La Boutonnière, à fond sur la mode collaborative
La Boutonnière, jeune start-up lyonnaise créée par Ralph Speyser, 25 ans, et Coralie Loum, 28 ans, fait ses premiers pas dans un marché qu'on devine avec un grand potentiel : celui de la mode collaborative. Deux marques, Mihacé et Anna Studio, ont déjà joué le jeu pour engager la conception, puis la fabrication, de collections cocréées par les clientes, en éditions ultra-limitées.
Mieux qu’une collection capsule, une collection participative… La Boutonnière, jeune start-up lyonnaise, entend mettre les marques de prêt-à-porter en liaison directe avec leurs client(e)s pour créer des gammes en édition limitée. « Notre rôle est de donner la parole aux consommateurs pour créer encore plus d’affinités et de liens avec leurs marques préférées », avance Ralph Speyser, 25 ans, cofondateur de La Boutonnière avec Coralie Loum, 28 ans.
Une idée aussi maligne que dans l’air du temps : faire participer ses clients au processus de création des collections. Quoi de mieux, en effet, pour contrer les difficultés actuelles du secteur textile ? « On compte sur le marché plus de 3000 marques qui se battent pour séduire le consommateur, explique Ralph Speyser. Autant dire alors que faire la différence est dans ces conditions devenu très difficile ».
L'argument du prix: nécessaire, mais plus suffisant
Pendant longtemps, pour ce faire, la martingale consistait à « sortir la machine à promos ». A tel point qu’aujourd’hui les ventes sous promotions diverses et variées dépassent le tiers du chiffre d’affaires du secteur. Mais s’il n’est évidemment pas question, pour les marques, d’abandonner le combat du prix, ce n’est plus un argument suffisant pour se différencier. Nécessaire, ça oui, mais plus suffisant.
Que faire alors ? Jouer la fibre de l’émotion, pardi. C’est ici qu’intervient La Boutonnière. Le principe ? Vous vous inscrivez sur le site, choisissez la collaboration à laquelle vous souhaitez participer et vous voilà prêt à vous prendre pour un(e) styliste. Devant vous, maintenant, s’étale le « mood board » - appelons-le planche de tendance plutôt : une combinaison de neuf images, spécialement proposées pour coller à l’esprit de la marque concernée.
Jouer la fibre de l'émotion
Type de vêtement, coupe, forme, style, matière, couleur, tout y passe pour que vous puissiez créer le vêtement de vos rêves. Le tout le plus simplement du monde, via un système de « glisser-déposer ». Le site permet également d’ajouter à son « mood board » une proposition personnelle, issue d’une photo qu’on peut librement télécharger.
« Ce travail accompli, nous étudions l’ensemble des données collectées pour finalement proposer une planche de tendance moyenne. La marque, à partir de ces informations recueillies, propose six croquis, qui sont ensuite soumis au vote. Tout cela prend deux ou trois semaines, et les trois pièces les plus plébiscitées sont alors lancées en production, puis commercialisés. »
200 personnes pour jouer le jeu avec Anna Studio
Mihacé et Anna Studio ont déjà joué le jeu, depuis le lancement de La Boutonnière, en début d’année 2015. Pour cette dernière, 20 unités de chacune des trois pièces élues ont été produites. Une série ultra-limitée, donc, mais qui, en dépit de cela, ne fait pas « exploser » les prix habituellement pratiqués par la marque. Anna Studio célèbre cette année ses dix ans, et tenait à marquer le coup : il s’agit donc essentiellement d’une question d’image, avant d’être une opération commerciale à proprement parler.
Difficile, en effet, en s’en doute, d’écraser ses coûts avec de si petites séries. L’enjeu est donc ailleurs : dans cet esprit de communauté si important aujourd’hui à trouver pour quiconque entend faire vivre sa marque. Ce sont ainsi près de 200 personnes, en très grande majorité des femmes, qui ont participé à cette aventure avec Anna Studio.
Proposer une expérience implicante et personnalisée
Une « collab’ » qui répond parfaitement aux nouveaux enjeux du commerce, tels que Philippe Moati, de l’ObSoCo (Observatoire société et consommation), les traduit dans une récente étude : « Nous visons une révolution commerciale, en cours depuis les années 1990, et que les mutations technologiques ne font aujourd’hui qu’amplifier et accélérer, explique-t-il. Le commerce passe d’une logique produits à une logique clients. C’est-à-dire qu’il est sorti – qu’il doit sortir – d’un traitement de masse pour aller vers un système de personnalisation complète. Cela demande, pour le commerçant, davantage de souplesse pour capter cette clientèle en attente de nouvelles attentions. Le plus important étant finalement non plus tant ce qu’on achète, mais ce que l’on vit en magasin ou avec la marque : en cela, proposer des offres exclusives, qu’on sera sûr de ne pas retrouver ailleurs, apparaît comme une bonne solution. »
C’est peu dire alors, dans ces conditions, si ce concept imaginé par La Boutonnière peut avoir un bel avenir. Le site vient d’ailleurs d’être appelé à rejoindre Silicon B, l’incubateur de start-up créé par le groupe Beaumanoir. Reste, pour La Boutonnière, une question de taille à se poser : quel modèle économique, pour ce site ? L’enjeu, principalement, est dans la collecte des données : une manne considérable pour se faire un expert ès-tendances de mode.
Ci-dessous, un exemple de la planche de tendance moyenne établie pour Anna Studio :
Les deux fondateurs de La Boutonnière, Coralie Loum, 28 ans, et Ralph Speyser, 25 ans :