cause. Celle-ci est sur le créneau très porteur des bières d'abbaye, qui représente près de la moitié des volumes des bières de spécialités.

Archidominé par Leffe (InBev), ce segment suscite forcément de l'intérêt. Affligem, petite marque du marché, a déjà vu ses volumes croître de 20% en 2010. Récemment, Marc Busain, PDG de Heineken France, annonçait dans les pages de LSA que plusieurs innovations sur cette marque, dont il juge les arômes « subtils », allaient bientôt arriver. Sur ce segment, Kronenbourg n'est pas en reste. Il élargit la gamme de sa signature Grimbergen ( +10% en volume, en 2010), déjà forte d'une blonde, d'une ambrée et d'une blanche, avec une version aux fruits rouges. « Nous l'avons lancée avec succès dans les bars. Les bières aux fruits rouges présentent l'avantage de plaire aussi bien aux hommes qu'aux femmes, déclare-t-on chez Kronenbourg. Nous allons aussi revisiter le packaging de Grimbergen. »

La bonne saison

Chez InBev, Leffe est aussi l'objet de toutes les attentions : depuis l'automne dernier, la marque s'est lancée, à l'instar de Meteor, dans la bière de saison. « En 2009, nous avons écoulé 7 000 hectolitres de notre bière de Noël dans les bars, soit 15% de plus qu'en 2008 », expliquait récemment à LSA José Lafuente, directeur d'InBev France. Une première bière de Noël puis, ces jours-ci, une bière de printemps en pack 12 x 25 cl. Un succès du réseau CHR qui gagne la grande distribution. InBev multiplie également les formats, avec deux packs Leffe ruby, de 12 x 25 cl et de 12 x 33 cl, et un de 4 x 50 cl pour la Leffe blonde. Et comme la catégorie des bières de spécialités lui semble sous-développée dans les supermarchés, InBev a élaboré un box prêt à vendre facile à implanter dans ce réseau. L'idée ? Recruter de nouveaux consommateurs, sachant que 15% des foyers achètent de la Leffe.

C'est aussi pour capter une nouvelle cible que la marque néerlandaise Bavaria, bien connue pour ses boîtes de 50 cl (92% de ses volumes), met le projecteur sur sa nouvelle bouteille. À elle de séduire des hommes, plutôt jeunes, aisés et urbains. Que consomment-ils pour le moment ? 1664, Leffe, Desperados, Heineken ou encore Kronenbourg. Cette cible préfère nettement la bouteille à la canette. D'où le lancement d'une bouteille échancrée dotée d'un col triangulaire. « Nous sommes arrivés sur le marché français avec nos canettes. C'était nouveau. Maintenant, nous revenons à un contenant classique, la bouteille, à laquelle nous avons donné une forte identité », explique Benjamin Kaempf, directeur marketing de Bavaria France. Elle est en magasins depuis février pour la référence 8.6 Original en 65 cl. Avec, pour l'occasion, un bon de réduction immédiate. Ce n'est pas tout. En avril, apparaîtra le pack de 6 x 25 cl en bouteilles pour les références 8.6 Gold et 8.6 Original. À coup sûr, les distributeurs feront de la place à ces deux références : la marque s'est envolée de 9,6% en volume, en 2010. Et puis, Bavaria a prévu un plan média d'envergure. Mais, pour le moment, l'équipe de Top Chef qui, nous l'avons vu, était chargée d'apporter une caution gastronomique à Sélection des brasseurs, n'a pas été sollicitée.

Heineken veut rendre le rayon plus convivial

  • En plus de lancer des innovations et de soutenir une quatrième offre stratégique, Affligem, Heineken s'est intéressé à la logique d'achat des clients pour proposer à la distribution une nouvelle implantation du rayon. « 75% des ventes se font en fond de rayon, explique Pierre-Antoine Tonnot, directeur commercial GMS du brasseur. Nous avons mené beaucoup d'études pour comprendre les motivations d'achat et pour créer du trafic. » Le constat ? Un foyer passe en moyenne neuf fois par an dans ce rayon et n'y consacre que quarante-cinq secondes. Las ! L'acheteur ne trouve pas le rayon très convivial, alors que la bière est, par excellence, un produit de plaisir. Heineken a identifié quatre clés d'entrée : les bières valorisées, comme les blondes (Heineken, 1664, Desperados), les bières de dégustation (Leffe, Pelforth, Bavaria, etc.), les canettes de 50 cl et les bières peu valorisées (33 Export, Kronenbourg, etc.). Quatre segments du plan d'implantation préconisés par Heineken en ajoutant les fûts, un format sur lequel le fabricant détient 80% du marché. Cela avec un habillage, un balisage complet et plusieurs meubles permettant également des opérations de cross-merchandising.

Quelles sont les nuances entre bières spéciales, bières de spécialités et bières de luxe ?

Tout est affaire de degré d'alcool. La dénomination « bières spéciales » est apparue après-guerre suite à une taxation sur les boissons alcoolisées : elle concerne uniquement les bières blondes titrant entre 5,5° et 6,5°. Les bières de spécialités, ce sont toutes les autres : blondes de plus de 6,5°, ambrées, rouges, aromatisées, d'abbaye, de saison, etc. Les bières de luxe, ou de rafraîchissement, titrent entre 4° et 5°. Elles n'ont rien de luxueuses, mais elles représentent plutôt le coeur de marché. « De luxe » est une expression ancienne qui remonte à l'époque où la bière commença à être commercialisée en bouteille et non plus seulement à la tireuse.

Les chiffres

  • 1,6 Mrd €  : Le chiffre d'affaires total des bières et des panachés, en 2010, en croissance de 3,5%.

Source : SymphonyIRI, CAM à fin février 201

  •  30L : Le nombre de litres consommés par habitant chaque année. les Français arrivent avant-dernier pays européen, les premiers sont les tchèques, avec 159 litres par an.

Source: Brasseurs de France

  • 19% : La part de marché, en valeur, d’heineken, à fin 2010$

Source: heineken

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